WONDER WEEK 2019 #14
Dix révélations qu’on n’attendait pas pendant la Wonder Week – pour le meilleur et pour le… presque pire ! (première partie)
Des lunes partout, mais certaines plus intelligentes que d’autres, une exhumation opportune, un sauvetage inespéré et quelques déceptions, en plus de tout ce qu’il ne faut pas répéter : la Wonder Week est toujours pleine de bonnes surprises, ou de moins bonnes…
Même si Business Montres a pu annoncer, sans trop se tromper, un certain nombre de « gros coups » de la Wonder Week (voir nos éditions précédentes), certaines nouveautés intéressantes étaient passées sous notre radar quand elles n’avaient tout simplement pas été détectées. Voici une moisson de montres ou d’initiatives inattendues qu’il serait inintelligent de négliger – certaines sont de bonnes surprises ; d’autres moins (par ordre alphabétique de marque)…
❐❐❐❐ BVLGARI : on ne s’attendait pas de sitôt au retour en grâce de Gérald Genta dans les collections Bvlgari, mais la politique patrimoniale des groupes et des marques a ses raisons (notamment juridiques) que la raison ignorait jusqu’ici. Miracle de la chronologie : on fêtera en 2019 le cinquantenaire de la création par Gérald Genta de sa marque éponyme, qui lancera ses premières créations dans les années 1970. Voici donc, en marge des collections Bvlgari (maison propriétaire de la marque) et sous pavillon unique « Gérald Genta », avec quasiment le logo de l’époque, une montre qui évoque les premières montres Arena du designer (pièces connues ultérieurement comme Retro Sport), avec une heure sautante et une minute rétrograde qui évoque le style de cette collection. Le prix est stratosphérique (au-delà des 50 000 francs suisses), sans doute pour que cette collection offshore existe sans parasiter les ventes de Bvlgari, mais en tentant, à l’occasion, quelques collectionneurs asiatiques aussi fortunés que nostalgiques. Du marketing juridico-opportuniste ?
❐❐❐❐ DE WITT : après le sursaut créatif de l’Endless Drive présentée en 2018, on ne s’attendait pas à la nouvelle Hour Planet de cette année – la maison DeWitt a tellement été tirée à hue et à dia au cours de ces dernières années qu’on restait méfiant. L’option créative dans les hautes mécaniques semble donc confirmée et Jérôme De Witt revient à ce qu’il sait le mieux faire : des « machines mécaniques » pas comme les autres ! Qui s’en plaindra ? L’idée est d’associer dans une montre GMT une Terre sphérique [superbe travail de micro-sculpture, avec deux globes enchâssés l’un dans l’autre, avec le jour-nuit à l’intérieur et les méridiens à l’extérieur] et un entraînement de ce globe par chaîne. Le balancier régulateur du mouvement semble flotter dans l’espace. Dans cette quête identitaire, le boîtier a été revu pour redonner de la force à ses emblématiques « colonnes impériales ». Cette Hour Planet synthétise ce que DeWitt a pu faire de mieux au cours de son existence chahutée : des montres fortes et affirmées, produites par un atelier aux compétences diversifiées…
❐❐❐❐ FRANCK MULLER : la bonne nouvelle totalement inattendue [passée un peu inaperçue dans le tsunami de nouvelles annonces provoqué par la Wonder Week], c’est la transformation de l’immeuble acquis en 2015 par le groupe Franck Muller quai de l’Île, [l’immeuble même de la Tour de l’Île, au cœur du cœur de la Genève horlogère historique, là où se trouve déjà une boutique Franck Muller], en « bastion » horloger dédié aux tourbillons. Dernier vestige d’un château-fort genevois du XIIIe siècle construit pour contrôler le franchissement du Rhône, ce futur Franck Muller Tourbillon Building devrait abriter une extension de l’actuelle boutique, ainsi qu’un « musée » du tourbillon, dont la maison Franck Muller a été un des pionniers mécaniques avant d’en devenir un des principaux producteurs en Suisse. De quoi renforcer l’attractivité de Genève comme « métropole horlogère », alors que Vacheron Constantin avait déserté cet irremplaçable emplacement historique voici quelques années…
