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RÉTROVISEUR 2020 #07 (accès libre)
S’il fallait garder dix « mots » de l’horlogerie en 2020, on choisirait lesquels ? (seconde partie)

L’horlogerie aura tout de même beaucoup appris au cours de cette année pandémique qui a fortement bousculé ses idées reçues ! Que d’illusions perdues ! Que de certitudes vaporisées par le basculement des marchés en mode lock-down ! Et que de nouveaux mots pour tenter de décrire et décoder le monde d’après : en voici une dizaine (seconde partie)…


❑❑❑❑ À RELIRE

RÉTROVISEUR 2020 #06  : S’il fallait garder dix « mots » de l’horlogerie en 2020, on choisirait lesquels ? (première partie : Business Montres du 3 janvier)

❑❑❑ LISTE D’ATTENTE : c’est le grand paradoxe d’une année d’effondrement des ventes horlogères [on devrait être en moyenne dans les -25 % de décroissance], avec très peu de marques en vraie croissance [si, si, on en compte quelques-unes], une baisse d’activité conforme à la moyenne pour la plupart, mais des chutes vertigineuses – parfois définitives – pour d’autres. Le vrai chic, c’est la liste d’attente – rebaptisée « liste de souhaits » dans les boutiques Rolex, vidées de toute marchandise « vendable ». Même phénomène chez Patek Philippe, mais la demande se porte sur deux modèles (Nautilus et Aquanaut). Plus une marque a du succès, moins elle est à même de répondre à la demande des amateurs. Ce qui serait la preuve d’une inadaptation choquante des capacités de production industrielle passe ici pour un raffinement marketing particulièrement audacieux. Si tu n’as pas une montre sur liste d’attente, c’est que tu as raté ta vie de marque !

❑❑❑ SECONDE MAIN (CPO) : en anglais, ça sonne plus chic – Ci-Pi-Oh pour Certified Pre-Owned, ce qu’on appelait autrefois dédaigneusement « occase » et qui a muté plus classe en « seconde main ». Comme les amateurs avaient envie d’acheter des montres alors que les boutiques étaient fermées, mais aussi parce qu’il n’y avait plus grand-chose à se mettre sous la dent dans les boutiques en question, 2020 a vu la ruée vers les « bonnes affaires » (sic) vendues entre copains du même forum, du côté des sites de vente en ligne ou dans les salles de enchères [elles-mêmes passées en mode virtuel pendant la crise sanitaire]. Jamais on n’aura vendu davantage de « montres de collection » (re-sic) qu’en 2020 – ce qui confirme que la demande reste forte [on le vérifie également sur les réseaux de sociofinancement] dès lors que les montres sont créatives, ludiques, porteuses de sens et accessibles – c’est-à-dire un tant soit peu plus originales que l’offre mainstream des grandes marques engoncées dans leurs codes fatigués…

❑❑❑ SIMPLICITÉ : après des années de bulle, de méga-complications et de raffinements horlogers tous plus baroques les uns que les autres [n’a-t-on vu des mouvements « ceinture et bretelles », avec un remontoir d’égalité couplé à une force constante et à un dispositif fusée-chaîne parfaitement redondants], l’aspiration de la communauté des amateurs à une nouvelle sobriété est évidente. Ce n’est pas un hasard si la montre la plus demandée de 2020 – la série des vingt dernières Simplicity de Philippe Dufour, qui a connu un taux de sursouscription de l’ordre de 100 000 % (20 000 demandes pour 20 montres), alors même qu’on n’en connaissait pas le prix – n’est qu’une deux aiguilles-petite seconde d’apparence relativement anodine. Ce n’est pas un hasard si la montre la plus spéculative des montres aujourd’hui en catalogue [la Nautilus de Patek Philippe, qui se négocie qu’au triple de son prix boutique] est une « simple » trois-aiguilles date. Le minimalisme est aujourd’hui un indice de décence : c’est la preuve d’une modestie anti-ostentatoire qui tranche avec l’impératif statutaire cher aux baby-boomers. En temps de crise et par la magie de la lutte anti-corruption en Chine, l’heure n’est plus à l’étalage de son opulence, mais à la quête d’une nouvelle discrétion capable de témoigner d’une aspiration à une philosophie de l’être plutôt qu’à l’affirmation de l’avoir…

