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BW 2013 #17 : Quelques motifs d'indignation, de déception et de satisfaction (1)

Dans la foulée de Baselworld, et en guise de bilan provisoire, quelques raisons de râler (fort) et de se réjouir (tout aussi fort) de l'organisation même du salon. En commençant par les cartons rouges, relativement nombreux, mais finalement tous remédiables...  RÉSUMÉ RAPIDE(informations développées après  les baleines à bosse ci-dessous)◉◉◉◉ 2013, année de la mutation monumentale... ◉◉◉◉ Du risque créatif à la manificence stratutaire... ◉◉◉◉ Les erreurs de placement …


Dans la foulée de Baselworld, et en guise de bilan provisoire, quelques raisons de râler (fort) et de se réjouir (tout aussi fort) de l'organisation même du salon.

En commençant par les cartons rouges, relativement nombreux, mais finalement tous remédiables...

 
RÉSUMÉ RAPIDE
(informations développées après  les baleines à bosse ci-dessous)
◉◉ 2013, année de la mutation monumentale... ◉◉ Du risque créatif à la manificence stratutaire... ◉◉ Les erreurs de placement topographiques... ◉◉ Le hasard qui pénalise à propos les dissidents... ◉◉ Les effets pervers des trop grands espaces centraux... ◉◉ L'exfiltration nécessaire d'un Palace horloger surpeuplé... ◉◉ Le Palace comme pépinière joaillière... ◉◉ Les marques qui se meurent d'avoir cassé leur tirelire... ◉◉ Le mètre carré de trop en pleine crise... ◉◉ La violence des images qui s'entrechoquent... ◉◉ Le recyclage des anciens stands chinois... ◉◉ La palme du racolage pathétique... ◉◉ l'impossibilité d'un île hors de Baselworld... 
 
 LES RAISONS DE S'INDIGNER
Ce qui n'allait pas bien et qui pourrait aller mieux...
 
 
◉◉ Pas question de nier que cette édition 2013 de Baselworld marquera les esprits, probablement plus pour des questions architecturales que pour des réussites horlogères. La focalisation des premiers jours sur le contenant (les halles) plus que sur le contenu (les montres) était aussi prévisible que l'attentisme des marques en matière de création : alors que la crise érode les certitudes des marques et leurs prévisions de croissance, il n'était pas question de prendre le moindre risque dans l'innovation produits, l'essentiel des ressources créatives se trouvant de fait transféré sur la magnificence statutaire. 2013 : l'année de la mutation monumentale ! Une bonne occasion pour les maisons horlogères de nous réchauffer le discours sur l'héritage, l'hommage au patrimoine, le repolissage des codes identitaires et l'approfondissement des valeurs fondamentales. Surnagent cependant, dans le flot des 120 000 sujets qui ont visité le salon [merci pour une semaine à deux dimanches : un vrai et un jour férié], quelques sujets de mécontentement...
 
◉◉◉◉ PLACEMENT (1) : les plans de table sont toujours un casse-tête pour les maîtresses de maison bien éduquées. Si la géopolitique du Hall 1.0 (le niveau « noble ») a figé dans le luxe statutaire le rapport de forces entre les groupes [il n'y manque que Richemont pour que la famille soit réunie : pourquoi pas à la place de Swatch, l'année prochaine ?], la répartition des marques dans les halles moins « nobles » a été conduite selon une logique qui n'a pas bien fonctionné. Business Montres s'est déjà interrogé sur le fait que deux des marques non suisses qui étaient les plus susceptibles de tailler des croupières à l'industrie suisse – Ice-Watch et Nixon – avaient été relégués le plus loin possible du coeur du salon : impossible de faire plus à l'est qu'Ice-Watch dans les profondeurs caverneuses du Hall 2.0, à l'extrême périphérie de Baselworld, et impossible de faire plus au sud que Nixon dans les lointains infréquentés du Hall 1.2. Ce n'était sans doute qu'un hasard malencontreux ! D'autant que des nouveaux venus à Baselworld, comme les Américains de Shinola [encore non dangereux, mais cela peut très vite changer] se retrouvaient à un emplacement stratégique au centre de ce même Hall 1.2...
 
