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@BASELWORLD 2015 #12 : Comment DeWitt se relance sur les chemins de la liberté créative...

Le chemin de croix semble toucher à sa fin pour la manufature DeWitt, qui en avait entamé les premières stations lors de la crise monétaire de 2008. Jérôme De Witt aura payé au prix fort ses fautes tactiques et ses erreurs stratégiques. Personne ne lui a fait de cadeau. Depuis, sa femme a remis la maison d'aplomb : la petite musique DeWitt recommence à nous charmer... ▶▶▶ DEWITT


Le chemin de croix semble toucher à sa fin pour la manufature DeWitt, qui en avait entamé les premières stations lors de la crise monétaire de 2008. Jérôme De Witt aura payé au prix fort ses fautes tactiques et ses erreurs stratégiques. Personne ne lui a fait de cadeau. Depuis, sa femme a remis la maison d'aplomb : la petite musique DeWitt recommence à nous charmer...

DeWitt-mouvementmanufacture-Businessmontres
▶ DEWITT
Un mouvement manufacture
et une autre approche de la haute horlogerie,
avec beaucoup d'idées nouvelles...
 
DeWitt-BusinessMontres◉◉ IL FAUT AVOIR LE COEUR BIEN ACCROCHÉ pour suivre toutes les cabrioles de la maison DeWitt depuis le début des années 2010, qui ont vu la manufacture payer au prix fort – presque au risque d'y laisser sa peau – les illusions managériales d'un Jérôme De Witt beaucoup plus à l'aise dans la direction artistique de sa marque que dans le business day to day, trop souvent abandonné à d'autres, qui n'avaient pas forcément la même vision de l'avenir que le fondateur de la marque. Jérôme De Witt a vraiment senti le vent du boulet, avec des acheteurs chinois qui se voyaient déjà en haut de l'affiche ou des banquiers qui semblaient se délecter de revendre par appartements tout ce bel édifice. Adossé à une confortable fortune familiale [celle de sa femme, Viviane] en même temps qu'ancré dans une conception de l'honneur qui lui interdisait de faillir à sa mission tout en sauvant son nom [n'oublions qu'il porte le sang des Bonaparte], Jérôme De Witt a eu le courage et l'humilité d'accepter de repartir de la base. Sa femme y a sacrifié un tableau de Francis Bacon – mais elle a une assez belle collection pour ne pas souffrir de ce délestage. Cette intervention matrimoniale a pu arracher la manufacture (ateliers compris) à ses soucis récurrents de trésorerie...
 
◉◉ AUJOURD'HUI, SI ON NE PEUT PAS DIRE QUE DEWITT va parfaitement bien, on peut néanmoins affirmer que la marque va beaucoup mieux. L'essentiel de l'outil de production a été sauvegardé et il semblerait même que les équipes horlogères DeWitt aient cessé d'être le vivier où s'approvisionnaient en personnel les autres manufactures de Genève. Signe des temps : après avoir renoncé à son fastueux stand de 400 m au premier étage du Hall 1, Jérôme et Viviane De Witt sont de retour à Bâle, sur un pied plus modeste quoique très chic, au Palace, dans un essaim de jeunes marques créatives qui doivent rappeler à Jérôme ses premiers pas dans la haute horlogerie. Impossible de manquer la rousseur colorée de Viviane dans cet espace, om Jérôme paraîtra encore plus grand, d'autant qu'il arbore maintenant une barbe patriarcale qui lui va très bien. Point final de la chronique mondaine – il en faut un peu, la belle horlogerie étant une affaire d'hommes, de femmes, de culture et de société...
 
◉◉ CE RETOUR À BASELWORLD S'ACCOMPAGNE de quelques substantielles nouveautés, dont on retient essentiellement deux propositions. D'abord, un mouvement automatique « manufacture » – disons que, pour une fois, c'est à peu près crédible, la marque ayant investi dans un outil de production digne de ce nom – qu'il sera très vite possible d'industrialiser de façon fiable, mais aussi de certifier chronomètre, voire de frapper du Poinçon de Genève (anciennes ou nouvelles procédures). Trois ans de mise au point ont été nécessaires, mais on se souviendra que Jérôme De Witt avait auparavant été... bizuté par quelques constructeurs horlogers et qu'il a vu avorter plusieurs projets de mouvements qu'il rêvait exclusifs. Vérifications faites, il semblerait bien que la plupart des composants soient produits en interne et que l'assemblage final soit réalisé dans les ateliers de la maison. Cette fois, le DW 5051 (petite seconde, 194 composants, 21 600 A/h, balancier de précision, 65 heures de réserve de marche : image en haut de la page) a tout pour devenir le « tracteur » dont la manufacture aura besoin pour ses futures complications : sa taille (30,6 mm) et son épaisseur (4,65 mm) lui permettront d'accepter des modules additionnels et de s'adapter à de nombreux styles de montres.
 
