BUSINESS MONTRES ARCHIVES (accès libre)
La smartwatch pionnière et victorieuse que tout le monde a préféré oublier – pourquoi ?
Au hasard d’une recherche sur Google, une information oubliée qui remonte de pas si loin : il y a exactement cinq ans, la première smartwatch gagnait l’America’s Cup. « Business Montres » l’avait bien repérée à l'époque : aujourd’hui, même TAG Heuer semble l’avoir oubliée. C'est dommage…
Septembre 2013 : nous sommes encore à un an du lancement de l’Apple Watch par Apple et à dix-huit mois de sa commercialisation effective. Les horlogers suisses persistent dans leur déni de réalité à propos des montres connectées : ils n’y croient pas, à commencer par Nick Hayek et par Jean-Claude Biver. « Circulez, il n’y a rien à voir », ne cesse-t-on de répéter dans les états-majors à propos des smartwatches. Même les marques qui ont des projets dans ce sens préfèrent se taire : par exemple TAG Heuer, qui n’avoue à personne que l’équipage d’Oracle engagé dans l’America’s Cup est équipé d’une montre connectée TAG Heuer ! Le secret était bien gardé, mais il est révélé par Business Montres le 12 septembre 2013 : il s’agit d’une Aquaracer 72, très différente de l’Aquaracer Calibre 72 qui est la montre officielle de l’équipe (voir notre article un peu plus bas)…
Quelques jours plus tard, Team Oracle remporte l’America’s Cup. Dans la chronique hebdomadaire Atlantic-tac pour Atlantico, Business Montres (29 septembre 2013) peut annoncer qu’une smartwatch tout ce qu’il a de plus connecté vient de remporter l’America’s Cup, trophée auquel tant d’horlogers traditionnels ont souhaité attacher leur prestige. C’était avant le triomphe de TAG Heuer et de sa montre connectée ! Le « Sniper du vendredi » en remettra également une couche (Business Montres du 27 septembre 2013) pour féliciter les vainqueurs. À peu près tout le monde avait oublié cet épisode aujourd’hui pionnier, y compris chez TAG Heuer : la « Swiss Avant-Garde since 1860 » ne tenait pas trop à ce que ça se sache ! Il aurait été dommage que nous ne fêtions pas ce cinquième anniversaire…
Ce n’est pas pour une satisfaction d’égo, mais on pourra noter la conclusion de ce tir au but du « Sniper du vendredi », qui signalait déjà [en 2013, un an avant l’Apple Watch !] tout le bien qu’il fallait penser des montres connectées dès qu’elles ressemblent à des vraies montres [c’est la solution que TAG Heuer adoptera par la suite] et qu’elles se dotent d’« additions logicielles qui vont bien au-delà̀ des gadgets pour geeks un peu blasés » et de fonctions spécialisées à des sports précis [c’est la solution récemment retenue par Hublot pour sa Big Bang connectée d’arbitrage pendant le Mondial]. On note même, en fin d’article, une allusion aux paramètres biologiques qui ne déplaira pas aux amateurs de l’Apple Watch. Notre conclusion prémonitoire de l’époque : « Quel meilleur outil que la smartwatch pour consacrer cette connexion de tous à tous qui devient l'impératif d'une nouvelle modernité ? » 2013-2018 : on a perdu cinq ans, ainsi que la première bataille contre les smartwatches non hiorlogères et peut-être même la guerre. Quel gâchis…
TAG HEUER : La smartwatch qui a gagné la Coupe de l’America…
On peut gagner l’America’s Cup pour toutes sortes de raisons, mais c’est la première fois qu’une montre prend une telle part dans une victoire arrachée après une série inattendue et un peu folle de huit régates gagnantes. Il s’agit d’une montre « intelligente » (smartwatch, c’est plus court et plus mode), la première du genre dans la haute horlogerie suisse – qui affecte par ailleurs un certain mépris pour les montres connectées du futur. TAG Heuer ayant toujours été une marque pionnière pour les objets du temps non conformistes, on n’en attendait pas moins de la marque partenaire de l’équipage Oracle Team USA. Révélée par Business Montres dès le 12 septembre dernier, cette montre est fondatrice d’une nouvelle famille de smartwatches à la suisse, dédiées à des activités techniques très pointues – et non à des banales extensions téléphoniques. Atout charme de cette Aquaracer 72 (ci-dessus) : il s’agit d’une vraie montre, qui ressemble à une vraie montre, logée dans le même boîtier que les autres pièces de la collection Aquaracer dédiées à cette Coupe de l’America. Atout magistral : la montre – qui donne l’heure – dispose d’une « intelligence » qui connecte chaque membre de l’équipage à la totalité des capteurs électroniques du bateau, et notamment aux informations utiles qui le concernent directement en tant qu’équipier (chacun à bord a très précisément sa place et sa fonction). Pourquoi affirmer que cette montre a gagné la Coupe ? La série des régates gagnantes a commencé quand les équipiers ont tous été équipés de cette Aquaracer 72 et qu’ils en ont maîtrisé les fantastiques avantages fonctionnels. Les deux équipages concurrents se valaient, les deux stratégies de course aussi, les deux bateaux également. La seule différence était au poignet de l’équipage américain [où les Américains étaient minoritaires !], plus affûtés à chaque seconde grâce à l’intelligence connectée de leur montre…
••• TEXTE ORIGINAL : chronique Atlantic-Tac du 27 septembre 2013…
CETTE SEMAINE, LE SNIPER DU VENDREDI A…
Félicité TAG Heuer pour la smartwatch qui a donné́ la victoire à Oracle...
