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BAROMONTRES 2022 #03 (mars)
Les faits, les hommes et les marques qui ont influencé la météo horlogère de ce mois de mars 2022

Douze coups de projecteur sur les grandes tendances climatologiques de l’horlogerie pour le mois de mars 2022. Notre Baromontres exclusif évalue les hautes pressions et les dépressions de la barométrie pour tout ce qui concerne l’industrie des montres. Un bulletin météo en toute liberté et sans la moindre révérence, avec le seul souci d’apporter un peu de lumière sur ce début d’année 2022 : pour le meilleur ou pour le pire ?


AVIS DE GRAND BEAU

❑❑❑❑ RAYNALD AESCHLIMANN & NICK HAYEK (Omega et Swatch Group)

Ensemble, ils ont monté la plus belle opération marketing de ces dernières années : leur MoonSwatch, qui associe les codes esthétiques de la Speedmaster « Moonwatch » d’Omega et l’impertinence chromatique de Swatch, a créé des files d’attente dans le monde entier, avec un buzz planétaire jamais vu depuis deux décennies. Raynald Aeschlimann a sauvé Swatch, tout comme Swatch avait sauvé Omega dans les années 1980, le Swatch Group sauvant dans l’opération ses lignes de production de biocéramique (Business Montres du 28 mars). C’est un message d’espoir pour les montres traditionnelles face aux montres connectées : oui, les nouvelles générations peuvent rêver d’une montre à quartz en composite –pourvu qu’elle leur « parle » !

❑❑❑❑ JEAN-JACQUES ANNAUD (Notre-Dame brûle)

Son film, dont tout le monde connaissait le début et la fin, s’impose comme une méditation sur le temps : le temps court d’un incendie qui a ému la planète pendant 86 minutes et le temps long d’une cathédrale qui va mourir après 86 décennies d’existence (Business Montres du 13 mars). Entre les deux, une caméra qui explore le temps et des héros qui arrêtent le temps. En toile de fond, l’horloge Collin, placée à la croisée des transepts et disparue dans le sinistre lors de l’effondrement de la flèche. Un immense film, dont Business Montres a pu s’expliquer à Genève avec Jean-Jacques Annaud…

❑❑❑❑ MAXIMILIAN BÜSSER (MB&F)

Faute de pouvoir satisfaire tout le monde avec l’édition rouge de sa MAD 1 (qui n’est pas une MB&F, mais un hommage accessible à la haute horlogerie créative), ce créateur du laboratoire créatif le plus récréatif du paysage horloger a décidé de faire confiance au hasard en procédant à une sorte de tirage au sort pour attribuer ses montres : pas loin de 20 000 demandes pour les centaines de montres de cette « loterie » horlogère encore jamais vue : c’est là aussi un message d’espoir pour l’horlogerie classique, quand elle sait créer de la désirabilité mécanique à des prix accessibles qui ne relèvent pas du grand banditisme…

❑❑❑❑ ANTONIO CALCE & ROBERT GREUBEL (Greubel Forsey)

La manufacture Greubel Forsey a retrouvé son indépendance et sa souveraineté, Antonio Calce ayant négocié de main de maître le rachat des 20 % investis dans la marque par le groupe Richemont (Business Montres du 24 mars). Vétéran des batailles de la haute horlogerie, Antonio Calce, nouveau CEO de la marque, a pu le remettre d’équerre et en faire une des futures valeurs sûres de la haute horlogerie : devenues iconiques, ses montres se vendent désormais plus cher sur le marché secondaire. Robert Greubel, qui reste président de tout l’ensemble Greubel Forsey, a désormais les moyens de faire ce qu’il veut pour repousser plus loin les frontières de l’exceptionnel dans les hautes mécaniques…    

❑❑❑❑ DAVIDE CERRATO (HYT)

Après son passage pas forcément convaincant à la direction des montres Montblanc et son intervention contrastée chez Tudor, on attendait ce designer au tournant pour sa première collection de la marque HYT récemment relancée. La Moon Runner qui porte sa griffe de directeur artistique autant que celle de CEO de la manufacture, ne nous déçoit pas, au contraire : c’est une des montres de haute mécanique les plus intéressantes de cette rentrée, par son expression mécanique (qui reste fondamentalement « fluidique ») autant que par sa réussite esthétique indéniable (Business Montres du 31 mars). HYT est de retour, au meilleur niveau, et tous ceux qui croient à l’exploration de nouveaux imaginaires horlogers s’en réjouissent. Une jolie surprise pour nous faire entrer dans les années 2020 par la grande porte…

❑❑❑❑ JOHN-MIKAËL FLAUX (John-Mikael Flaux)

