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CORONAPOCALYPSE (accès libre)
Papy fait de la résistance : peut-on imaginer que Baselworld ne soit pas annulé ?

Plus de rendez-vous genevois à Watches & Wonders, plus de rendez-vous Movado à Davos et plus de rendez-vous Swatch Group à Zurich : pour Baselworld, dont la résistance est héroïque, si ce n’est pas une question de jours, c’est au mieux une question de semaines. L’issue n’est-elle cependant pas inéluctable ?


L’obstination de la direction de Baselworld pour faire contre mauvaise fortune bon cœur est absolument admirable et elle témoigne de la résilience profonde de l’horlogerie suisse. Comme Papy, Baselworld fait de la résistance (ci-dessous, sans la moindre allusion politique à qui que ce soit !). C’est à la fois amusant, héroïque et pathétique ! Comme la chèvre de monsieur Seguin qui a tout fait, mais en vain, pour ne pas être mangée par le loup au petit matin, on imagine bien que le grand méchant loup coronaviral chinois finira par croquer le rendez-vous bâlois. Peut-on croire que Baselworld pourra se tenir dans deux mois, alors que Watches & Wonders aura été annulé, de même que Time to Move (Swatch Group) et le Davos Summit du groupe Movado ? Il est clair que Baselworld ne peut à son tour qu’annuler, mais sait-on jamais…

• Baselworld (1) : on peut bien sûr imaginer que l’adversité soit vaincue dans deux mois et que Baselworld ait lieu. Ce serait même formidable si cela pouvait se faire, parce qu’il faut à tout prix « sauver le soldat Baselworld », mais la fenêtre de tir pour que le salon ait lieu ne referme chaque jour un peu plus. Ce sont désormais les « grandes marques » (les piliers historiques du salon) qui s’interrogent, parfois publiquement, sur le réalisme d’un maintien du calendrier. Comme toujours, c’est Rolex qui a la clé de ce calendrier et qui lèvera ou qui baissera le pouce pour décider de la survie de Baselworld – les autres suivront. Dans tous les cas, en comptant quarante pays contaminés sur quatre continents, avec l’actuelle aggravation de la démondialisation des échanges, face à une paralysie croissante des transports internationaux et compte tenu de la terreur coronavirale qui s’installe dans les mentalités à propos de cette « mort invisible qui rôde insidieusement », l’édition 2020 de Baselworld ne sera que l’ombre d’elle-même, avec beaucoup de dépenses pour trop peu de profits et presque pas de visiteurs professionnels [gageons que les Bâlois viendraient tout de même visiter la cathédrale horlogère désertée]

• Baselworld (2) : le pire est, bien sûr, que personne – hormis une poignée de « grandes marques », n’a le moindre plan B en cas d’annulation de Baselworld (Business Montres du 26 février). Surtout pas les marques plus modestes, les jeunes pousses et les créateurs indépendants, qui n’ont pas les moyens d’aller directement à la rencontre de leurs réseaux et des grands donneurs d’ordre. Une annulation du salon serait dramatiquement sélective et darwinienne pour beaucoup de ces maisons qui portent pourtant à bout de bras l’honneur créatif de l’horlogerie suisse : les plus agiles et les plus avisées de ces marques survivront, mais une sacrée hécatombe se dessine. Sans parler de la perte de confiance dans la toute-puissance bâloise : il faudra que la proposition 2021 soit sacrément alléchante pour que ce vivier de nouvelles références retrouve demain le chemin du salon…

• Baselworld (3) : cette annulation – qui semble à ce jour devenue inévitable – débouchera forcément sur un problème économique majeur pour le groupe MCH, propriétaire de Baselworld. C’est non seulement l’édition 202à uqi est en cause, mais la survie de l’événement en 2021 et au cours des années suivantes. Il est douteux que ceux qui ont contribué à la création du problème soient les mieux placés pour en trouver la solution : il faut déjà tenter d’imaginer l’après-Baselworld [avec ou sans Bâle], ainsi que le modèle idéal de salon pour les années 2020…

• Le report de Baselworld : c’est pourquoi nous restons partisans d’un report en septembre ou octobre de l’édition 2020, qui inaugurerait un nouveau calendrier pour l’année horlogère (vécue d’un automne à l’autre, et non plus sur une année calendaire). Ce serait l’annonce qui calmerait le mieux à la fois les angoisses sanitaires et les inquiétudes professionnelles. Cette pause redonnerait espoir à la communauté horlogère, un peu assommée par les calamités de ces dernières semaines. Dans une hypothèse( pas si irréaliste que ça) d’accalmie sanitaire avant l’été, les stands construits au printemps – avant une annulation in extremis – pourraient resservir à la rentrée, Baselworld devenant [sous ce nom ou sous un autre], avec une posture d’accueil de tous les marques naufragées du printemps (exposantes ou non exposantes à Bâle) une sorte d’édition exceptionnelle de crise, un môle de résistance et un ferment d’avenir pour toute la profession. On peut toujours rêver…

• Watches & Wonders : plus que les yeux pour pleurer ! Quoique le groupe Richemont ait largement les moyens d’éponger les pertes de l’annulation du salon de Genève, ce ne sera quand même pas bon pour les comptes du groupe, sérieusement impacté en Asie. Là encore, on peut déjà se poser des questions sur l’édition 2021, personne ne pouvant la situation réelle de la haute horlogerie fin 2020, ni les attentes du marché en 2021. Comme nous l’avons déjà souligné (Business Montres du 26 février), il n’y avait pas de plan B pour les naufragés de Watches & Wonders, notamment les marques indépendantes qui se demandent comment elles vont bien pouvoir faire pour présenter leurs nouveautés sur des marchés qui restreignent de plus en plus la liberté de circulation de leurs citoyens et des étrangers. L’annulation du rendez-vous genevois sera coûteuse pour tout le monde, pénalisante pour les « grandes marques » du salon, mais dramatique, voire mortelle pour certains indépendants. Lesquels y réfléchiront à deux fois pour savoir dans quel panier mettre leurs œufs en 2021 – si toutefois ils ont encore les moyens d’exposer quoi que ce soit où que ce soit en 2021…

• Le bad guy qui avait raison : impossible de ne pas donner raison à Jean-Christophe Babin, qui avait anticipé un possible problème pour le début 2020 [il ne pensait cependant pas au virus chinois], qui avait bien joué son coup à Dubaï avant de flairer le piège bâlois et d’en retirer ses billes à temps – même si c’était en jouant un peu trop perso et pas assez collectif. Bvlgari s’en tire bien et son plan de charge pour 2020 n’est pour l’instant pas trop affecté par la crise, même si l’impact commercial est plus que sévère en Asie. Comme l’Italie est le pays européen le plus touché, ce n’est pas non plus idéal pour Bvlgari. Pour le reste de l’année et ailleurs dans le monde, on verra bien…

Balexit ou pas Balexit ? Maintenir ou annuler ? Survivre ou mourir ? Croiser les bras pour attendre que ça passe ou se décoincer les neurones pour imaginer la suite ? Il n’y a que des mauvaises solutions et toute décision aura des effets pervers, qu’elle soit prise par la direction du salon ou par les autorités suisses de la Santé. Dans ce jeu à sommes négatives, c'est encore le pronostiqueur qui est le plus certain de perdre...


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