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VENDREDI (accès libre) : Le Sniper de retour de Hong Kong, qui est devenue La Mecque des grandes marques et des petits acheteurs

Des nouvelles de Watches & Wonders et des touristes chinois qui achètent leurs montres à Hong Kong, des chaises musicales, de la désinformation et des informations qui croustillent... Au fait, amis joailliers, attention aux chutes de présentoirs dans vos vitrines (image ci-dessous).  ▶▶▶ cette semaine,LE SNIPER A...  ▶▶▶ FÉLICITÉTAG Heuer pour la …


Des nouvelles de Watches & Wonders et des touristes chinois qui achètent leurs montres à Hong Kong, des chaises musicales, de la désinformation et des informations qui croustillent... Au fait, amis joailliers, attention aux chutes de présentoirs dans vos vitrines (image ci-dessous).

 
 cette semaine,
LE SNIPER A...
 
 
 FÉLICITÉ
TAG Heuer pour la smartwatch qui a donné la victoire à Oracle...
◉◉ Les deux équipages se valaient et ils étaient considérés comme interchangeables dans leur qualité comme dans leur homogénéité. Les deux voiliers – Oracle Team USA d'un côté, Emirates Team New Zealand en face – se valaient également. Les deux stratégies de course étaient tout aussi convaincantes. Donc égalité parfaite sur le papier, comme l'ont montré le score 8-1 qui laissait les « Kiwis » (Néo-Zélandais) à un tout petit point de la victoire par K.O. Sauf que, c'est à cet instant de la compétition que les Américains [à vrai dire, pas beaucoup de vrais Américains à bord !], ont commencé à savoir se servir de leur montre intelligente Aquaracer 72 développée pour eux par TAG Heuer. Cette montre était une révélation Business Montres du 12 septembre : à l'époque, quelques journalistes étaient invités par TAG Heuer à San Diego, mais ils n'avaient pu réellement approcher les équipiers, confinés dans une de ces « bulles » anti-médias dont les Américains ont le secret. La révélation de Business Montres signalait qu'il était impossible de trouver une image d'un équipier d'Oracle Team USA porteur de cette montre : et pour cause ! Ils ne la portaient pas encore. Rappelons que les fantastiques potentialités fonctionnelles de cette montre permettent à chaque équipier d'être relié non seulement à l'ensemble de données électroniques compilées par les innombrables capteurs du bateau, mais surtout de disposer, à son propre poste, en temps réel, de toutes les données qui intéressent sa mission. C'est ainsi que chaque équipier s'est trouvé plus « intelligent » – quelques menus pourcentages de plus – et plus affûté que son homologue à bord du bateau adverse. L'extraordinaire série des sept régates gagnantes qui ont permis aux Américains de remporter la victoire s'explique-t-elle autrement ? Qu'on nous désigne le vrai facteur de différence ! C'est le 12 septembre, jour de publication de notre article, que Ben Ainslie – le « meilleur-régatier-du-monde », par ailleurs ambassadeur de... Corum ! – est monté à bord d'Oracle et c'est ce jour-là qu'on a commencé à faire parler l'intelligence des montres. À chacun son interprétation des faits [en excluant le facteur Corum]. Une Omega traditionnelle, c'est bien. Une TAG Heuer intelligente et connectée, c'est décisif...
◉◉ La victoire de cette smartwatch est également décisive pour dessiner ce que pourrait être l'avenir des smartwatches : au lieu de se contenter de banales fonctions extra-téléphoniques, la piste suisse est celle d'un container horloger de base [ici, le boîtier Aquaracer] et une allure de vraie montre, mais avec une intelligence très pointue et orientée vers des fonctions très spécialisées, multi-sportives et polyvalentes grâce à des additions logicielles qui vont bien au-delà des gadgets pour geeks un peu blasés. Que de services ces montres connectées à des capteurs embarqués pourraient rendre à des régatiers, mais aussi à des athlètes de haut niveau (paramètres biologiques) ou à des pères de famille au volant. La logique 2.0, c'est le many to many qui remplace le one to many de l'époque des autorités surplombantes. Quel meilleur outil que la smartwatch pour consacrer cette connexion de tous à tous qui devient l'impératif d'une nouvelle modernité ?
 
 
 
 
 AIMÉ
le SIHH en version maison de poupée de Watches & Wonders...
 
