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LE SNIPER DU LUNDI (bloc-notes en accès provisoirement libre)
On repeint les cadrans : une fausse révolution chromatique qui sent vraiment la fin de cycle

Retour du Sniper pour une nouvelle intervention en toute liberté : on va donc vous parler, entre autres, de la pantonisation forcénée qui tourne au pompiérisme chromatique, d’une dame très attendue, d’une prise de risques bien assurmée et du possible retour de la saucisse dans les salons horlogers – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. En vous rappelant ce que l’excellent Sylvain Tesson nous dit d’un bloc-notes de ce genre : « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Nous n’avons donc plus qu’à bloc-noter dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…


▶︎▶︎▶︎▶︎  UNE PRÉCISION (TRÈS) UTILE POUR NOS LECTEURS…

Le retour à la normale, c’est pour tout de suite ! Nous sommes heureux de vous annoncer que notre site a été mis à jour avec une nouvelle fonctionnalité de paiement qui vous permettra de mieux gérer votre abonnement et vos achats. Cependant, pour des raisons de sécurité, nous avons dû créer un nouveau système de compte et de mot de passe pour le site. Dès que tout refonctionnera parfaitement, nous vous préviendrons.

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▶︎▶︎▶︎▶︎ LA DANGEREUSE PANTONISATION DES MONTRES… 

On aura vraiment tout essayé au cours de ces dernières années : le bleu comme nouveau noir, détrôné à peine installé par le vert comme nouveau bleu, luis-même évincé d’emblée par le lie-de-vin [bordeaux ou bourgogne ?] comme nouveau vert, tandis que l’orange s’imposait en ICE (« In case of emergency ») puisque chacun sait bien que les montres sont des instruments de survie tout ce qu’il y a de plus efficaces. C’est alors que nous avons vécu de véritables aurores boréales sur les cadrans qui s’empourpraient de violet (« purple » en anglais, à ne pas confondre avec la pourpre européenne), de bleus titanisés accouchés à la flamme, de blancs ivoirés, d’arcs-en-ciel somptueux (le fameux mode « rainbow ») et de références gastronomiques des plus appétissantes – chocolat, saumon, amande, moutarde, havane, aubergine, mandarine, etc. On a même vu cette année des bleu layette et des rose layette qui ont dû faire bouillir de rage les dérangés du dé-genré. Le tout avec des variations qui se sont lancées sans frémir dans le « fumé », le strié, le pailleté ou le veiné…

La couleur du cadran, c’est le nouvel espoir suprême et la nouvelle suprême pensée d’une horlogerie qui ne sait plus parler de formes, de volumes, de proportions ou d’harmonies dans les lignes [il y a longtemps que plus personne ne ferraille autour de la précision], pour ne plus considérer que la décoration, l’allure et le chic chromatique qui créé une choc visuel. Ce qui importe, c’est la « bonne » couleur du moment, dans une dynamique de saisonnalisation qui épuise les énergies d’une industrie incapable d’adopter un rythme bisannuel (printemps-été, automne hiver) quand ses constantes de temps sont biennales. C’est cette attention récemment portée à la couleur qui explique la vogue de la météorite, le retour des pierres dures ou la géniale et extraordinaire audace – pour Rolex – de la nouvelle Day-Date kaléisdoscopique en puzzle d’émaux cloisonnés [audace renforcée par les « messages » sémantiques et les pictogrammes du calendrier].

Il faut sans doute se féliciter de voir l’horlogerie redécouvrir les sortilèges de la couleur et les pièges de la lumière, tant dans le maniement des longueurs d’onde qui décomposent la couleur que dans les reflets que fait naître, plus ou moins parfaitement, une décoration et des anglages réussis [qui dira jamais la magie d’une « ligne » de lumière idéale dans le berçage d’un composant ?]. Le problème, c’est que ce nouveau maniérisme du pantone est devenu le pont-aux-ânes de la créativité (sic) horlogère, au point de dégénérer maintenant en pompiérisme chromatique : partout, on éclabousse, on fume, on estompe, on paillonne, on empierre, on sable, on guilloche et on s’efforce de piéger le moindre rayon du spectre solaire. Baroquisme bariolé qui se trouve renforcé par les nouvelles couleurs qu’autorise le SuperLumiNova et qui ont remis un jeton dans le juke-box, au point de voir chaque montre un tant soit peu travaillée se donner dans la pénombre des faux airs de Las Vegas quand la nuit tombe sur le Nevada…