Les deux équipages se valaient et ils étaient considérés comme interchangeables dans leur qualité́ comme dans leur homogénéité́. Les deux voiliers – Oracle Team USA d'un côté́, Emirates Team New Zealand en face – se valaient également. Les deux stratégies de course étaient tout aussi convaincantes. Donc égalité parfaite sur le papier, comme l'ont montré́ le score 8-1 qui laissait les « Kiwis » (Néo-Zélandais) à un tout petit point de la victoire par K.O. Sauf que, c'est à̀ cet instant de la compétition que les Américains [à vrai dire, pas beaucoup de vrais Américains à bord !], ont commencé à savoir se servir de leur montre intelligente Aquaracer 72 développée pour eux par TAG Heuer. Cette montre était une révélation Business Montres du 12 septembre : à l'époque, quelques journalistes étaient invités par TAG Heuer à San Diego, mais ils n'avaient pu réellement approcher les équipiers, confinés dans une de ces « bulles » anti-médias dont les Américains ont le secret. La révélation de Business Montres signalait qu'il était impossible de trouver une image d'un équipier d'Oracle Team USA porteur de cette montre : et pour cause ! Ils ne la portaient pas encore. Rappelons que les fantastiques potentialités fonctionnelles de cette montre permettent à̀ chaque équipier d'être relié non seulement à l'ensemble de données électroniques compilées par les innombrables capteurs du bateau, mais surtout de disposer, à son propre poste, en temps réel, de toutes les données qui intéressent sa mission. C'est ainsi que chaque équipier s'est trouvé́ plus « intelligent » – quelques menus pourcentages de plus – et plus affuté́ que son homologue à bord du bateau adverse. L'extraordinaire série des sept régates gagnantes qui ont permis aux Américains de remporter la victoire s'explique-t-elle autrement ? Qu'on nous désigne le vrai facteur de différence ! C'est le 12 septembre, jour de publication de notre article, que Ben Ainslie – le « meilleur-régatier-du-monde », par ailleurs ambassadeur de... Corum ! – est monté à bord d'Oracle et c'est ce jour-là̀ qu'on a commencé́ à faire parler l'intelligence des montres. À chacun son interprétation des faits [en excluant le facteur Corum]. Une Omega traditionnelle, c'est bien. Une TAG Heuer intelligente et connectée, c'est décisif...
La victoire de cette smartwatch est également décisive pour dessiner ce que pourrait être l'avenir des smartwatches : au lieu de se contenter de banales fonctions extra-téléphoniques, la piste suisse est celle d'un container horloger de base [ici, le boîtier Aquaracer] et une allure de vraie montre, mais avec une intelligence très pointue et orientée vers des fonctions très spécialisées, multi-sportives et polyvalentes grâce à des additions logicielles qui vont bien au-delà̀ des gadgets pour geeks un peu blasés. Que de services ces montres connectées à des capteurs embarqués pourraient rendre à̀ des régatiers, mais aussi à̀ des athlètes de haut niveau (paramètres biologiques) ou à̀ des pères de famille au volant. La logique 2.0, c'est le many to many qui remplace le one to many de l'époque des autorités surplombantes. Quel meilleur outil que la smartwatch pour consacrer cette connexion de tous à tous qui devient l'impératif d'une nouvelle modernité́ ?
••• TEXTE ORIGINAL : Le Sniper du vendredi (Business Montres du 27 septembre 2013)…
TAG HEUER
Une smartwatch confidentielle inventée pour les équipiers de l'America's Cup
C'est apparemment un secret bien gardé : quelle montre portent les équipiers d'Oracle (dont TAG Heuer est partenaire) pendant les régates de l'America's Cup ? En tout cas pas une Aquaracer Calibre 72 de base, pas assez technique pour une course aussi exigeante. Du coup, TAG Heuer leur a inventé́ une smartwatch ultra- innovante, d'une intelligence encore jamais vue...
Il aurait été vraiment étonnant de ne pas voir TAG Heuer aux avant-postes de l'horlogerie suisse pour tenter d'y voir plus clair sur le marché d'avenir des smartwatches, ces montres connectées auxquelles personne ne croit dans l'arc jurassien, mais auxquelles tout le monde pense. Pour les équipiers de l'America's Cup membres du Team Oracle USA (defender de la Coupe), dont TAG Heuer est le partenaire chronométreur officiel : TAG Heuer a dédié à cette équipe une montre de régate assez classique, l'Aquaracer 500 Calibre 72 Countdown (un peu plus haut dans la page), le 72 rendant hommage aux 72 pieds des nouveaux bolides de la mer. Sauf que, bien évidemment, les qualités mondaines de cette Aquaracer conviennent plus aux amateurs qui admirent la course du haut des bateaux d'accompagnement qu'aux équipiers en pleine régate, qui ont besoin d'outils beaucoup plus professionnels.