◉◉◉◉ PLACEMENT (2) : globalement, il s'agissait pour Baselworld de créer des sortes d'itinéraires mentaux et affinaires pour les détaillants multi-marques et multi-spécialistes (horlogerie et joaillerie), qui auraient été incités à découvrir des univers de marque parallèles. Louable intention, mais qui a conduit à d'étranges melting pots entre les montres et les bijoux dans les trois niveaux du Hall 2 [celui qui a le moins bien fonctionné, avec des « poches » de maisons plus ou moins connexes qui ne parvenaient pas à créer des « pôles »], mais aussi dans le Hall 1.1 et le Hall 1.2, dont certaines zones étaient franchement sinistrées. Avec le recul, on réalise que l'édification de stands géants comme ceux de Swarovski ou de Festina (autour de l'atrium central, vite rebaptisé « trou de Bâle » par quelques loustics) constituaient un sas visuel au-delà duquel il fallait être sacrément motivé pour pénétrer. D'autant qu'il n'y avait, à la hauteur de ces « citadelles », aucun appel pour aller plus loin et se faufiler vers le sud du Hall 1 [où le simple espace d'exposition de Swatch, au rez-de-chaussée, ne constituait pas le « produit d'appel » escompté]. Une réallocation des espaces, avec des univers de marque plus homogènes, s'impose donc pour 2014, en recomposant la géopolitique pour créer des « parcours de performance » (capacité d'attraction des marques fortes habilement disposées) plutôt que des « promenades initiatiques » d'un usage relativement peu professionnel...
 
 
◉◉◉◉ PALACE (1) : le chaudron de sorcières bouillonnant de créativité qu'est devenu le Palace est devenu beaucoup trop petit. Il s'est institué en pôle d'attraction majeure pour de nombreux détaillants et il gagnerait donc à être reconnu, sinon développé comme tel. Ce Palace – dont la tente s'avère précaire par temps froid comme par temps chaud, et même par grand vent – constituerait, avec ses quarante marques actuelles, auxquelles se joindraient volontiers une vingtaine d'autres jeunes créateurs, un but idéal pour un « parcours de performance ». Imaginons qu'on abandonne la tente (voir notre proposition ci-dessous) pour loger les créateurs indépendants et les non-conformistes de l'horlogerie au fond du Hall 2.0, qui était cette fois une dead zone infréquentable, c'est tout l'itinéraire entre le Hall 1 et le nouveau Palace « en dur » qui s'en trouverait sérieusement requalifié. Ce serait aussi une bonne occasion de regrouper, autour de cette planète rebelle, les stands des indépendants qui ont tenté de résister autour de l'AHCI, dans le Hall 2.0 : pour la plupart des créateurs et des marques concernées, le facteur-clé n'est pas la situation topographique dans le salon, mais la cohérence de l'environnement de marque proposé : c'est l'ensemble ainsi constitué qui crée l'identité et qui génère le trafic. On peut déjà prendre les paris qu'une soixantaine de maisons tapies dans les espaces maudits à l'est du Hall 2.0 créeraient une diagonale de notoriété dont tous leurs voisins profiteraient. On ne peut pas y bâtir de stands à double étage ? Tant mieux : ces créateurs n'en ont pas les moyens...
 
◉◉◉◉ PALACE (2) : dans cette hypothèse, que faire du Palace ? Tout simplement en refaire... le Palace, mais en le dédiant cette fois aux jeunes créateurs de la joaillerie et de la bijouterie, qui assurent la même fonction de réensemencement créatif de leurs métiers que les jeunes créateurs de l'horlogerie. Ces nouveaux talents du bijou n'ont pas les moyens de s'offrir un stand à part entière. Cette proposition repose sur une hypothèse stratégique simple et relativement facile à étayer : la joaillerie est le prochain terrain de bataille entre les groupes et les marques de luxe, ce qui va lui faire vivre la même révolution conceptuelle que celle de l'horlogerie dans les années 2000, avec une explosion des nouvelles idées et des nouvelles références. Il est donc du devoir de Baselworld d'anticiper cette mutation et de créer, pour les créateurs émergents, une pépinière comparable à celle qu'a pu constituer, pour les marques de montres, l'institution de la Watch Factory et son évolution en Palace pour 40 propositions alternatives...
 
 
◉◉ BUDGET (1) : combien de marques vont payer très trop cher – dans tous les sens du terme – leur espace à Baselworld 2013 ? Combien ont dû casser leur tirelire pour s'offrir un stand à la mesure de leur... démesure ? Combien auront du mal à honorer la facture 2013 au moment de faire les réservations pour 2014 ? Pour résumer les tractations marchandes de l'année, on peut dire que les marques ont été incitées (mot pudique) à prendre 30 % de mètres carrés en plus, mais en payant chaque mètre carré 30 % plus cher qu'en 2012 : ce n'est pas exact dans le détail, mais ça fonctionne à peu près dans les généralités, ce qui explique qu'il n'y ait guère plus de marques exposantes qu'en 2012 (à une poignée près), mais que toutes ont dépensé beaucoup plus pour faire bonne figure. Parfois à un prix démesuré – celui d'un pari sur l'avenir, risqué en temps de crise – pour leur modèle économique. On peut déjà prévoir des changements de plans pour 2014, pas forcément dans le Hall 1.0, où les  « grandes marques » ont, à quelques exceptions près, les moyens de leurs ambitions, mais du côté du Hall 1.1, du Hall 1.2 et du Hall 2 dans son ensemble...
 
