NOS COUPS DE CŒUR DE L’ÉTÉ #02 (accès libre)
Une soucoupe volante qui se pose sur le poignet : Ikepod Duopod Gold Dots
Dans beaucoup de domaines, l’été pousse aux variations sentimentales, à une certaine inconstance et aux intermittences du cœur. Comme on dispose d’un peu plus de temps libre, on se prend à faire quelques infidélités à nos compagnes de poignet : on se prend à essayer de nouvelles montres, à tenter de nouvelles carpo-aventures. Deuxième carte postale : quelques jours en compagnie d’une montre totalement décalée par rapport à l’offre mainstream – une montre qui a choisi d’avancer hors des sentiers battus…
Personne ne saurait nier que le « style Ikepod » s’impose, dans la catégorie design, comme un des plus iconiques de la fin du XXe siècle. En 1994, Oliver Ike et le styliste Marc Newson, les deux fondateurs de la marque, ont (re)créé un boîtier dont la forme de « galet » ou de « soucoupe volante » avait sidéré et séduit les collectionneurs. Sans être tout-à-fait original [on songe ici à différentes montres précédentes, comme la Traveling Time de Louis Vuitton/IWC de 1989 ou diverses autres propositions : Jürgensen, Mondia – ou même la « Flying Saucer » d’Omega, en 1938 – ci-dessous], ce style « ovoïde » ou « discoïde » a fini par devenir quintessentiellement avant-gardiste et même très élitiste : tenir ainsi le coup depuis vingt-cinq ans sans se ringardiser, c’est un exploit ! Certains discernent même dans ce « style Ikepod » les prémices du futur « style Apple Watch » [encore Marc Newson !] qui allait déferler sur les poignets dans le milieu des années 2010.
Passons rapidement sur les mésaventures « historiques » de cette marque Ikepod, absurdement positionnée dès sa naissance dans une chimérique « haute horlogerie », vivotant mal, « plantée » ici, remontée là avec un certain bonheur, recrashée ailleurs et enfin relancée voici un peu plus d’un an : les lecteurs de Business Montres ont été aux premières loges pour profiter des perspectives ouvertes par cette relance, organisée autour d’une campagne Kickstarter et assise tant sur l’image passée de la marque [intouchée malgré tous ces épisodes malheureux] que sur un positionnement très intelligent, qui a retenu le meilleur de ce style en le mettant à la portée de tous avec des prix divisés par dix ou vingt par rapport aux séquences précédentes. Cerise sur le gâteau de cette aventure Ikepod saison 3 : le recours aux talents du grand designer horloger Emmanuel Gueit (Royal Oak Offshore, Cellini Rolex, etc. : ci-dessous) pour relooker les cadrans et les aiguilles.
C’est dire à quel point on était impatient de voir les premières livraisons des premières Ikepod saison 3 (Duopod et Chronopod), parvenues chez les souscripteurs Kickstarter au cours de l’été [en dépit des sursauts chaotiques imposés aux horlogers européens par les événements à Hong Kong] et déjà livrées aux détaillants japonais de la marque. Le moins qu’on puisse dire est que le résultat est brillant, surtout pour les 750 contributeurs qui avaient pu profiter d’une Duopod (ci-dessous) proposée autour des 300 euros, alors que la montre est aujourd’hui affichée au prix public de 480 euros hors taxes. Au poignet, c’est l’originalité absolue, tant par la forme du boîtier que par le design du cadran et l’allure générale de la montre. Cette Duopod [les réflexions valent aussi pour la Chronopod] possède, d’instinct et au premier regard, une valeur perçue du double, sinon du triple de son prix réel : impossible pour tout non-initié qui ne serait pas hautement spécialisé de placer même approximativement cette montre sur une échelle tarifaire et d’en déterminer le rapport qualité-prix-image. Il y aurait bien quelques menus détails à améliorer (notamment la rigidité excessive du bracelet en caoutchouc), mais ce sont des péchés véniels d'autant plus pardonnables qu'ils seront corrigés dans les prochaines versions...
Cette montre est manifestement déroutante, et presque dérangeante : alors que son boîtier reste de dimensions relativement modestes (42 mm), elle créé un impact visuel plutôt puissant et elle sait parfaitement faire oublier qu’elle n’est dotée que d’un modeste mouvement électronique [on nous annonce une version automatique d’ici à la fin de l’année]. On ne peut la ranger, ni l’enfermer dans aucune des cases de l’horlogerie mainstream : même si son concept graphique atteint maintenant le quart de siècle, cette Duopod reste inclassable tout en s’imposant comme un geste de distinction esthétique et le témoignage d’une culture subtilement alternative. C’est une pièce de musée – digne d’entrer dans toute collection d’art contemporain – en même temps qu’un « jouet de garçon » on ne peut plus accessible. C’est la montre qui ne laissera personne indifférent et dont on reparlera forcément dans le prochain quart de siècle : c’est peut-être même la « Tank » du troisième millénaire, à moins qu’elle ne soit l’« Oyster » de la post-modernité horlogère ou qu’on en fasse la future « Reverso » qui assouvirait les fantasmes de lassés de l’Apple Watch [rayez les mentions inutiles]. Bref, on l’aura compris, on ne s’ennuie jamais avec une Ikepod Duopod au poignet…
LES COUPS DE CŒUR DE L’ÉTÉ
Résumé des épisodes précédents (en accès libre), avec les liens pour les découvrir…
❑❑❑❑ #01 : une « plongeuse » méconnue qui a pourtant tout pour plaire : Scafograph 300 d’Eberhard & Co. (Business Montres du 1er août)