 
◉◉ Officiellement, à Hong Kong, on est sur 17 000 mètres carrés, mais c'est en comptant les surfaces annexes (immenses couloirs, salles de conférence, halls d'accueil, etc.) légèrement surdimensionnés par rapport à la surface utile des espaces laissés aux marques, qui se contentent de quelques centaines de mètres carrés, sur un seul niveau, avec, là encore, des couloirs très larges disposés selon le même principe de circulation qu'au SIHH (une allée autour d'un quatrilatère central), avec deux restaurants en open bar de chaque côté. Du coup, on a vraiment l'impression d'évoluer dans un SIHH-Maison de poupée, en version Jivaro, à une échelle humaine oubliée dans les halles de Genève. Le meilleur symbole du redimensionnement constaté à Watches & Wonders reste la présentation Cartier : des vitrines qui fonctionnent comme des fenêtres sur un monde en miniature (image ci-dessous : les rouages donnent l'échelle), qui pourrait se confondre avec la réalité, mais qui se contente de la démarquer à une autre échelle. Autre symbole très parlant de cette reductio a minima : la mutilation de l'aigle monumental qui signait au SIHH l'identité de Roger Dubuis, en référence à l'aigle héraldique genevois du Poinçon de Genève : démonté plume par plume, il n'a pu être intégralement remonté à Hong Kong, faute de place et de hauteur sous plafond, et il avait perdu toute envergure sans ses ailes de roi du ciel...
 
 
◉◉ On pourra d'ailleurs se demander si ce n'est pas cette taille « humaine », plus propice à la convivialité et à la création de vrais émotions relationnelles, qui est aujourd'hui de ces salons horlogers – média fatigué s'il en est – et si le temps des grand-messes n'est pas terminé – à l'exception bâloise près, puisqu'il faut bien un événement central et polaire pour axer l'ensemble des opérations périphériques. La taille réduite de la mise en scène et le ciblage très fin du public accueilli dans un espace plus intime permettent non seulement de réduire les budgets, mais également d'optimiser les ressources allouées. Il faudra ensuite se poser la question de la nécessité – tout sauf évidente – de compiler ainsi autant d'images de marques, aussi hétéroclites, sur quelques milliers de mètres carrés, au risque d'en brouiller la perception ou d'induire des comparaisons pas toujours flatteuses, ni justifiées, entre elles. On a pu constater, à Watches & Wonders, l'intelligence de Cartier qui affichait un ostentatoire profil bas en créant autour de ses vitrines lilliputiennes [une choix créatif malin] une vaste agora favorable à la communication, ou l'opportunisme de Panerai (belle idée du podium horizontal traité en cadran luminescent), mais aussi l'embarras de certaines marques qui n'ont fait que démarquer leur stand genevois (on pense ici à la maquette de la Grande complication de A. Lange & Söhne, qui manquait de recul et de pertinence, ou au stand IWC, qui compilait sans génie les codes Ralph Lauren et Baume & Mercier)...
 
 
 
 
 RELEVÉ
à Watches & Wonders Hong Kong quelques menus faits révélateurs...
 
 
◉◉ CONCEPT DE DÉCORATION : difficile à avouer, mais, en plus d'une échelle générale plus humaine (voir ci-dessus), la décoration elle-même était plus réussie et moins « mussolinienne » (disons moins totalitaire pour ne vexer personne) qu'au SIHH de Genève. Elle était signée par l'agence Decoral (France), qui avait choisi d'unifier le style extérieur [chacune des treize gardant la maîtrise de sa décoration intérieure] par  une palette gris-blanc, certains espaces collectifs comme les ateliers artisanaux tranchant par leur caractère très européen (plancher en bois, poutres apparentes et murs blancs, dans une ambiance lumineuse différente : image ci-dessous) – ce qui revenait paradoxalement à les isoler du reste de la manifestation alors que ces ateliers, déjà topographiquement excentrés [ne disons rien de la librairie, exilée au bout du bout], étaient auparavant présentés comme le coeur battant de l'opération...
 
