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« CERTIFIÉ CHRONOMÈTRE » : Aujourd'hui, de quoi le COSC est-il le nom ?

Le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) publie inlassablement, année après année, ses statistiques annuelles. Business Montres publie en exclusivité l'intégralité des chiffres de ce rapport, mais en se demandant ce que tout cela peut bien vouloir dire : de quelles dérives le COSC est-il devenu le paravent et ne faudrait-il pas réfléchir à de nouveaux labels ?  ▶▶▶ COSCRepenser la chronométrie face aux mutations du marché... 


Le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) publie inlassablement, année après année, ses statistiques annuelles. Business Montres publie en exclusivité l'intégralité des chiffres de ce rapport, mais en se demandant ce que tout cela peut bien vouloir dire : de quelles dérives le COSC est-il devenu le paravent et ne faudrait-il pas réfléchir à de nouveaux labels ? 

 COSC
Repenser la chronométrie face aux mutations du marché...
 
 
◉◉ Soyons bien clairs : si le COSC n'existait pas, il faudrait l'inventer, mais, parce qu'il existe, c'est maintenant qu'il faudrait le réinventer. Non que son fonctionnement laisse à désirer : au contraire, il faut se féliciter que ses capacités de contrôle soient restées indépendantes, tant des marques [encore que le conseil d'administration soit bien quadrillé par les grandes maisons] que des cantons qui avaient fondé le COSC en 1973 – il y a donc exactement quarante ans. De même, on peut se féliciter que le COSC ait pu se maintenir dans une position de neutralité qui ne sacrifie pas (trop) aux exigences marketing des grands donneurs d'ordre : quand cinq marques trustent 92 % des certificats décernés, on pourrait redouter le pire, mais il n'en est rien – les 45 « petits clients » qui assurent 8 % des certifications sont en rien lésées. On ne peut donc qu'être optimiste sur les opérations 2013 d'un COSC qui devraient frôler ou même dépasser les deux millions de pièces déposées (contre 1,8 million en 2012).
 
◉◉ Il faut également se féliciter du niveau technique des procédures de contrôle : le COSC est le seul organisme mondial à certifier, selon des normes internationales très rigoureuses, plus d'un million de pièces (exactement 1 732 000 cette année). Ce sérieux est un gage de qualité supplémentaire pour les montres suisses ainsi labellisées. Il faut également apprécier la sagesse financière du COSC, qui autofinance ses activités et le renforcement de ses performances dans la mesure des écarts de marche (automation, système vision, conditionnement, opérations d'armage, positionnement, localisation de la pièce). Très respecté dans le monde entier, le COSC n'a pas de concurrence directe : il est étonnant que les autres grandes nations horlogères, comme la Chine ou le Japon, n'aient pas tenté de mettre en place un contre-COSC asiatique, alors qu'elles en ont les moyens économiques...
 
◉◉◉ On peut d'ailleurs se demander si cette écrasante suprématie mondiale n'a pas conduit le COSC à s'endormir sur ses lauriers, en se contentant d'améliorer ses référentiels techniques sans réfléchir plus avant aux mutations de la certification chronométrique elle-même et aux besoins de marques elles aussi confrontées à des marchés en pleine mutation. Quarante ans de COSC, c'est bien, mais cette maturité exige des adaptations devenues urgentes avec l'augmentation des mouvements soumis à la certification (graphique ci-dessus). Quelques réflexions à ce sujet...
 
◉ CHRONOMÉTRIE : bien comprise des publics traditionnels de l'horlogerie suisse, cette notion ne l'est plus clairement de ses nouveaux clients, qui ont du mal à admettre qu'on certifie des mouvements, et non des montres. Ils comprennent encore moins qu'on certifie des bases mécaniques, et non des modules additionnels, et que le tout soit étalonné avant emboîtage et non après. La culture horlogère a progressé, mais les habitudes du COSC n'ont pas évolué : même révisées depuis, les méthodes de certification définies en 1973 ne correspondent plus aux attentes du marché, qui aurait tendance aujourd'hui à déconsidérer la chronométrie « cosquée » pour lui préférer d'autres labels – d'ailleurs initiés par différentes marques. Le prestige du COSC n'est plus ce qu'il était, tant pour des raisons réglementaires que pour des raisons marketing : trop de marques s'en servent à présent comme d'un paravent purement commercial, sans incidence sur la valeur chronométrique réelle des montres ainsi évaluées...
 
◉ PROCÉDURES (1) : la valeur de la certification administrative d'un mouvement non emboîté est battue en brèche par la valeur de la certification technique d'une montre complète, complications comprises. L'éducation horlogère aidant, c'est la précision effective qui est prise en compte, au détriment d'un certificat purement légal dont les spécifications industrielles laissent rêveur. Ce sont donc ces procédures techniques qu'il faut revoir, en distinguant la certification des montres et celle des mouvements, et en certifiant des mouvements complets, avec leurs fonctions additionnelles, plutôt que des bases de travail. Les amateurs attendent de voir certifiés leurs quantièmes, leurs chronographes, leurs phases de lune ou même leurs réserves de marché. L'exigence de qualité est immense face à des montres suisses aussi lourdement tarifées.
 
