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À BOUT PORTANT (accès libre)
« Je ne me maquille plus : je porte quotidiennement une Dennison avec un cadran en aventurine »

Rien ne vaut l'avis des nouvelles générations sur les nouvelles montres des nouvelles marques de la nouvelle horlogerie. Et rien n'est meilleur que l'avis d'une jeune femme sur une jeune maison qui refait actuellement et brillamment surface sur le marché. La parole est à Octavie Saulais, 25 ans : alors, quelles impressions après quelques semaines passées avec une Dennison au poignet ?


Disparue du marché pendant de nombreuses années, l’institution britannique Dennison revient s’imposer comme une évidence avec sa ligne ALD, hommage au fondateur de la marque. Entre modernité et héritage, inéluctable combo gagnant pour le monde du luxe au XXIe siècle, cette montre unisexe imaginée par et pour des passionnés élégantise n’importe quel poignet, et surtout le mien depuis un mois. Ayant travaillé plusieurs années dans la mode, j’admets accorder une certaine importance à mon apparence et à celles de mes congénères. En revanche, je ne porte plus de montres depuis quelques années – j’habite à Paris – et je n’en ressens pas particulièrement le manque. A quoi bon, je possède un iPhone comme tout le monde et suis bien évidemment tout le temps en retard. Pourtant, il y a quelque chose de très délicat dans le fait d’habiller son poignet, ultime détail qui agrémente l’allure d’une femme soignée, et j’aime imaginer que je suis de celles-là. Passé la vingtaine, chaque détail compte. La négligence est difficilement tolérée, car non-justifiable. Alors on commence à collectionner quelques éléments de garde-robe indispensables, par devoir et par nécessité : des pantalons très bien coupés, des sacs de jour et de soir qui vont durer une vie, une petite robe noire, un trench-coat… Et une montre de qualité évidemment.

Comme de nombreuses jeunes femmes de mon époque, je possède une montre parce qu’il faut en avoir une et parce qu’il fallait surtout l’avoir à un certain âge. C’était un cadeau pour mes 21 ans et je la porte quand j’y pense. C’est une Rolex Air King vintage en or et métal argenté, cadran blanc, assez large pour un poignet d’enfant comme le mien, et j’ai l’impression d’être effroyablement adulte quand je la porte. A 25 ans, deuxième montre, pour le soir, c’est important, plus fine et délicate, d’époque années 30 et sans marque ni logo apparents mais avec quelques minuscules diamants qui habillent le boîtier (éducation quiet luxury avant la tendance). Jacques Séguéla n’a qu’à bien se tenir, me voilà parfaitement équipée et je ne devrais pas avoir besoin de grand-chose d’autre à l’avenir. Mais, en vivant à Paris, le réflexe du port de la montre s’oppose malheureusement parfois à celui du port du couteau, surtout ces derniers temps, et il faut savoir faire des choix. De fil en aiguille, on perd l’habitude, et le réflexe. Je compte sur les doigts d’une main les jeunes femmes de mon entourage qui porte quotidiennement quelque chose au poignet. Et celles-là, je les remarque.

Alors quand un ami – de sexe masculin et de race horlogère, niveau premium – me propose de me prêter le modèle ALD de Dennison qu’il vient de recevoir, j’ai du mal à en voir l’intérêt mais je suis intriguée. L’objet est très beau, c’est indéniable, avec son cadran en aventurine et son bracelet en cuir façon crocodile bleu nuit. Et puis personne ne la porte encore. Le summum du luxe, c’est la rareté. Personne ne veut être le clone de son voisin, encore moins quand on est une femme. Et on remarque toujours plus vite ce que l’on n'a pas. Entendu : je la garde et la porterai, juste pour essayer, par curiosité. Je choisis ma tenue du lendemain en fonction d’elle – attention cependant, quand tout va trop ensemble, rien ne va plus. Et que mon iPhone se rassure, le cadran n’affiche pas les chiffres, j’aurais donc encore souvent le réflexe de le préférer à mon nouvel accessoire. Car la réalité, c’est que la montre est aujourd’hui un véritable bijou pour une femme, qui envoie un message aux autres plus qu’il ne lui indique l’heure à elle.

Le modèle ALD incarne tout ce qui plaît à l’époque, à juste titre pour une fois. Un alliage de design moderne et d’âme ancienne, soulignée par un bracelet en cuir old school et non en métal, et un cadran aux reflets aventurine qui rappelle ici la voie lactée à portée de poignet. Unisexe bien sûr, puisqu’il y a bien longtemps que les femmes volent les montres de leurs hommes, autant l’institutionnaliser. Elle est légère, ne se sent presque pas portée et, pourtant, tout indique que c’est le fruit d’un savoir-faire dont seuls certains ont le secret. Elle habille le plus simple des uniformes et je me retrouve étonnamment à ne pas ressentir le besoin d’en changer le soir venu malgré un changement de tenue. Pratique malgré elle puisque ce n’est plus l’objectif premier des horlogers mais belle avant tout. Discrète aussi, ce qui devient non-négociable pour les raisons évidentes susmentionnées. Mais, lorsqu’on en vient à aimer un objet comme celui-ci, une question finit par se poser : aurais-je envie de porter tous les jours quelque chose d’exceptionnel, au risque de m’habituer à son éclat et de le déprécier avec le temps ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, mais je préconise malgré tout un peu de diversité pour ne pas trop vite se lasser. NB : À ne pas reproduire en politique…

Cette montre incarne en revanche un choc générationnel. Quand j’ai demandé à ma mère ce qu’elle en pensait, j’ai été troublé par le peu de considération qu’elle y a apporté. Étant de la promotion Tank-Reverso 69, il est presque impensable pour elle de se résoudre à voir un objet de vrai luxe en une montre nouvelle génération, surtout si le cadran paraît moderne et si elle a été achetée en boutique. Une montre, c’est élégant quand c’est de seconde main et que ça raconte une histoire, point. Ne lui en déplaise, l’histoire doit bien commencer quelque part, et je n’aurai aucun mal à imaginer transmettre mon ALD à ma fille ou à mon fils plus tard. La couleur est également source de discorde. Il faut du neutre, du noir, du gris, du marron, au-delà tout devient une Swatch. Rien de mal à cela, me direz-vous, mais le message est différent, nous en conviendrons. Sur ce point, j’imagine que tout dépend du style de chacun, ma mère ayant raté son coup d’état pour devenir impératrice du bon goût, la couleur reste tolérée, je crois.

Pour l’heure, je me résous à l’idée que je vais devoir rendre mon ALD à son propriétaire et qu’il faut savoir laisser partir les jolies choses, surtout quand elles ne nous appartiennent pas. J’ai porté avec plaisir et fierté ce petit bijou horloger pendant quelques semaines. Y reviendrai-je ? Oui. En prenant le bracelet marron peut-être, Maman a toujours raison…

Octavie Saulais

COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS



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