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◉◉ SECONDE PROPOSITION FORTE DE L'ANNÉE : une très intéressante Academia Mathematical, Concept Watch n° 4 de la marque, dont le mouvement automatique manufacture [encore un, non vérifié celui-ci] entraîne une complication « mathématique » inédite (image ci-dessus et en cartouche, en haut de la page). La construction et le développement ont été menés au sein de la maison, pour aboutir à un jeu d'heures numériques sautantes et de minutes numériques tout aussi sautantes. L'heure est exprimé minute par minute, en chiffres complets, par un jeu très astucieux de disques superposés. Pas une seule aiguille, mais une expression algébrique originale de l'heure, avec beaucoup d'élégance dans une grande complication qui a la politesse de dissimuler sa complexité mécanique derrière une esthétique de chiffres un peu fous. Su le plan du design, c'est parfaitement maîtrisé. Sur le plan technique, c'est très raffiné. Du Jérôme De Witt dans le texte, en version originale (celle qu'on préfère). Une réussite presque totale, à un détail près : que de bavardage sur le pourtour du cadran, alors qu'un peu de mystère siérait parfaitement à un telle complication [un prolongement radical du concept aurait même dû conduite à l'élimination de la marque du cadran : qui d'autre que DeWitt pourrait signer une telle pièce ?]...
 
◉◉ D'AUTANT QUE LE BOÎTIER, QUI A CONSERVÉ EN LES STYLISANT les cannelures de tradition chez DeWitt, est le nouveau boîtier emblématique de la marque, avec un fond plus marqué (un peu comme la base d'un fût de colonne) et des cornes au dessin plus léger et plus contemporain. Donc, devant autant d'identité stylistique, à quoi bon en rajouter dans l'explication de textes – quand les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les 42,5 mm du boîtier restent statutaires sans devenir ostentatoires : là aussi, on sent l'apprentissage de l'humilité et de l'understatement des nouveaux clients de la manufacture [nous y reviendrons dans un instant]...
 
◉◉ SOYONS JUSTES : IL Y A UNE TROISIÈME MONTRE QUI ATTIRE dans cette nouvelle offre DeWitt. Il s'agit d'une autre complication originale, pleine d'esprit, sinon d'espièglerie, et d'astuce mécanique. Toujours dans ce nouveau boîtier statutaire à fond bourrelé, et avec trois couleurs de cadran (ci-dessous : le bleu quasi-Klein, plus spectaculaire que le noir ou le blanc, et pour l'instant exclusif DeWitt), l'Academia Out of Time propose à la fois une seconde morte [c'est le péché mignon de Jérôme De Witt, avec la force constante] et une « seconde libre », pure invention de l'artiste pour créer, sur le cadran, une nouvelle dynamique du temps qui passe (sous-cadran à 8 h). Autant la seconde morte arrête le temps pour mieux le décompter, autant la seconde libre parvient à le fluidifier dans une pulsation incessante et hypnotisante. Le temps coule à 8 h, mais il se scande à 4 h, sous le regard des aiguilles classique. Là encore, réussite quasi-complète, à un détail près : pourquoi avoir écrit dans deux polices de caractères différentes la qualification de ces secondes, non seulement en anglais [ce qui est une faute logique et même génétique quand on descend d'un Bonaparte et alors que le français reste la langue officielle de l'horlogerie], mais surtout avec des approches typographiques contradictoires et incompatibles ?
 
DeWittAcademiaOutofTime-Businessmontres
 
◉◉ ON AURA TOUT DE SUITE COMPRIS QUE DEWITT NE CIBLE PLUS les opulents dignitaires capitalo-communistes chinois, qui fascinaient la marque voici quelques années. D'une part, c'est sale – et toujours toxique, in fine – de vivre de l'argent sale et des cadeaux de corruption. D'autre part, même les goûts des oligarques s'orientent vers des pièces mieux finies et moins clinquantes, capables de témoigner d'un minimum de culture et de bon goût. La priorité est maintenant de vendre des montres aux grands collectionneurs internationaux, à la façon de nouvelles oeuvres d'art de poignet. D'où la multiplication des pièces uniques et des commandes spéciales, qu'un outil comme la manufacture de Meyrin/Genève permet de traiter dans des délais raisonnables et à des prix moins démentiels. La maison DeWitt est, de part la génétique familiale de son créateur, naturellement en phase avec cette nouvelle orientation de la marque : par ses liens personnels et son cousinage avec les familles royales européennes, mais également exotiques (on cousine volontiers entre branches régnantes ou para-régnantes), Jérôme De Witt incarne parfaitement cette horlogerie néo-aristocratique des élites impériales, royales et princières qui quadrillent encore la planète : l'Europe compte encore dix monarchies héréditaires, les républiques ayant par ailleurs conservé la tradition de familles prétendantes [la France en compte même deux, légitimiste et orléaniste, plus une famille impériale !]. Que de cousins qui sont autant de clients potentiels et de collectionneurs souvent passionnés : il suffit de vérifier l'ancrage de ce marqueur aristocratique dans les brochures commerciales DeWitt : douze pages de généalogie historique pour prouver que Jérôme a de la « branche » avant d'en arriver à la première montre ! Quoi d'étonnant si la montre la plus précieuse de cette année est la Princesse Marie-Clotilde (ci-dessous) : c'était la propre mère de Jérôme De Witt et une descendante directe de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie...
 
DeWitt-MarieClotilde-Businessmontres
 
 
 
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