 
 
◉◉ EXPOSITION : c'est un peu la déception, cette mise en scène de « The Mastery of Time », exposition supposée raconter la conquête du temps selon Dominique Fléchon (voir nos informations ci-dessous). L'exposition reste moins consistante sur le plan historique que les précédentes expositions à Londres et à Paris, avec une présentation moins dynamique (concept ci-dessous : Decoral, comme la décoration du salon, qui nous plongeait là dans une improbable pénombre) et une accélération des vitrines en fin de parcours (surcharge de montres-bracelets empilés comme en vrac, sans véritable dessein didactique). En comparaison, l'exposition « The Sound of Time » de Vacheron Constantin, version réduite de l'exposition genevoise (Business Montres du 6 juin 2013), paraissait nettement plus riche et mieux présentée...
 
 
◉◉ MISE EN SCÈNE : réussite absolue de l'espace Van Cleef & Arpels, qui a réussi à créer une atmosphère originale à l'intérieur (éclairages, ambiance, vitrines), en détournant légèrement [le talent excuse tout !] la règle de l'uniformité extérieure par une grille qui tranchait sur les non-portes d'entrée des espaces voisins.
 
 
◉◉ SCÉNOGRAPHIE INTÉRIEURE : comme nous l'avons expliqué ci-dessus, c'est Cartier qui a eu l'audace de ne quasiment rien montrer, pour mieux démontrer son savoir-faire dans l'infiniment petit et l'infiniment précis grâce au subterfuge lilliputien des vitrines-maisons de poupée qui ne pouvaient que plaire à un public asiatique féru de détails et de mini-compositions. Évidemment, à côté, la giga-complication de A. Lange & Söhne paraissait un peu décalé et frôlait le goût Disneyland du carton-pâte horloger...
 
 
◉◉ MÉTIERS D'ART : la plus belle démonstration dans ce domaine ne se trouvait pas à Watches & Wonders, où Piaget ne présentait qu'un minimum de pièces, mais à la boutique Piaget du Mandarin Oriental, en ville, où on pouvait admirer – en compagnie d'Anita Porchet – l'exposition « A Mythical Journey » dédiée à la prochaine année du Cheval. Exposition sous embargo dans les semaines qui viennent, mais dont on peurt déjà vous dire qu'elle est, par la qualité des pièces présentées, par leur décoration et par leur réalisation artistique, une des plus consistantes jamais réalisées par une marque suisse dans le domaine des métiers d'art (anciens et nouveaux). Reportage à venir dès que possible...
 
◉◉ ÉTABLIS : trop d'établis, pour trop de métiers exposés, tuent l'originalité même de cette bonne initiative. Au troisième ou au quatrième passage par la binoculaire, on a compris ce qu'était la quête de la micro-décoration. D'autant qu'on comprend vite qu'il s'agit d'une mise en scène purement démonstrative, et non de professionnels réellement au travail sous les yeux du public : trois godets de peinture et un burin ne suffisent pas à créer l'illusion, surtout avec un public asiatique rôdé au culte du détail et sensible au fait de ne pas perdre la face en prenant le simulacre pour la réalité. Attention au risque de disneylandisation de la culture horlogère !
 
 
◉◉ SPECTACLE : la bonne idée, c'était celle d'une animation façon spectacle de rue, chez Montblanc, avec un acteur sur une scène qui paraissait improvisée, et une interaction permanente entre le comédien et le décor électronique qui l'entourait. Un excellent moyen de « fixer » l'auditoire [beaucoup plus de journalistes – généralement pas ceux qui étaient invités au SIHH – que de détaillants pendant les deux premiers jours] et de créer une cohue réputée « significative » à l'entrée du stand Montblanc.
 
 
◉◉ BUSINESS : évidemment, dans les couloirs de Watches & Wonders, personne ne plus croit plus à la fable initiale de la manifestation purement culturelle destinée au grand public des initiés. La pression commerciale était sensible, mais avec un effet pervers inattendu : montrer autant de nouveautés aux meilleurs clients des détaillants invités pour la circonstance, c'était déclencher des envies d'achat impossibles à calmer sur place. D'où un renfort d'activités – et un ballet de limousines – pour alimenter les boutiques hongkongaises des différentes marques en collectionneurs avides. Sans être un immense succès côté commandes massives des détaillants [inutile d'insister, les stocks débordent, les boutiques sont vides et les multi-marques ne font plus que picorer dans les nouveautés de l'année], Watches & Wonders aura prouvé la réactivité des amateurs  face à des montres qu'ils n'avaient pas encore pu découvrir dans les vitrines de leurs détaillants...
 