N’est pas Alain Silberstein qui veut pour manier avec habileté les couleurs primaires. Ne maîtrise pas qui veut la gamme Pantone et les subtilités ternaires du CMYK (cyan magenta yellow, key pour black). N’échappe pas au ridicule qui veut en matière d’emphase grandiloquente dans le dialectique de la palette. Le pompiérisme de la fin du XIXe siècle – mais ce terme est propre à toutes les dérives académiques des ères terminales – nous avait habitués à de sublimes chairs dans les teintes « rose cuisse de nymphe », couleur que les designers des emphatiques bagnoles américaines des années 1950-1960 apprécieront jusqu’à la nausée. Notre actuel néo-conservatisme chromatique sent la fin de règne. Il nous évoque ces habits soyeux et chamarrés de la fin du XVIIIe siècle et les montres oignons aux enflures baroques qui allaient avec : souvenons-nous ici de la réaction révolutionnaire de la fin du même siècle, de cet appel à la rigueur et du rupturisme stylistique qui avait alors permis à Abraham Louis Breguet d’imposer une nouvelle simplicité horlogère, harmonisée aux sobres habits noirs de la bourgeoisie qui venait de triompher de l’Ancien régime. Est-ce vraiment un hasard si le « dieu vivant » de la horlogerie suisse contemporaine, notre ami Philippe Dufour, a baptisé Simplicity des montres à trois aiguilles devenues si introuvables qu’elles se négocient au-delà du million ?

Certes, des goûts et des couleurs, on ne discute pas, mais quand même ! La couleur à pleins seaux est devenue une fausse rébellion autant qu’une illusion de disruption : au lieu de faire parler la montre, on laisse parler la lumière. Lamentable démission et indice d’épuisement créatif que cette quête dérisoire de la « couleur de l’année » quand toutes les couleurs sont sur la table de travail ! Les coloristes savent que, quand on mélange toutes les couleurs, on obtient du… noir ! Bref, on éteint la lumière… Faut-il en arriver là ? Moralité : il serait de dé-pantoniser l’horlogerie en recentrant le débat sur les qualités intrinsèques des montres – et non sur leur style extrinsèque et transitoirement colorimétrique. Comme on en reparlera, on vous laisse réfléchir là-dessus…

▶︎▶︎▶︎▶︎ RISKERS PREND DES RISQUES (1)… 

Plus que discrète et presque effacée depuis la fin de la pandémie, la jeune marque indépendante Riskers se cherchait un nouveau destin en misant sur de nouveaux investisseurs – lesquels préféraient clairement aller au devant des succès avérés de l’horlogerie (et donc acheter au son des violons) plutôt que de prendre des risques avec Riskers (et donc acheter au son des canons). Tant pis pour eux ! Un examen de conscience approfondi a révélé à l’équipe de Riskers, repérée voici quatre ans par Business Montres du 13 janvier 2019 et Business Montres du 21 janvier 2019 (voir également Business Montres du 16 mars 2019) qu’elle disposait toujours d’une communauté élargie capable de se mobiliser et d’exprimer une nouvelle demande horlogère : « Portée par des projets innovants et audacieux, notre jeune marque horlogère veut lancer une nouvelle phase de son développement en faisant appel à des investisseurs qui partagent sa vision et ses valeurs ».

▶︎▶︎▶︎▶︎ RISKERS PREND DES RISQUES (2)… 

Le contexte est aujourd’hui plus favorable. Sélectionnée pour être portée dans deux séries télévisées diffusées au printemps, Riskers se réjouit en outre d’un contexte horloger plus propice avec notamment des signes encourageants venant de la consommation chinoise ». Soit l’amorce d’une troisième phase dans le développement de la marque. En Chine, par exemple, Riskers a été intégrée dans l’aventure Frenchours destinée à faire la promotion des marques françaises d’horlogerie en Chine. Les premiers retours sont très positifs. « Les utilisateurs ont trouvé que le design du produit est unique, le concept de l'ambassadeur et du storytelling est intéressant » (rapport Francéclat 2022). Deux premiers projets pour appuyer une nouvelle émergence de Riskers : toujours dans l’objectif de renforcer la dimension émotionnelle de ses garde-temps, Riskers a pour ambition de développer un design atypique utilisant un matériau unique lié à première guerre mondiale ! L’idée serait d’utiliser les douilles d’obus de canon pour en faire des cadrans et offrir ainsi une pièce d’histoire à porter au poignet. Second axe de travail : cap sur le futur et sur l’innovation, en repensant ce que pourrait être la « montre des tranchées » en l’an 2200 ! Dans les deux cas, le terrain à défricher avant d’envisager une industrialisation est important Pour accompagner cette troisième phase, la marque recherche des investisseurs qui partagent à la fois sa vision, ses valeurs et ses ambitions. « Nous avons mis au point une stratégie à 360° avec beaucoup d’innovations phygitales qui nous aideront à atteindre des objectifs ambitieux mais réalistes ». Pierre Guerrier, qui reste au centre du jeu : « Nos acquis pour grandir résident dans notre capacité à fédérer une communauté grandissante autour de notre vision et à partager les ambitions de la marque avec chacun ». À suivre…

