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MARDI : Comment Cartier est en train de se tirer une balle dans le pied en Chine...

Le luxe de la "possession" est il aussi obsolète qu'on le dit ? Jusqu'à quel prix peuvent monter les Rolex de collection ? Qui se souvient des flibustiers du luxe qui opéraient dans la Russie des années 1990 ? Que de questions dans l'actualité des montres de ce mardi !   ❏ QUE FAUT-IL choisir entre l'avoir (possession) et l'être (expérience) ?


Le luxe de la "possession" est il aussi obsolète qu'on le dit ? Jusqu'à quel prix peuvent monter les Rolex de collection ? Qui se souvient des flibustiers du luxe qui opéraient dans la Russie des années 1990 ? Que de questions dans l'actualité des montres de ce mardi !
 
 
QUE FAUT-IL
choisir entre l'avoir (possession) et l'être (expérience) ?
••• Question un peu provocatrice, qui était le thème de la dernière conférence de l'Association des professionnels du Luxe (Paris, 21 juin) : les quelques extraits qui suivent témoignent de l'intérêt du débat (source : APL). "Une idée très répandue, amplifiée par la crise et les stratégies de contournement qu’elle engendre, est que la possession ne serait plus “tendance“. Elle s’applique aussi au luxe qui a vu depuis quelques années se développer des propositions alternatives à celles de la distribution traditionnelle. Ces circuits qui offrent la possibilité de louer des produits de luxe connaissent une certaine faveur médiatique qui, s’ajoutant à la bonne santé du secteur des services de luxe (voyages, hôtellerie, spas, etc.), accrédite la thèse qu’il y aurait un glissement de la consommation de luxe vers un luxe “d’expérience“ au détriment de l’achat de produits de luxe". Le tableau ci-dessous permet d'y voir un peu plus clair : les chiffres publiés en 2011 montrent que le luxe d’expérience représente environ 35 % à 36 % du marché global du luxe évalué à 1 100 milliards d’euros. Si ce segment a cru plus vite que le luxe personnel entre 2009 et 2011 (9,7 % contre 8,5 %), sa croissance est légèrement inférieure à celle du luxe d’ « investissement » qui représente autour de 45 % du marché global et progresse de 10 % sur la même période...

••• Faut-il pour autant opposer possession et expérience ? " Au cours de la dernière décennie, la diffusion des valeurs hédonistes et l’émergence de l’économie dite collaborative ont esquissé un nouveau modèle de consommation du luxe. Pour certains, l’expérience du luxe serait devenue plus importante que la possession, valeur du passé. Pourtant, la crise qui sévit depuis 2008 sur les marchés matures ainsi que la montée en puissance des clientèles asiatiques offrent un autre visage. Dès qu’on se penche sur les comportements des consommateurs, on s’aperçoit que la notion de possession n’a jamais été aussi valorisée qu’aujourd’hui "... Location et possession ne s’opposent pas : " En premier lieu, c’est une erreur de penser la location comme une évolution naturelle de la possession. Il est vrai que celle-ci est aujourd’hui favorisée par le climat de récession qui règne dans un grand nombre de pays développés. Ainsi 10 % des personnes interrogées dans ces pays utilisent Internet pour louer des produits de luxe. Signe révélateur, les clients du luxe dans les pays émergents manifestent beaucoup moins d’intérêt pour la location. En réalité, si on loue certains produits (robe de mariée, smoking, accessoires…), c’est en général pour pouvoir s’offrir d’autres biens de luxe. Ainsi 92 % de ceux qui louent des produits de luxe en possèdent déjà. Surtout, la location est au service de la possession. Ainsi, en économisant sur certains biens (en les louant), on se donne plus de moyens pour obtenir d’autres biens. Car c’est bien là ce que l’on observe de plus frappant depuis 2007 : la convoitise est de plus en plus forte "... ••• Posséder du luxe : une aspiration en hausse ! Le désir de posséder s’affirme de plus en plus dans les enquêtes. Et les catégories « matérielles » telles les automobiles, les montres, les sacs à main ou les chaussures sont de plus en plus associées au luxe, une tendance positive que l’on ne retrouve pas sur les catégories « expérientielles » (hôtels, spas). Plusieurs raisons expliquent ce regain d’attractivité pour les biens matériels : " La première, c’est la dimension “anticrise" de la possession. L’achat de produits de luxe est de plus en plus perçu comme un investissement à long terme. 