 
◉◉ BUSINESS : impossible d'imaginer l'avalanche des médias chinois plus ou moins teintés d'horlogerie qui s'est abattue sur Watches & Wonders, certains titres étant totalement inconnus en Europe et d'autres s'annonçant par une prononciation problématique en français (ci-dessous : effectivement, autant faire gaffe !). Titres qu'il faut bien alimenter en publicités – dont les budgets expliquent l'assèchement du marché européen (où les titres bradent leur espace pour survivre) et l'inflation des coûts de communication répercutés sur le prix de vente final des montres...
 
 
◉◉ COMMUNIQUÉ FINAL : apparemment, le climat hongkongais est un accélérateur d'emphase ! De même que la Foire de Hong Kong (20 000 visiteurs) persiste à s'affirmer « le plus grand salon horloger du monde », alors que Baselworld n'enregistre guère que 110 000 visiteurs, Watches & Wonders s'est auto-baptisé « première exposition de haute horlogerie en Asie » – ce qui est faux à plus d'un titre. D'une part, on a connu d'autres expositions de haute horlogerie en Asie, comme les salons multi-marques organisés par The Hour Glass à Singapour ou par LuxuryConcepts en Thaïlande, mais Belles Montres Shanghai avait ouvert la voie, tout comme le WPHH du groupe Franck Muller à Hong Kong [qui exposait paradoxalement plus de montres et de nouveautés dans son 75e étage que chacune des marques de W&W] a devancé d'un jour l'ouverture de Watches & Wonders. On se méfiera donc du forcément très optimiste communiqué final de ce premier SIHH asiatique...
 
 
 
 COMPRIS
comment ça se passait, à Hong Kong, avec les touristes chinois...
◉◉ Business Montres vous promet le reportage dans les jours qui viennent, mais on vous raconte tout de même le début. On sait que les fameux Chinois acheteurs de montres le font évidemment plus pour des raisons d'intérêt économique que par passion culturelle pour la montre, mais on ne soupçonnait pas à quel point, ni comment tout cela était organisé ! Quelques faits à garder en tête : les montres suisses restent des références de qualité dans l'imaginaire chinois ; les taxes locales sur les montres suisses renchérissent les prix de 40 % ; tous les colifichets commerciaux du luxe européen sont des marqueurs d'un style de vie qui fait fantasmer les Chinois. La demande est donc très forte. Pour en éponger une partie et profiter de l'aubaine, les tours operators chinois ont opté pour des voyages à prix écrasés, la marge s'opérant sur les commissions commerciales encaissées auprès des boutiques de montres dans lesquelles les arrêts sont obligatoires. Commissions d'autant plus élevées que les touristes achètent beaucoup, moins pour eux que pour tous les copains de leur quartier ou de leur village (d'où les listes de références très précises, généralement payées en cash). Choses vues à Hong Kong : les touristes – venus de villes de plus en plus improbables – sont captés à leur arrivée à l'aéroport, puis conduits en autobus dans les conglomérats de boutiques horlogères de Tsim Sha Tsui (le Shopper's Paradise de Kowloon, en face de l'île de Hong Kong), de To Kw Wan (un autre hot spot à l'est de Kowloon) ou dans les malls de Hung Hom (au sud-est de Kowloon). Dans l'autobus, pendant une heure de transport, les touristes sont éduqués par le personnel des boutiques aux subtilités des montres suisses : un cours accéléré qui leur permet de gagner du temps qui vient la halte devant la première, puis la deuxième,, etc. des boutiques sélectionnées par le tour operator : on descend en masse, une demi-heure pas plus et on remonte en groupe dans le bus...
 
 
◉◉◉ Pour situer les enjeux, on ne trouve pas moins de six boutiques Rolex monomarques dans un rayon de 500 m autour de Tsim Sha Tsui [prononcez à peu près Tshim Tcha Tchoï ou parlez de TST, Ti Ess Ti, à la hongkongaise], qui compte plus d'une douzaine de grands malls commerciaux, dont deux dans une seule galerie commerciale (image ci-dessus). On parle ici de boutiques officielles et autorisées, mais il faut compter avec les multimarques parallèles qui ont pignon sur rue et une belle marchandise en vitrine (image ci-dessous), pas forcément présentée selon les canons de l'orthodoxie commerciale genevoise. Même les boutiques Patek Philippe se trouvent parfois dans un environnement improbable (ci-dessous : une boutique Patek Philippe dans un des malls de TST, entre Tissot, Seiko et n'importe quoi). Face à ce déluge de montres, les amateurs occidentaux – habitués à une stricte gestion de leur image par les marques – deviennent comme fous – même s'ils comprennent que les marques leur racontent des craques et n'en font qu'à leur tête en Asie ! Les Asiatiques – habitués à cette profusion bordélique – serrent leurs listes de référence et achètent ! Si vous n'aviez pas compris pourquoi Hong Kong importait autant de montres suisses, suivez ce qui se passe dans ces autobus...
 