▶︎▶︎▶︎▶︎ UNE FASCINATION NUMÉRIQUE… 

Des chiffres sans lettres, des cubes et des parallélépipèdes blancs sur fond noir, une dynamique incessante, programmée sur vingt-quatre heures jusqu’à la fin des temps – du moins tant qu’il y aura de l’électricité dans l’air : c’est la sobre et fascinante horloge Clock que nous propose l’atelier créatif japonais Oimo.io, avec une vraie heure numérique [au sens étymologique du terme] et non pas digitale, puisqu’il n’est pas ici question de compter sur ses doigts ! Les heures, les minutes et les secondes défilent en temps réel, dans un mouvement perpétuel de composition, de décomposition et de recomposition géométriques, avec des petites surprises toutes les dix secondes. Attention, visuellement, ce spectacle est une drogue dure, capable de générer une assuétude définitive et hypnotisante…

▶︎▶︎▶︎▶︎ LE BÊTA BLOQUANT PART EN GUERRE… 

Dans les couloirs de Watches & Wonders, on ne le surnommait plus que le « bêta bloquant » : c’est par son entregent que les deux seuls médias indépendants de l’horlogerie – Business Montres d’une part, Miss Tweed de l’autre – ont eu le privilège d’avoir été blacklistés pour l’édition 2023 du salon. Jamais en panne d’une mise en avant intempestive, voici que le « bêta bloquant » se sent poussé par de mâles accents à de plus viriles exhibitions : on croit rêver ! C’est fou ce que ces gens-là peuvent oser, mais, heureusement, c’est à ça qu’on les reconnaît…

▶︎▶︎▶︎▶︎ EN VRAC, EN BREF ET EN TOUTE LIBERTÉ… 

•••• AUDEMARS PIGUET : personne n’en sait rien, mais tout le monde en cause ! Pour identifier le successeur de François-Henry Bennahmias à la tête d’Audemars Piguet, le consensus – Business Montrescompris ! – semble s’orienter vers l’hypothèse du recrutement d’une femme extérieure à l’industrie horlogère (confirmation récente par Miss Tweed, qui précise assez finement : « Cette nomination démontrerait que les familles propriétaires d’AP jugent que sa capacité à diriger et développer la marque est plus importante qu’une expérience dans l’horlogerie »… •••• HORLO-STUPS : vente aux enchères à Paris de nombreux biens de luxe saisis dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants (Drouot, 25 avril, environ 277 lots sont à disperser). Une bonne quinzaine de Rolex (en fin de vente) et d’autres colifichets ostentatoires seront proposées aux amateurs, avec de nombreuses berlines de luxe, des deux-roues, de articles de mode, de la maroquinerie, des stylos et même des pièces d’or… •••• TYRRANOMONTRE : légère déception pour la première vente européenne d’un squelette complet de tyrannosaure T. Rex (nom de code : TRX-293 Trinity), dont le vendeur espérait beaucoup mieux que les 5,6 millions d’euros – soit l’estimation qu’on pouvait juger défensive [aux États-Unis, un précédent squelette avait été adjugé à presque 32 millions de dollars]. Il est vrai que le squelette vendu en Suisse était « composite » (provenant de trois dinosaures différents ayant vécu à quelques centaines de milliers d’années de distance). Cette vente était une révélation Business Montres du 6 avril dernier et Atlantic-Tac vous en avait parlé le lendemain. En revanche, la montre Urwerk UR-105 M Trinity, pièce unique associée à ce T. Rex, s’est parfaitement bien vendue au plus haut de son estimation (à peu près 125 000 euros) – soit une excellente adjudication. Moralité : mieux vaut investir sur une montre contemporaine que sur un vieux prédateur croulant sous ses 67 millions d’euros…

▶︎▶︎▶︎▶︎ CLOCKS EN STOCK (le dessin du jour)…

Nous avons repris dans ce bloc-notes la bonne vieille habitude du Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans notre page Instagram, qui compte déjà plusieurs milliers d’illustrations à base de comics détournés et de photos piratées – un bon conseil, likez et faites circuler ! « Confrontés à l’impérieuse nécessité de réduire au maximum le prix du mètre carré imposé aux exposants de Watches & Wonders, les petits caporaux hystériques de la direction du salon envisageait tout simplement de réduire au strict minimum le budget du champagne et de la restauration en accès libre » : l’austérité semble de mise pour 2024, les orientations stratégiques B2C (plutôt que B2B comme auparavant) semblant désormais incompatibles avec les bons usages des salons de luxe devenus obsolètes. Edspérons qu’on n’en reviendra pas aux saucisses de Balselword dont les fumées avaient permis la naissance du défunt SIHH…


Coordination éditoriale : Eyquem Pons



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