◉◉ BUDGET (2) : l'année 2013 aura-t-elle été celle du « mètre carré de trop » ? C'est-à-dire l'année de la démesure à outrance et d'une surexposition qui frisait parfois l'arrogance. Hubris, disaient déjà les Grecs de l'Antiquité, qui savaient que Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Les 30 millions de francs suisses (minimum) dépensés par Rolex pour un stand qui réclame un convoi de 250 poids lourds ont été remarqués par les détaillants auxquels on rogne quelques points de marge et par les amateurs qui voient les étiquettes s'emballer deux fois plus vite que leur pouvoir d'achat réel. Pas sûr que le message gravé dans la pierre, le marbre, les débauches de LED et les frais de traiteur soit le bon signal adressé à un marché entré en décroissance : tous les stands qui brillaient cette année ont été conçus dans la logique horlogère fastueuse des années 2010-2012, mais le marché s'est retourné – ce qui n'étonnera pas les lecteurs de Business Montres – en disqualifiant cette ostentation statutaire, dont on espérait qu'elle épaterait des acheteurs chinois soudain clairsemés dans les allées.
 
◉◉◉◉ INSTALLATION : il semblerait que Baselworld ait recyclé dans le Hall 2.0 les anciens stands préfabriqués de l'ancien Hall 6 (l'ex-« Chinatown » du salon), en réservant aux nouveaux étages du Hall 4 (le nouveau « Chinatown ») de nouvelles cellules d'exposition. D'où l'aspect standardisé à outrance de certaines allées du Hall 2.0, qui lissent beaucoup trop l'identité des marques – phénomène qui commence à se remarquer dans les espaces hongkongais du Hall 4, où les nouvelles références asiatiques font des efforts de différenciation pour se constituer en marques clairement identifiées. Et si on tentait d'imaginer d'autres modes d'exposition que le bureau-vitrine clés en mains ?
 
 
◉◉◉◉ OFF BASELWORLD : on comprend mal pourquoi certaines marques persistent à exposer hors du salon, que ce soit dans les étages voisins du Ramada (H. Moser & Cie, Century, Graff, quelques indépendants) ou – pire ! – dans des espaces à proximité géographique immédiate, mais très éloignés du circuit baselwordien. Dommage, par exemple, qu'une jeune marque comme Bomberg ait choisi de faire bande à part : ses propositions méritaient un autre impact que celui d'un parasitage pas très glorieux du salon. On pourrait en dire autant de Marvin, dont les 200 m de distance au sud des halles officielles sont presque 200 km mentaux – ce qui n'a d'ailleurs pas empêché des autocars pleins de détaillants chinois (ceux qu'on ne voit jamais, venus des villes tierces) de s'y presser pour y jouer aux tables de casino à leur disposition. Au risque de se répéter, il faut définitivement admettre que, à Bâle beaucoup plus qu'à Genève, on n'existe pas en dehors de Baselworld – et surtout pas en pratiquant le racolage (voir ci-dessous)...
 
◉◉◉◉ RACOLAGE : on pourra décerner la palme du luxe pathétique à Louis Vuitton, qui tenait salon horloger dans une villa bâloise. Pourquoi pas ? D'abord annoncée (sur les plans officiels) en parallèle chez Zenith, la marque n'a cessé de pratiquer, pendant la durée du salon, un racolage passif, un peu consternant pour une maison de luxe qui se veut exemplaire. Il s'agissait d'orienter les invités de la marque vers les limousines qui les conduisaient à la villa en question. Le spectacle de malheureuses hôtesses, transies sous la pluie et dans le vent, brandissant leurs petites pancartes « Louis Vuitton », n'avait rien de statutaire côté image de marque : il évoquait plutôt les rabatteurs de clients à la sortie des boîtes de nuit interlopes de Pigalle by night. La « première-marque-de-luxe-du-monde » – celle qui porte les couleurs françaises de l'art de vivre et du luxe – peut-elle se permettre de tels comportements ?
 
◉◉◉◉ IMAGES : un écran géant, c'est bien – hors du stand ou (de préférence) dedans. Plein d'écrans géants, dans toutes les allées, ça craint. Surtout quand les lumières des uns s'entrechoquent avec les images des autres : la fatigue visuelle devient intense et on se réfugie volontiers dans la pénombre des allées parallèles, où les seules lumières sont celles des écrans de smartphones hâtivement consultés entre deux rendez-vous. La course à l'armement iconique est lancée, avec une première percée de la 3D qui déferlera de façon hallucinante – au sens optique du terme – dès qu'elle sera maîtrisée sans lunettes spéciales. De même, l'hôtesse virtuelle du stand Charriol de 2013 aura probablement fait des enfants en 2014. Stade suprême de l'aliénation numérique : on reste tous à l'hôtel à visionner des visites virtuelles des stands et des présentations digitalisées des montres, pour ne plus se retrouver que pour déguster des asperges, le soir, en terrasse...
 
 
 
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