 
◉◉◉ La nouvelle loi sur le tourisme risque de modifier cet écosystème (Business Montres du 22 aout dernier et révélation Business Montres du 25 Juin 2013), qui sera encore plus perturbé par la création de zones franches commerciales en Chine intérieure (notamment tout le nouveau Shanghai, qui vise à « déshabiller » Hong Kong, la ville rebelle face au pouvoir néo-communiste de Beijing) et par le rétablissement de contrôles douaniers plus stricts aux frontières, qui pénaliseront définitivement les globe shoppers chinois qui ramènent trop de montres dans leurs campagnes. Affaire à suivre...
 
 
 
 
 TOUCHÉ
du doigt la frontière entre mésinformation et désinformation...
◉◉ Dominique Fléchon, l'auteur de La conquête du temps, avait une occasion inespérée de corriger son livre (Flammarion) pour en actualiser les informations : l'édition en chinois lui aurait permis d'intégrer quelques modifications historiques bienvenues, alors que le savoir dans ce domaine évolue en permanence. Il n'en a rien été : pour Dominique Fléchon, qui était pourtant un des experts qui ont conlu à l'antériorité de Louis Moinet dans l'invention du chronographe (Business Montres du 23 mars dernier), l'inventeur du chronographe n'en reste pas moins Nicolas Rieussec : il ne fallait pas faire de peine à Montblanc, partenaire de la Fondation de la haute horlogerie qui édite le livre. Pour Dominique Fléchon, qui a pourtant encaissé les volées de bois vert de ses confrères historiens anglo-saxons, qui ont fustigé sa « légèreté » (Business Montres du 23 juin ou Business Montres du 22 mars, détails dans Business Montres le 12 décembre 2012), la montre automatique du musée Patek Philippe reste attribuée à Abraham Louis Perrelet, alors que le conservateur lui-même déclare le contraire et qu'un document scientifique d'Hubert Sarton nous a depuis apporté des certitudes techniques imparables [encore faut-il être horloger et non hagiographe pour en apprécier la portée]. Il suffisait de changer deux lignes dans une légende (ci-dessous)... Et ainsi de suite pour plusieurs erreurs de documentation qui auraient pu facilement être corrigées (critiques Business Montres du 14 octobre 2011), mais qui ne l'ont pas été de façon délibérée. Ce qui relevait de la mésinformation [toujours excusable et remédiable] apparaît donc clairement comme de la désinformation. Par conformisme intellectuel ou par intérêt carriériste ?
 
 
 
 
 REPÉRÉ
quelques nouvelles parties de chaises musicales...
 
◉◉ RENAUD DE RETZ : l'ancien co-fondateur de la maison Hautlence en rupture de marque (révélation Business Montres du 10 novembre 2009), reconverti depuis dans la musique (Business Montres du 18 janvier 2011) et le lancement de la marque de bijouterie Reglisse, se relance dans l'horlogerie sous un pavillon inattendu, celui de la marque Ernest Borel, maison sino-suisse (capitaux chinois entre les mains de EB SA depuis un quart de siècle et fabrication Swiss Made au Noirmont pour une maison fondée en Suisse en ) qui est essentiellement distribuée sur le marché asiatique (ci-dessous). Il en sera le nouveau directeur général. On fera le parallèle avec une autre marque sino-suisse (groupe Fiyta), Emile Chouriet, qui vient elle aussi de s'offrir un professionnel venu de la haute horlogerie (Patrick Jaton, ex-Poinçon de Genève et COSC) pour s'inventer un nouveau destin moins asiatique. Et avec le sort confié à Antonio Calce de l'ensemble sino-suisse Corum-Eterna (groupe Haidian)...
 
