GENEVA WATCH DAYS #01 (accès libre)
Ce sera peut-être la montre la plus importante de la semaine, mais on ne va pas beaucoup en parler…
Il faut avoir une bonne mémoire horlogère pour se souvenir de Bernhard Lederer, qui est un des membres pionniers de l’AHCI (Académie des horlogers créateurs indépendants) et qui avait pratiquement disparu des radars après la crise de 2008-2009. Il est de retour avec un superbe chronomètre à « impulsion centrale » : c’est lui, le nouveau « Gorge Daniels » !
Faute d’avoir pu aller très loin avec sa marque précédente (BLU pour Bernhard Lederer Universe, plus ou moins naufragée après la crise de 2008-2009), l’horloger Bernhard Lederer n’en a pas moins animé un atelier de sous-traitance pour des grandes marques : on y dénombre aujourd’hui une quinzaine de jeunes horlogers au travail sur quelques dossiers confidentiels qui pourraient faire du bruit. Il a aussi mis au point pour les démineurs de la Deutsche Marine (Allemagne) une montre totalement amagnétique et insensible au magnétisme jusqu’à 100 000 Gauss [ce qui est un record non homologué chez les horlogers suisses]. De quoi financer le lancement d’une nouvelle collection sous son nom et revenir sur le devant de la scène avec une « chronomètre à impulsion centrale » qu’on peut qualifier de mécanique extrême – ceci moins par l’esthétique que par ce qu’on trouve sous le cadran : c’est le genre de montre qu’on préfèrerait presque porter à l’envers [heureusement, il y a un fond saphir intégral], cul par-dessus tête, pour profiter au maximum d’un mouvement aussi exceptionnel…
En deux mots et sans entrer tout de suite dans les détails, c’est une des avancées mécaniques les mieux pensées, les plus abouties et surtout les plus convaincantes de ces dernières – ceci dans un registre on ne peut plus traditionnel, quelque part entre le premier chronométrier John Arnold [vrai pionnier dans la future invention du tourbillon et vrai défricheur des futurs chronomètres de marine], John Harrison, Abraham Louis Breguet et George Daniels, qui était un bon copain, voire un admirateur de Bernhard Lederer, qu’il poussait à aller plus loin (ci-dessus : le premier stand de l'AHCI à Baselworld, en 1987 : Bernhard Lederer est le premier en partant de la droite ; George Daniels, le troisième en partant de la gauche). Rien que du beau monde, dont le cousinage nous signale d’emblée qu’il se passe quelque chose avec ce chronomètre à impulsion centrale aussi innovant techniquement que sobre et discret esthétiquement. Au programme, deux roues d’échappement qui travaillent en alternance, reliés par une ancre très originale, chacun étant doté de son propre barillet et de son propre remontoir d’égalité (dix secondes), le tout conçu et réalisé pour économiser l’énergie et réduire les frottements. On est vraiment un cran au-dessus de ce dont rêvait George Daniels, mais qu’il n’avait pu mettre au format d’une montre-bracelet qu’en imaginant un échappement co-axial aussi complexe à réaliser que relativement frustre sur le plan mécanique. On est même deux crans au-dessus de l’échappement à impulsion directe derrière lequel Abraham Louis Breguet a couru toute sa vie ! Avec Bernhard Lederer, c’est du jamais vu au cours ces dernières années, qui ont pourtant été très riches en développements mécaniques autour de l’échappement…
Problème : il faudrait une bonne matinée pour expliquer en détails cette magnifique mécanique et son échappement révolutionnaire à impulsion centrale et, alors que s’ouvrent les Geneva Watch Days, il faut donner la priorité aux éphémères « nouveautés » de la saison. Impossible donc de traiter tout de suite comme il mérite ce chronomètre pionnier de Bernhard Lederer, qui sera sans doute [sous réserve d’inventaire ultérieur] la pièce mécanique la plus intéressante de ces GWD. Nous y reviendrons donc début septembre, mais il était nécessaire de cadrer tout de suite la portée « historique » de cette montre, qui va faire pâlir – de rage, d’envie ou d’admiration – bien des bureaux techniques pourtant très fiers de ce qu’ils von dévoiler à Genève…
Donc, la suite au prochain numéro, avec une dernière bonne nouvelle : Bernhard Lederer, qu’on avait connu dans la catégorie « ours » bourru, bougon et cadenassé de l’intérieur, a beaucoup mûri en une décennie. Non seulement il parvient à parler – avec une rare intelligence – de son travail, de ses recherches et de ses avancées, mais il révèle même une forme inattendue de charisme, qui fait penser qu’on a peut-être retrouvé, pour ouvrir les années 2020, un nouveau « George Daniels » qui serait le digne continuateur du grand Breguet. On vous en reparle dès que possible…