52 % des consommateurs dans les pays développés et 61 % dans les pays émergents définissent le luxe de cette manière. Et ce chiffre a progressé sensiblement depuis 2007. Ensuite, dans un univers instable où le sentiment dominant est celui de la fragilité et du caractère éphémère de toute chose, posséder des objets de valeur procure une forme de stabilité. D’autant que les produits de luxe expriment un savoir faire susceptible de résister à l’air du temps et de passer l’épreuve du temps. 55 % des clients dans les pays développés envisagent le luxe comme « une tradition, un savoir faire » (66 % dans les pays émergents). Là encore, le score est en nette augmentation depuis 2007. Mais la raison la plus importante du désir de posséder aujourd’hui réside sans doute dans le plaisir que l’on ressent dès lors que l’on a trouvé l’objet qui nous correspond vraiment. C’est une des évolutions majeures constatées depuis 2007. Le luxe est de plus en plus associé à l’expression « d’une personnalité, d’un style personnel. Pour 61% des personnes interrogées, se différencier demeure important et la recherche de produits exclusifs sert un idéal d’authenticité individuelle. Les posséder devient un but en soi"... •••  A la vérité, non seulement possession et expérience ne s’opposent pas, mais la possession est en soi une expérience. "Une des tendances que l’on observe aujourd’hui chez de nombreux clients du luxe est le plaisir pris à rechercher l’objet de leurs rêves. La quête du produit devient aussi importante que l’achat du produit lui-même". Derrière l’expérience de la possession, trois dimensions prédominent aujourd’hui : le besoin de s’entourer de beaux objets, la quête de souvenirs inoubliables, intemporels et la confiance en soi que confère l’acquisition d’un bien de valeur. Autant de raisons qui font de la possession une idée d’avenir…
QUE DEVIENT 
le dossier Hengdeli pour le Swatch Group ?
••• Alors que la place financière de Hong Kong semble avoir déjà ratifié la prise de participation du Swatch Group dans Hengdeli (à hauteur de 20,42 % : Business Montres du 9 juillet), on s'interroge sur place sur les autres actionnaires du groupe Hengdeli – notamment sur le possible investissement personnel d'une famille horlogère bien connue en Suisse. Un engagement [à vérifier, mais les masques financiers sont trompeurs] qui expliquerait bien, en tout cas, le curieux schéma stratégique en cours d'exécution. Apparemment, Zhang Yuping a toujours des problèmes d'emploi du temps pour "trouver le temps nécessaire de venir s'expliquer" à Bienne avec Nick Hayek, à propos du prêt personnel de 100 millions de dollars que lui a consenti le Swatch Group. Le CEO du réseau Hengdeli a des relations très haut placées dans l'appareil politico-militaire du Parti communiste chinois, ce qui le protège durablement : lui-même ancien colonel de l'Armée rouge, c'est un remarquable stratège, qui joue toujours avec quelques coups d'avance. Maintenant qu'il a réussi à entraîner le Swatch Group dans le guêpîer Hengdeli, il peut armer la deuxième mâchoire du piège : le dépeçage d'Hengdeli au profit d'un futur macro-réseau de détaillants totalement contrôlé par le pouvoir chinois. L'idée semble être de laisser le Swatch Group se débrouiller avec l'actuel réseau, hétéroclite à souhait ("à la chinoise), dont le modèle économique ne tient que par une fuite en avant dans la croissance. Désormais ce sera aux Biennois de gérer cette complexité, cette profusion de contrats multi-marques et cet enchevêtrement de partenaires locaux plus retors les uns que les autres. Problème : groupe "industriel" par nature, le Swatch Group n'a jamais eu la main très heureuse avec ses propres réseaux de boutiques. En Chine, ce sera encore plus sportif ! En revanche, la partie profitable d'Hengdeli serait démembrée au profit d'autres structures de détail comme Elegant ou Sincere – dont l'émergence de Sincere se situe dans cette perspective stratégique...  
JUSQU'OÙ PEUT
monter la cote des Rolex de collection ?