❐❐❐❐ HERMÈS : on aurait pu considérer qu’il était vain pour un horloger vouloir « réinventer la lune » tellement les complications lunaires ont été mécaniquement explorées dans tous les azimuts. Hermès réussit à nous surprendre en mettant son Arceau à l’heure de la Lune, grâce à une impulsion mécanique très élégante de Jean-François Mojon. Deux disques lunaires (un pour l’hémisphère sud, l’autre pour le nord) orbitent dans un ciel de météorite ou d’aventurine en laissant à deux disques satellitaires (l’un pour les heures, l’autre pour la date) le soin d’afficher les évolutions mensuelles de ces disques. Avec cet éternel retour des cycles cosmiques, la montre est plus philosophique qu’il n’y paraît, et même d’une rare subtilité décorative : on distingue sur la Lune vue de l’hémisphère sud un Pégase onirique, tandis que le disque septentrional est gravé avec un certain réalisme sélénite. C’est peut-être la « phases de lune » horlogère la plus intéressante de ces dernières années. Du grand Hermès – inattendu dans son innovation à ce niveau de raffinement mécanique…
❐❐❐❐ LOUIS MOINET : ce n’était pas forcément de l’ambush marketing, surtout de la part d’une marque qui a préempté, depuis des années, le territoire des montres à inclusions « cosmiques » (météorites extraterrestres), mais Louis Moinet est la seule maison à avoir pensé au cent-cinquantenaire de la publication par Jules Verne d’Autour de la Terre, roman d’anticipation publié en 1869, quatre ans après De la Terre à la Lune. Ce n’est d’ailleurs pas non plus la première fois que Jean-Marie Schaller [qui a dû subir un intervention chirurgicale inattendue le premier jour de la Wonder Week et à qui nous adressons nos vœux de prompt rétablissement] investit le territoire vernien. Comme il n’est pas le seul à avoir eu un « réflexe lunaire » alors que l’horlogerie s’apprête à fêter le cinquantenaire du débarquement sur la Lune d’une Omega suisse [voir ci-dessous avec RJ et ci-dessus avec Hermès], contentons-nous d’apprécier la diagonale marketing de Louis Moinet avec les 150 ans d’Autour de la Lune – d’autant qu’il n’est pas impossible que le jeune Jules Verne ait pu rencontrer, du côté de l’Académie des sciences de Paris, un grand ancien comme Louis Moinet. Chaque montre-anniversaire (12 pièces en or de cette Moon, 60 en acier) encapsule à trois heures le fragment d’une authentique météorite lunaire, avec une gravure très réussie sur le cadran [la lune et ses cratères], dans un magnifique écrin commémoratif du roman de Jules Verne (ci-dessous et en haut de la page)…
À SUIVRE : Dix révélations qu’on n’attendait pas pendant la Wonder Week – pour le meilleur et pour le… presque pire (seconde partie) !
WONDER WEEK 2019
Les précédents épisodes de notre classique feuilleton genevois du mois de janvier, jusque dans les coulisses du grand rassemblement de la « capitale » éphémère de l’horlogerie de luxe (les liens pour les séquences précédentes sont à retrouver dans l’épisode #10 ci-dessous) :
❐❐❐❐ #13 : Sans bégayer ni délirer, Panerai a présenté la collection la plus consistante de toute la Wonder Week (Business Montres du 18 janvier)
❐❐❐❐ #12 : Il faut quand même qu’on vous dise un mot de cette fameuse montre Code 11.59 d’Audemars Piguet – seconde partie (Business Montres du 17 janvier)
❐❐❐❐ #11 : Il faut quand même qu’on vous dise un mot de cette fameuse montre Code 11.59 d’Audemars Piguet – première partie (Business Montres du 16 janvier)
❐❐❐❐ À DÉCOUVRIR : Sept montres qui viennent de commencer leur année horlogère à la Wonder Week (Business Montres du 15 janvier)
❐❐❐❐ #10 : Il faut quand même le dire : même si tout le monde a la peur au ventre, la créativité et l’ingéniosité horlogères sont en hausse (Business Montres du 15 janvier)