Sur les précédentes éditions de la Coupe, les équipages portaient en course des montres numériques très simples, techniques et purement fonctionnelles (généralement asiatiques et bas de gamme), griffées ou non par les marques dont le logo figurait sur le bateau ! Cette fois, avec la dimension high-tech acquise par les géants des mers engagés dans la compétition (des catamarans à foils munis d'une aile rigide) et avec la multitude de paramètres à gérer, il n'était plus question de se contenter d'une montre mécanique, ni même du mouvement basique d'une montre électronique... À l'entrainement, les équipiers d'Oracle Team USA ont commencé à utiliser des montres électroniques multifonctions dédiées à l'univers nautique, mais elles ne donnaient pas satisfaction. Ni pour les affichages, ni pour l'étanchéité, ni même pour les bracelets. Doléances simples, réponses complexes ! C'est là que TAG Heuer – qui maitrise, par nature horlogère, les problèmes de fonctions, d'étanchéité et de bracelets – a pu intervenir pour créer, sur la base d'un cahier des charges très précis, un concept de montre intelligente et connectée exclusivement dédiée à l'équipe en compétition. C'est la première smartwatch dédiée à l'univers nautique à être ainsi développée par et pour une équipe de très haut niveau...
Jimmy Spithill, le plus jeune skipper vainqueur de la Coupe, est intarissable sur sa montre : « La Coupe de l'America est la course le plus difficile dans l'univers de la voile et nous avons besoin de tous les atouts possibles et imaginables. Non seulement l'Aquaracer 72 nous délivre les données indispensables, mais elle est adaptée aux conditions extrêmes et toujours changeantes de la course, qu'on parle de la lumière, du brouillard, des embruns et des chocs. La montre nous aide, non seulement pour le compte à̀ rebours et pour le chronométrage, mais aussi pour tous les paramètres de la course ». Exemples de cette adaptation à une régate rendue encore plus « extrême » par toutes les nouvelles technologies embarquées : l'affichage (LED) a été optimisé pour gérer les contrastes dans toutes les conditions de visibilité – ce qui fait que la montre, ultra-contrastée, n'a que quelques heures d'autonomie et qu'il faut donc la recharger après chaque course. Le revêtement hydrofuge du cadran dérive d'un brevet splashproof breveté pour les lunettes TAG Heuer : les embruns et le sel ne sédimentent pas, la montre restant lisible en permanence, quel que soit l'état de la mer et des vagues. En dépit d'un boîtier de 51 mm, le boîtier ne pèse que 108 grammes : il résiste aux chocs jusqu'à 5 000 G. La lunette tournante est munie d'une bague en céramique. Résistant à l'eau, le bracelet en cuir a une boucle déployante capable de s'adapter au port d'une combinaison. Les codes de TAG Heuer y sont respectés, mais la technologie déployée est totalement inédite et innovante : elle a permis de re-paramétrer avec Oracle toute l'électronique de bord...
Autres exemples de l'interaction de TAG Heuer avec la demande des équipiers d'Oracle Team USA : pour les wincheurs (grinders), ces grands costauds qui moulinent en permanence, une montre connectée est utile, mais pas pendant qu'ils s'agitent sur leur « moulin à café » : leurs poignets tournent si vite qu'il serait impossible de lire quoi que ce soit sur une montre. Le département R&D des lunettes TAG Heuer a donc développé́ pour eux un « affichage tête haute », avec un écran intégré́ dans le verre polarisant de leurs lunettes photochromiques (développement réalisé avec un bureau d'études de la vallée de Joux). Pour Jimmy Spithill, la téléphonie TAG Heuer a développé un « téléphone de bras », totalement étanche, qu'il porte sur son avant-bras (image ci-dessous, à gauche). Les boîtiers informatiques répartis sur tout le bateau ont également été étanchéifiés par la R&D de TAG Heuer, qui maitrise depuis longtemps ces questions avec la Monaco. Cette Aquaracer 72 est, incontestablement, la première smartwatch sportive de l'histoire horlogère suisse : produit de nouvelle génération, elle signe l'entrée des montres connectées suisses [dont on sait à présent qu'il existe différents projets] dans une nouvelle dimension, capable de reprogrammer tout le logiciel de l'horlogerie traditionnelle. Ses avancées en matière de connectique embarquée, d'interactivité et même de fiabilité dans les conditions extrêmes [à la vitesse où vont les AC 72, on est plus dans une ambiance de F1 que de promenade en mer] dessinent même d'autres perspectives dans le domaine du sport en général : l'âge d'or de la connectivité peut, là encore, révolutionner les compétitions. Dans le même temps, cette TAG Heuer encore confidentielle précise ce que sera, demain, le marché des smartwatches : non pas un marché de masse, avec très peu de modèles en concurrence, mais plutôt une myriade de niches ultra-spécialisées où beaucoup d'acteurs auront leurs chances de réussir pourvu qu'ils sachent s'adapter à une demande précise...