 
••• Etonnante évolution de Precious Time, fonds d'investissement en montres de collection géré par Aldredo Paramico, amateur, banquier et collectionneur, qui gère désormais 15 millions d'euros répartis en 450 montres. Contrairement aux prévisions initiales, les Rolex y sont majoritaires (38,2 %, soit 172 montres), contre 24,4 % (110) en Patek Philippe. La valorisation du fonds, qui sera désormais établi mensuellement, a été de + 3,59 % pour le premier semestre, soit une légère décélération par rapport à 2011 (+ 11,97 % pour toute l'année). La newsletter trimestrielle de Precious Time nous raconte avec esprit l'ambiance des dernières ventes aux enchères [rien qui puisse surprendre les lecteurs de Business Montres], mais, surtout, la chasse au trésor permanente d'Alfredo Paramico, qui traque les Rolex de collection quand elles sont exceptionnelles (ci-dessus) et qui "braconne" les Patek Philippe aux enchères ou en transaction privée. Ses trouvailles sont stupéfiantes : montres comme neuves, encore "environnées" de tous leurs papiers d'origine, dans des références introuvables. Cette "stratégie Rolex" devrait se poursuivre d'ici à la fin de l'année, en appui à la recherche de "montres historiques" annoncées comme des "objets de culte". Alfredo Paramico nous précise : "Les prix très élevés payés pour les montres les plus rares et les mieux conservées prouvent une fois de plus qu’aujourd’hui les montres sont considérées, au même titre que d’autres biens tangibles, comme de véritables valeurs refuge. Des biens dont l’offre sera toujours largement inférieure à la demande. Les investisseurs, les collectionneurs, les vendeurs auront toujours envie de posséder des montres rares et de qualité. Le déséquilibre notable entre l’offre et la demande continuera toujours à induire une augmentation des évaluations qui seront toujours plus élevées pour les montres de très grande qualité et/ou à l’inestimable valeur historique"...  
POURQUOI CETTE PUDEUR
du groupe Richemont sur une affaire de distribution parallèle en Russie ?
••• Récemment, Business Montres (22 juin, info n° 3) signalait un "sac d'embrouilles qui en dit long sur les coulisses du luxe". L'info provenait de Bakchich, qui n'en  prenait en compte que la dimension L'Oréal (parfums), mais on se doutait qu'elle aurait tôt ou tard des prolongations horlogères. "On retrouve dans cette enquête quelques acteurs de l'horlogerie de luxe", écrivions-nous, dont les personnes qui ont implanté le groupe Richemont (alors Vendôme) sur le marché russe du luxe. Notamment la "charmante Claudine Kawiak" (Bakchich), co-fondatrice d'Hermitage, qui en avait quitté la direction en novembre 2001, mais qui restera vice-présidente du conseil d’administration d’Hermitage jusqu'en 24 septembre 2002 et qui est restée très proche de l'actuelle présidence du groupe Richemont et de certains de ses conseillers, comme Alain Dominique Perrin. On commence à parler beaucoup du dossier Hermitage en Russie, puisque plusieurs "amis" du président Poutine sont liées à cette affaire, entre autres Malik Youyou, personnage controversé qu'on dit lié à l'ex-KGB [on ne prête qu'aux riches], qui a longtemps tenu en mains la distribution en Russie des marques de Richemont et de l'Oréal. On était alors à l'âge héroïque du luxe franco-suisse, qui faisait les premiers pas de son internationalisation (sous la houlette de Joseph Kanoui, refondateur de Cartier) et qui laissait à ses dirigeants de très larges marges [de manoeuvre, mais pas que...] personnelles dans des pays pas encore émergés. A l'époque, le luxe Vendôme voisinait sans gêne avec les cigarettes, qui était le premier métier de la famille Rupert, actionnaire du futur groupe Richemont : sur un marché aussi libéré que la Russie post-communiste, toutes les aventures économiques restaient possibles et de véritables fortunes ont été amassées en quelques années, jusqu'à ce que les gestionnaires reprennent la main sur les flibustiers du luxe. C'est tout ce folklore digne d'un polar financier que révèle l'affaire Hermitage, dont on s'attend à ce qu'elle agite encore les coulisses du luxe pendant un certain temps...  
COMMENT EXPLIQUER
les manoeuvres du groupe Richemont face à Paragon en Chine ?