◉◉ NICK STOWE : à 43 ans, l'ancien manager de Stella & Dot, Converse et Hurley s'installe comme CEO chez Nixon, en remplacement de Andy Laats, parti vers des centres d'intérêt plus personnels. Une recrue de poids pour la marque de montres et d'accessoires, un peu moins affûtée ces dernières années (changement d'actionnaire en 2012), mais pas forcément moins tendance auprès de ses différents publics.
 
◉◉ DAVID SANCHEZ : le directeur produits et COO de la marque Perrelet quitte une maison où il était en poste depuis 2008, après un passage chez Candino (groupe Festina). On lui doit le lancement, le développement et le succès de la fameuse Turbine, récemment muée en chronographe au prix d'astucieux aménagements techniques, ainsi que le repositionnement de l'ensemble de la gamme. Pas d'explications à ce départ, qui restait cependant prévisible avec la reprise en main de l'ensemble des activités de la marque par Gérald Roden, nouveau bras droit de Miguel Rodriguez pour les opérations du groupe Festina en Suisse...
 
◉◉ CATHERINE BOVÉ : l'ancienne directrice des boutiques Chopard aux Etats-Unis (également passée chez Bvlgari, Chanel et David Yurman) revient prendre en charge la présidence de Marina B (New York), où elle avait commencé sa carrière en 1999...
 
◉◉ JEAN-FRANÇOIS RUCHONNET : coucou, le revoilà. L'enfant terrible de la haute horlogerie, créateur de la V4 chez TAG Heuer, du double tourbillon chez Breguet, des nouvelles collections Marvin ou du tourbillon à winch chez Cabestan [ainsi que de quelques autres montres, comme le chrono vertical SLR chez TAG Heuer] renoue avec ses premières amours horlogères. Après une séquence monocoque transformable en trimaran (UltraLuxum), il se ré-installe en Suisse comme directeur de la création (recherche & innovation) du groupe Franck Muller Watchland. On ne l'a cependant pas vu au WPHH de Hong Kong (ci-dessous). Nous reviendrons très prochainement sur ce retour inattendu... 

 
 
 
 NOTÉ
quelques informations à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... 
 
◉◉ FAILLITE : toutes l « Le comique de répétition a ses limites, même dans l'horlogerie ». Cette petite phrase, à vrai dire un peu cruelle (Business Montres du 1er septembre 2013), annonçait la disparition virtuelle de la marque Ladoire, en regrettant par ailleurs l'absurde « acharnement thérapeutique » pratiqué en vain par Lionel Ladoire, qui nous en a d'autant plus beaucoup voulu que Business Montres n'avait quasiment jamais parlé de sa marque – flair professionnel, sans doute, ou manque de confiance ! La sanction a fini par tomber : faillite (FOSC du 27 septembre). Encore un coup de la sélection darwinienne qui nous promet une hécatombe d'indépendants fragilisés...
 
◉◉ IWC : Melo a le melon ! « I am not a businessman, I am a business, man », lance le nouvel ambassadeur d'IWC dans le basket [Carmelo Anthony, dit Melo, joue avec les Knicks de New York, pour près de 19 millions de dollars par an], qui ne se contente pas d'avoir été le meilleur marqueur de la saison 2012-2012. Sa collection de montres est immense : il les collectionne comme des oeuvres d'art. Il veut à présent se lancer dans les affaires et devenir une des 100 personnes les plus influentes du monde : « C’est mon but. J’aimerais me voir un jour dans les colonnes du Times. Certaines personnes ne savent pas tirer un avantage de leur situation ». 
 
◉◉ GALUCHAT : c'est précisément parce qu'on apprécie beaucoup la production de l'Atelier du bracelet parisien qu'il faut taper sur les doigts de Yann Perrin, qui persiste à proposer des bracelets en galuchat [splendidement exécutés, c'est vrai] à ses clients, comme il le prouve dans une page trouvée sur le site bottier Souliers.net. On sait – inutile de le répéter – que ces peaux de raies asiatiques proviennent d'animaux sauvages prélevés sans précautions en milieu sauvage et exécutés de façon encore plus sauvage [et méchamment cruelle] pour n'en récupérer que l'épiderme si joliment perlé : il n'existe aucune ferme d'élevage pour ces raies, désormais en voie de disparition. Toutes les peaux proviennent donc d'une prédation industrielle désormais inadmissible. Il appartient donc aux professionnels concernés de mettre en garde leurs clients contre de demandes aussi peu éthiques et d'imaginer des solutions alternatives plus compatibles avec un respect minimum de l'environnement naturel. 
 