Ce jeune horloger indépendant français est un créateur d’automates comme on n’en fait plus [il sait entretenir cette tradition dans son atelier, où tout est réalisé « à l’ancienne »], mais c’est aussi un créateur de montres inspiré par les grands anciens qu’il vénère : il vient ainsi d’aller repêcher une idée trouvée chez le grand Al-Jazari (1136-1206), cet ingénieux artiste anatolien dont on disait que Léonard de Vinci était le continuateur ! Les « machines » d’Al-Jazari n’ont pas fini de nous étonner, mais la montre de John-Mikaël Flaux qui lui rend hommage est une des plus singulières créations de ce printemps 2022 : on y retrouve le fameux automate éléphant qui animait autrefois une fantastique horloge à eau, dont l’esprit se retrouve dans cette pièce unique purement mécanique, développée avec la jeune marque encore secrète Ben & Bros et avec de sublimes peintures miniatures pour rendre hommage à Al-Jaziri. Tout ce qu’on espère, c’est que cette montre ne sera pas aussi unique que ça…      

❑❑❑❑ GEORGES KERN (Breitling)

Il aura réussi la plus belle opération médiatique (100 % de parts d’attention) de cette Wonder Week 2022, à une portée de flèches de Watches & Wonders dont il a été assez inexplicablement et plutôt honteusement blacklisté (Business Montres du 30 mars). Une opération d’une ampleur jamais vue (trois Airbus mobilisés) et d’une efficacité commerciale et rédactionnelle redoutable. C’est l’année des 70 ans de son iconique Navitimer, un des plus beaux chronographes « professionnels » de la grande légende des montres mécaniques suisses et il compte bien faire intégrer à Breitling le club très fermé des marques qui aimantent la ferveur des amateurs et la fièvre des spéculateurs parce qu’elles savent créer de la valeur. Grâce à Georges Kern, la maison Breitling a su redevenir    la référence « cool chic » qu’elle avait toujours rêvé d’être…

❑❑❑❑ GAUTIER MASSONNEAU (Trilobe)

Quelle Folle journée et quelle belle montre, de surcroît si française (quoique Swiss Made) dans son style et dans son approche raisonnable de la haute horlogerie mécanique (Business Montres du 16 mars) ! Gautier Massonneau mène sa barque avec précision, dans un parcours qui l’a déjà conduit vers une révélation conceptuelle à Only Watch, puis vers le Carré des horlogers de Watches & Wonders. Un parcours qui n’attend plus que sa consécration au GPHG (Grand prix d’horlogerie de Genève). Le tout sans forfanterie marketing et sans tentative d’extorsion de fonds dans ses prix catalogue, mais avec une agilité conceptuelle qui fait plaisir à voir et qui laisse entrevoir un nouveau printemps pour la jeune horlogerie française… 

❑❑❑❑ HERVÉ SCHLÜCHTER (Ateliers Hervé Schlüchter)

On le connaissait pour ses créations très pointues chez Bovet (entre autres) ou pour ses réflexions ésotérico-horlogères du temps des Alchemists. On le retrouve dans ses meubles, la loupe à l’œil, sur son propre établi, dans ses Ateliers personnels de Bienne, prêt à nous proposer de passionnants nouveaux concepts créatifs (Business Montres du 21 mars). Ce disciple et élève de Philippe Dufour a une passion pour l’excellence et un attachement sans bornes pour l’expression comme pour l’exploration d’animations mécaniques encore jamais vues : on l’attend maintenant comme un des futurs gourous des jeunes créateurs horlogers. On veut qu’il nous émerveille…

AVIS DE TEMPS VARIABLE

❑❑❑❑ LA NOUVELLE CONTREBANDE HORLOGÈRE (Russie-Ukraine)

Après avoir gardé le silence sur ce qui se passait en Ukraine pendant neuf longs jours (Business Montres du 4 mars), mais vraiment s’indigner, ni marquer une solidarité effective, ni même œuvrer pour un cessez-le-feu qui ramènerait la paix, l’industrie horlogère suisse a accepté de cesser officiellement ses activités en Russie, mais ce n’était semble-t-il que pour mieux mettre en place de nouveaux moyens de contourner l’embargo euro-américain sur les exportations horlogères vers la Russie. Ce qui n’empêchera pas les rétorsions russes à ces sanctions occidentales un peu hâtivement adoptées par un Suisse dé-neutralisée sans vraie vision stratégique [le récent raid local sur Audemars Piguet et sur Richemont n’est qu’un avertissement] et ce qui n’empêchera pas les États-Unis de s’en prendre aux horlogers qui en prendraient trop à leur aise avec les prescriptions de cet embargo…               

❑❑❑❑ JEAN-MARC PONTROUÉ (Panerai)