••• Encore un polar financier qui met en scène le groupe Richemont face à un ses distributeurs de l'âge héroïque . Cette fois, ça se passe en Chine, mais la situation est strictement parallèle – osons le mot – à celle du cas L'Oréal en Russie [voir ci-dessus], avec des acteurs souvent identiques. Depuis des années, c'est le groupe Paragon qui opère en Chine pour Cartier, notamment pour y ouvrir les boutiques de la marque. Une situation que Cartier et le groupe Richemont voudraient bien clarifier pour retrouver la maîtrise de leur développement en Grande Chine, surtout à la veille de la passation de commandement entre Bernard Fornas, qui part en fin d'année, et Stanislas de Quercize, qui le remplacera. Cette reprise en main par Cartier n'enchante évidemment pas Antares Cheng (groupe Power King) et Daniel Chan, les dirigeants de Paragon, qui se pensaient "protégés" par leur partenariat historique avec Cartier. Un dossier qui pèse financièrement très lourd : il faudra mettre beaucoup (beaucoup !) d'argent sur la table pour indemniser les évincés, racheter les stocks et récupérer cette distribution en Chine. D'autant que Paragon est également l'opérateur chinois pour plusieurs autres marques du groupe Richemont. On imagine les tensions, très dommageables au business au moment même où les ventes en Chine d'horlogerie-joaillerie subissent un coup de frein brutal, déjà bien anticipé par Business Montres : il est facile de comprendre que toutes les boutiques du réseau Paragon vont cesser, dès maintenant, de passer commande en attendant une clarification, ce qui va entraîner une baisse du chiffre d'affaires local, à court et à moyen terme [le temps que les opérations reprennent]. Autant de signaux pas vraiment positifs adressés aux marchés, toujours attentifs à ce qui se passe dans la maison Cartier, principal pourvoyeur des profits du groupe Richemont, surtout sur un marché aussi sensible que la Chine.  
QUELLES CONSÉQUENCES
peut-on attendre de ce redimensionnement de Cartier en Chine ?
••• A court terme, une baisse inévitable du chiffre d'affaires, puisque les points de vente liés au groupe Paragon vont rapidement cesser de passer commande – avec d'autant plus d'empressement qu'ils débordent de stocks invendus pour cause de ralentissement des affaires. Alors que tout le monde, dans le luxe, multiplie les vitrines dans les villes du premier, du second et du troisième "tiers", Cartier voit son emprise sur le terrain se réduire : 12 points de vente à Hong Kong (contre 45 voici quinze ans) ou 115 en Chine contre 130 en 2010. Mécaniquement, les ventes devraient faiblir. Sur les 36 boutiques monomarques de Cartier en Chine, un peu moins des deux tiers sont entre les mains de Paragon : donnée stratégique, alors que la marque réalise à peu près 45 % de ses ventes en Grande Chine (estimation Business Montres, soit un volume d'affaires légèrement inférieur à deux milliards de CHF). Sur cette base, tout fléchissement se chiffrera en centaines de millions...  
POURQUOI LA SOLUTION
de l'affaire Paragon est-elle compliquée pour Richemont ?
••• La négociation avec Paragon est d'autant plus difficile que l'actuel CEO de Richemont, Richard Lepeu, était co-actionnaire d'Antares Cheng (groupe Power King) et Daniel Chan (les deux patrons de Paragon) dans le rachat de la marque de bijouterie  française Agatha. On peut estimer son investissement (non publié) à environ deux millions d'euros. La direction d'Agatha avait été confiée à Laurent Nebot, ancien directeur Asie-Pacifique de Cartier et par ailleurs lié familialement à Joseph Kanoui (ex-président du groupe Vendôme : voir ci-dessus notre info sur Hermitage). De son côté, Antares Cheng avait été classé parmi les "dix financiers chinois les plus malins" à la fin des années 2000 : il a déjà commencé à faire le ménage parmi les "Richemont's Boys" de son entourage. Très lié à des intérêts financiers proches du commerce "non officiel" des cigarettes en Asie, il est ainsi un des interlocuteurs des intérêts de la famille Rupert (l'actionnaire de Richemont) dans le tabac : on tourne en rond dans les mêmes cercles de businessmen ! En attendant, pris entre deux feux, Nigel Luk, le directeur de Cartier Asie, est persona non grata chez Paragon. Interrogé par nos soins à son bureau de Bellevue (Genève), Richard Lepeu n'a pas souhaité répondre à ce sujet...    
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