◉ PROCÉDURES (2) : au-delà du changement des bases actuelles de la certification (tête de montre complète), il faut également réfléchir à la possibilité de faire certifier la précision de montres non conventionnelles. La valeur du certificat COSC se ressent de son âge : il est né quand les montres avaient généralement trois aiguilles. Aujourd'hui, comment faire certifier les 36 complications de l'Aeternitas Mega 4 de Franck Muller, les « machines » de MB&F, l'horlogerie hydraulique de HYT ou les heures satellitaires d'Urwerk ? Comment étalonner la précision de montres sans aiguille des secondes traditionnelle ? La chronométrie COSC ne doit pas – ne peut pas – devenir la chasse gardée des tenants de la tradition trois-aiguilles. Les tests eux-même doivent être poussés bien au-delà des cinq positions habituelles, en intégrant des données contemporaines liées à la vie quotidienne (humidité, pression atmosphérique, magnétisme, variation de l'amplitude en fonction de la charge du barillet, etc.). Il faut cesser de considérer le certificat COSC comme une fin en soi : ce n'est qu'une base de travail !
 
RECONNAISSANCE : imaginons un instant que Rolex, comme Patek Philippe, décide de procéder à sa propre certification chronométrique. La marque n'a plus besoin du COSC pour attester de la précision de ses mouvements : son propre label inspirerait confiance, tout comme celui de Patek Philippe ou de Jaeger-LeCoultre. Il est paradoxal de voir les concurrents de Rolex (Omega, Breitling) se lancer sur ce terrain, alors qu'ils pourraient, eux aussi, imposer leur propre label. Donc, en quoi le COSC est-il indispensable ? S'il l'était, il ne l'est plus, sinon pour les « petites marques » en quête d'une légitimité facile. Cette évolution historique plaide pour de vraies évolutions internes. 
 
◉ ÉVOLUTIONS (1) : le COSC n'est-il pas plus respecté que prestigieux ? Son impeccable image technique n'occulte-t-elle pas son improbable image marketing ? Il ne faut sans doute pas se féliciter de l'inflation annuelle du nombre de certifications attribués : ils diluent l'exclusivité du label chronométrique et, compte tenu des doutes qu'on peut avoir sur la pertinence des performances ainsi évaluées, ils en érodent la portée. Les bulletins d'observatoire qu'on délivrait autrefois – avant la crise du quartz – dans les métropoles horlogères avaient infiniment plus de valeur aux yeux des collectionneurs : il est stupéfiant, et presque indécent, que ni Neuchâtel, ni Genève n'aient encore relancé l'attribution de tels bulletins, sur des bases comparables à celles du COSC, mais en les améliorant ! Pourquoi ne pas créer un Observatoire au Locle ou à La Chaux-de-Fonds ? C'est ce qu'a déjà fait Besançon en certifiant des montres montées : le prestige de ces bulletins au poinçon de la vipère est sans commune mesure avec le simple certificat du COSC. Les horlogers soucieux d'attester de leurs performances chronométriques l'ont bien compris. Les autres se contentent du label COSC, qui ne devrait plus guère longtemps faire illusion : le fait qu'il n'y ait plus à Genève de certification COSC (transfert à Saint-Imier) ne pourra d'ailleurs qu'avoir des répercussions sur la légitimité et la mutation du COSC lui-même...
 
◉ ÉVOLUTIONS (2) : les bulletins d'observatoire du futur devront d'ailleurs intégrer d'autres données, moins en termes de finitions et de bienfacture [c'est l'apanage du Poinçon de Genève] qu'en termes d'intégration des contraintes de la vie quotidienne. Différentes dispositions du test Chronofiable doivent être intégrées dans les améliorations d'un vrai nouveau certificat de précision. Les attentes des consommateurs portent ici sur la fiabilité globale de leur montre suisse, et non sur tel aspect microcosmique de sa seule précision mécanique. Il appartient au COSC de (re)donner à la notion de chronométrie le sens d'absolu horloger qu'elle avait du temps des observatoires : un chronomètre, c'était quelque chose ! Aujourd'hui, c'est un simple argument marchand pour justifier 10 % d'augmentation du prix, sans la moindre validité pour l'attestation des performances réelles de la montre...
 
◉ PRÉCISION : enfin, le COSC ne peut plus faire l'économie d'une réflexion plus globale sur la notion même de « précision » pour un amateur contemporain, qui dispose du référentiel absolu de l'horloge atomique sur son smartphone et qui n'a plus besoin, comme à l'âge d'or de la chronométrie mécanique, d'un garde-temps de référence insoupçonnable. Le cadre rigide du « - 4 + 6 » doit obligatoirement évoluer, avec une prise en compte du porter de la montre et des changements de cette précision dans le temps : les amateurs sont devenus extraordinairement bien informés et exigeants. Il faut tout faire pour qu'ils ne se détournent pas du COSC : l'industrie mettrait une bonne décennie à reconstruire un label aussi structuré et aussi indéniable...
 
 
◉◉◉ Le débat est ouvert et il rebondira sans doute dans les semaines, sinon dans les mois à venir tellement cette réforme est urgente. Pour le nourrir, Business Montres met à la disposition de ses abonnés la totalité des données chiffrées du rapport annuel 2012 du COSC [on vous épargne la langue de bois des rapports de gestion et l'autosatisfaction des différents directeurs]. Ces chiffres sont à prendre avec toutes les précautions d'usage : d'une part, ils n'ont qu'un vague rapport avec la production réelle ou les ventes des marques [Rolex, selon les années, fait certifier beaucoup plus ou beaucoup moins de mouvements que son activité, en fonction de ses stocks stratégiques et de son SAV]. À part Breitling, aucune marque ne fait certifier la totalité de sa production, certainement pas Omega et sans doute pas même Rolex. On en déduira que, pour beaucoup de marques, cette certification est plus honorifique et circonstantielle que réellement stratégique. 
 
 
 
 
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