◉◉ LOUIS XVI : défense de rigoler, mais des Chinois vaguement allemands ont choisi de travailler sous le pavillon Louis XVI – marque déposée : admirez au passage le .CH qui donnera confiance à un Chinois méfiant – pour exploiter un fonds d'horlogerie composé d'à peu près tout ce qu'on peut acheter sur étagères entre Hong Kong et Shenzhen. Du rond, du carré, du tonneau, du double balancier, du chrono, du tourbillon, du mouvement baguette repompé sur Corum,  : en tout, 129 modèles dont les nom sont inspirés du « style Louis XVI » (Bourbon, Dauphin, La Bastille, Robespierre, Egalité), avec quelques dérapages historiques inattendus, mais bien compréhensibles vus les 10 000 kilomètres et les deux siècles qui nous séparent de tout ça (Artagnan, Porthos, Richelieu) – soit un plaisant mélange des romans d'Alexandre Dumas sur l'Ancien régime. Ce qui prouve que, à défaut d'avoir des idées, nos amis chinois ont des lettres – mais pas de noblesse...
 
 
◉◉ TURF CLEAN : la justice américaine commence à sévir douloureusement pour les marques qui publient de faux avis de consommateurs – 350 000 dollars d'amende pour dix-neuf entreprises convaincues de publicité mensongère après un an d'enquête pour l'affaire « Turf Clean ». Le pire est peut-être le bonnet d'âne numérique (Badge of Shame) décerné publiquement à ces marques par le site Yelp, spécialisé dans le réseautage social et dans la traque des tricheurs de la bonne réputation. Les médias sociaux, ce n'est plus ce que c'était...
 
◉◉ COVA (MILAN) : le récent rachat par le groupe LVMH de la pâtisserie-confiserie milanaise, la Pasticceria Cova, illustre parfaitement les nouveaux codes du luxe. Cette maison presque bicentenaire (famille Faccioli, à la tête de l'entreprise depuis 1817) serait un peu l'équivalent de Ladurée. C'est une marque de luxe si on se défait des anciennes habitudes mentales concernant le luxe : la pâtisserie est un objet de convoitise et de prestige social, au même prix que les bijoux [un gâteau raffiné est un bijou gustatif] ou que les escarpins à la mode. Les « créations » pâtissières ont tous les paramètres des vrais objets de luxe : le style, la recette précise, la couleur, le dessin, le goût, l'instinct du plaisir impulsif, le réenchantement sensoriel du quotidien. Quand une maison spécialisée dans ces gâteaux acquiert la longueur de temps, elle devient une institution comparable aux maisons de joaillerie de la place Vendôme : elle peut se flatter de relever des « métiers d'art » et du patrimoine culturel de l'humanité. On pourrait même ajouter que la reconnaissance de cette excellence dans la durée relève du nouveau goût pour le vintage et de la réassurance néo-classique : la Cova est un monument qui fait plaisir, un repère digne d'attention dans un univers de marques trop dominées (sinon déformées) par le marketing. L'avenir est au luxe-plaisir égotiste et aux non-marques inexportables (logique de démondialisation). Sans vous prendre la tête, ne manquez tout de même pas les tartes aux noix de la Cova, dans les murs historiques de la Via Montenapoleone [si vous ne savez pas où c'est, demandez à n'importe quelle Milanaise : elle aura les yeux qui brillent !]...
 
◉◉ JAY-Z : l'empereur du hip hop a-t-il retourné sa veste ? Lui qui était le meilleur ami d'Audemars Piguet et qui chantait Rolex dans ses textes, le voici en train de développer sa propre marque, en liaison avec des maisons de luxe comme Balenciaga, Balmain, Moncler ou... Hublot pour l'horlogerie ! Eh oui, Hublot réalisera des montres en licence pour Jay-Z. Caractéristiques connues à ce jour : 45 mm pour le boîtier de style Big bang et mouvement en or (pour une facture de 33 500 dollars). En céramique noire, ça ne coûtera que 17 900 dollars. Autant de nouvelles qui ne vont pas faire plaisir chez Audemars Piguet, dont Jay-Z était un des meilleurs clients (ci-contre), mais il portait volontiers des Rolex d'un or serti on ne peut plus massif... Présentation probable de cette collection, en Suisse, lors du concert de Jay-Z au Hallenstadion de Zurich, le 20 octobre prochain : si vous avez des doutes, vérifiez l'agenda de Ricardo Guadalupe ce soir-là, attendez le Save the Date ou procurez-vous tous les détails dans l'article du WWD (Women's Wear Daily : cliquez sur le lien pour accéder au document) qui a laissé fuiter l'information, normalement tenue secrète chez Hublot [comme c'est payant, on vous l'offre]...
 