Si Panerai n’a pas vraiment profité de l’embellie horlogère qui a dopé la croissance des grandes marques en 2021 et si les collectionneurs de la marque restent un peu sur leur faim face à l’offre de ce printemps, le CEO de la manufacture a pris le risque de perdre une action en justice contre une mini-marque qui s’inspirait d’un peu trop près des codes Panerai. Et il a perdu contre la marque Augarde devant les juges parisiens, ce qui ouvre une dangereuse fenêtre de tirs pour tous les paneristo-inspirés de cette planète. Bien entendu, le duel judiciaire n’est pas terminé, mais ce jugement menace tout de même les fondements identitaires de l’esthétique Panerai. Comme on aimerait que la marque se réveille du long sommeil léthargique où elle avait été plongée par le prédécesseur de Jean-Marc Pontroué…                  

❑❑❑❑ WONDER WEEK (salons horlogers)

Si la réussite du grand rendez-vous genevois est incontestable, avec près de 150 marques au rendez-vous et une affluence commerciale et médiatique certaine [même si on n’est qu’au quart, voire au cinquième du visitorat d’avant la pandémie], la formule « éclatée » entre un pôle sectaire et exclusif (Watches & Wonders) et des salons complémentaires réparties dans toute la ville n’est pas viable à terme. Tout le monde a besoin de se retrouver dans un même espace, sans devoir courir des bords d’un bout à l’autre de la ville et jusque dans ses banlieues chics. Et tout le monde a besoin de retrouver tout le monde, parce que la convivialité affinitaire et les impératifs de rencontres « mammifères » sont à présent la seule justification de ces grand-messes annuelles, de moins en moins légitimes pour le business qu’on peut y faire, mais de plus en plus indispensables pour la cohésion communautaire qu’elles instituent, avec la capacité d’envoyer un message horloger fort et crédible à toute la planète. Et tout ceci sans querelles de préséance, ni conflits d’égos démesurés…   

AVIS DE TEMPÊTE

❑❑❑❑ JÉRÔME LAMBERT et le Politburo du groupe Richemont

Les petits comptables et les caporaux hystériques ont pu se permettre de blacklister Business Montres, en provoquant des hoquets d’indignation jusque chez certains patrons du groupe Richemont, qui ne sont pas forcément des amis d’un média aussi indépendant que Business Montres, mais qui considèrent que la liberté de la presse est un principe hautement respectable (Business Montres du 26 mars). Surtout quand il y a manifestement trop peu de médias indépendants pour beaucoup trop de médias perroquets complaisants et courtisans. La direction du groupe et de Watches & Wonders en sortent pas grandis de cette initiative…

LES PRÉCÉDENTS

BAROMONTRES 2021-2022

❑❑❑❑  FÉVRIER 2022Jean-Claude Biver, Marco Borraccino, David Chaumet, Claudio d’Amore, Alain Marhic, Patrick Pruniaux, François Servanin ; ras le sport chic !, Wonder Week Genève 2022 ; les enchères bizarres (Business Montres du 28 février   )

❑❑❑❑  JANVIER 2022 : Giovanni Zavota ; Jean-Christophe Babin, Stéphane Bianchi, Antonio Calce, Thierry Huron, indépendants français, Julien Tornare ; Davide Cerrato, Patrick Pruniaux, salons horlogers du printemps 2022 ; François-Henri Pinault (Business Montres du 1er février)

❑❑❑❑  DÉCEMBRE 2021 : Monty Shadow, Christian Pfeiffer-Belli ; Aurel Bacs, Claudio d’Amore, Maurizio Mazzocchi, Carlos Rosillo, Thierry Stern, Astrid Wendlandt ; André Grossmann, Jérôme Lambert (Business Montres du 3 janvier)

❑❑❑❑  NOVEMBRE 2021 : Thomas Mercier ; Raynald Aeschlimann, Aurel Bacs, Jean-Christophe Babin, Stéphane Bianchi, Maximilien Büsser, Antonio Calce, Paul Miquel, Luc Pettavino, Éric Pirson, Alain Silberstein ; agenda pourri, Raymond Loretan ; le club des abonnés aux Avis de tempête, Baseworld et Johann Rupert (Business Montres du 30 novembre)

❑❑❑❑  OCTOBRE 2021 : Rick de la Croix, Georges Kern, Jean-Pierre Lutgen, Astrid Wendlandt ; la « bulle des indépendants », Raymond Loretan ; Lionel A Marca, Michel Loris-Melikoff, François-Henri Pinault et Johann Rupert (Business Montres du 31 octobre)

❑❑❑❑  SEPTEMBRE 2021 : Geneva Watch Days, Georges Kern, Julien Tornare, Éric Zemmour, Atlantic-Tac ; GPHG 2021, carpo-véganisme ; le sino-alignement, Baselworld et la Brigade des montres (Business Montres du 30 septembre)


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