◉◉ SMARTWATCHES : deux avis différents du nôtre, tous deux féminins et donc intéressants pour nos logiciels mentaux de machos horlogers. Le premier émane d'une des rares femmes managers de cette profession : elle n'y croit pas [contrairement à nous] parce que « c'est le regard des femmes sur les hommes qui portent ces montres qui tuera dans l'oeuf l'envie d'en porter une ». Sous-entendu : les femmes prendront pour des pauvres types les geeks suiveurs ! Dont acte : ce n'est pas si mal vu, attention aux femmes. Second avis, celui d'une spécialiste de la mobilité, Annette Zimmerman (cabinet d'analyses Gartner). Elle détaille dans Metronews les raisons de douter : « Pour l'instant, les montres connectées sont une déception. (...) Tous les constructeurs se lancent dans ce marché, mais sans vraiment demander l’avis de personne. Sony a par exemple vendu très peu d’exemplaires de la première version de sa SmartWatch. Rien n’indique que les utilisateurs veulent ce genre de produits, encore très connotés "geek". Les usages qu’ils permettent ne sont pas très bien définis pour l’instant, c’est notamment le cas des Google Glass. Et il ne faut pas oublier que ces produits sont chers. 300 dollars pour la Galaxy Gear est un prix encore trop élevé. (...) On reste un peu déçu par les montres qui sont sur le marché, car elles ne sont qu’un prolongement du smartphone. Le jour où elles pourront fonctionner de manière autonome, elles deviendront beaucoup plus intéressantes ». Dont acte...
 
 
◉◉ PHASES DE LUNE : un bon article de Frank Declerck pour Les Echos, à propos des phases de lune. Le titre est accrocheur, « La romantique conquête de l'inutile », mais c'est pour nous rappeler que les dispositifs mécaniques des phases de lune sont superbement et glorieusement inutiles. Ceci d'autant plus que l'invention ne relève pas du bricolage horloger, mais des règles de fer de l'évolution biologique (voir ci-dessous)...
 
◉◉ DEVINETTE : quel est, dans tout le règle animal, l'être vivant le plus proche de l'homme ? C'est l'Eurydice Pulchra, un nano-crustacé genre pou de mer ! Si l'homme a plusieurs montres, il n'a en revanche qu'une horloge biologique interne. Les Eurydice Pulchra, eux, n'ont pas de montres, mais ils ont plusieurs horloges biologiques dans un même organisme ! La revue Current biology nous révèle une étude très sérieuse sur les deux horloges biologiques – la circadienne (24 heures) et la circatidale (12,1 ou 12,4 heures) – de ce mini-crustacé arthropode, pour lequel l'évolution a inventé l'horloge calée sur 12 heures (ci-contre). Il se confirme d'ailleurs que cette performance apparaît commune chez les vers annelés de la famille des Polychètes : toujours selon une équipe de scientifiques dont les travaux sont révélés par le Cell Reports, le Platynereis dumerilii (ci-dessous) disposerait lui aussi d'une double horloge biologique capable de le renseigner sur les heures de marée, liées aux cycles de la Lune (en cartouche dans l'image ci-dessous). On découvre ainsi que l'évolution, qui avait déjà inventé les engrenages « mécaniques » chez les cigales bossues (Business Montres du 13 septembre), a donc également inventé les cadrans de douze heures [les Babyloniens peuvent aller se rhabiller] et les phases de lune [la machine d'Anticythère, à côté, c'est de la petite bière !]. Tout ça chez un petit pou de mer et chez les Platinereis, des fossiles vivants qui possèdent également la particularité de n'avoir qu'un seul oeil primitif. Pas très glorieux et un peu humiliant pour l'homme d'avoir réinventé des techniques déjà au point chez des créatures aussi modestes dans l'échelle de l'évolution...
 
 
D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTES
DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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