❑❑❑ RESPONSABILITÉ : l’histoire retiendra que c’est en 2020 qu’on a vu cristalliser la demande de montres plus éthiques, plus soucieuses de respecter l’environnement naturel et humain, plus clairement « responsables », voire parfaitement « circulaires » [recyclage et anti-gaspillage sont les deux mamelles de ce nouvel évangile écolo-horloger]. L’offre de ces montres a été prise en charge parallèlement par des marques d’entrée de gamme (Ice-Watch et sa Solar Power, Awake, ID Genève, etc.) autant que par des marques de luxe – notamment Breitling, mais félicitons surtout ici Patrick Pruniaux d’avoir engagé sur cette voie les manufactures horlogères du groupe Kering. On est loin du greenwashing d’hier, quand il suffisait de replanter quelques arbres pour faire oublier une supply chain particulièrement gaspilleuse de ressources naturelles et totalement désastreuse en matière d’empreinte carbone. S’il y a un terme à rajouter à l’équation du succès évoquée dans le paragraphe « Seconde main » (des montres créatives, ludiques, porteuses de sens et accessibles), c’est bien le mot « responsabilité » et il engage la marque et qui la rend (ou non) exemplaire. Dans les années 2020, l’horlogerie ne sera plus jamais irresponsable – sous peine de dégâts irréversibles pour l’image de la marque…

❑❑❑ LIBÉRATION DE LA PAROLE : pour avoir usé et abusé des réseaux sociaux, les amateurs ont pris goût à l’exercice de la parole. L’exigence de transparence aidant, la rapidité de l’accès de tous à toutes les informations a changé la relation aux marques et à la parole de leurs directions. « La parole s’est libérée », comme disent les sociologues du quotidien : le respect pour les marques, les montres et les horlogers se perd dans les médias alternatifs, mais aussi même parfois dans les médias perroquets qui se risquent à des insolences (relatives) qu’expliquent peut-être la pénurie de manne publicitaire. Sur les blogs et sur les vlogs indépendants, on se permet des coups de griffe qui auraient été impensables voici quelques années. L'indignation (vraie ou surjouée) est à la mode ! La déconstruction des idées reçues, des autorités et des institutions est un sport mental de plus en plus pratiqué. On assiste sur certaines pages (Instagram et autres) à un bashing systématique de marques dont les contempteurs semblent mieux savoir que quiconque ce qu’elles doivent faire et penser : il est vrai que ces marques n’ont pas cessé de déléguer à des influenceurs ou à des sites extérieurs des pans entiers de leur communication, sciant ainsi la branche d’autorité sur laquelle elles étaient calées. La surdigitalisation des messages horlogers a trouvé ici ses limites. Cette libération de la parole a fait sauter un barrage qui ne se refermera pas de sitôt et fait éclore une génération de très désagréables Torquemada de la montre : le pire est sans doute devant nous !

❑❑❑ LA PHRASE DE L’ANNÉE : puisqu’on parle des « mots » de l’année, il serait dommage de ne pas applaudir la sentence de l’année, celle qui restera dans nos mémoires. Nous parlons de ces paroles historiques d’Alain Berset, qui tenait lieu de « ministre » (socialiste) de la Santé au sein de l’exécutif helvétique. Quoi de plus génial que sa volonté d’« agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire » ? En moins de dix mots, la phrase résume un comportement politique on ne peut plus prudent et responsable, qui a valu à la Suisse d’être moins durement chahutée que les nations voisines par la pandémie…

LES PRÉCÉDENTES SÉQUENCES 

 RÉTROVISEUR 2020

❑❑ #06  : S’il fallait garder dix « mots » de l’horlogerie en 2020, on choisirait lesquels ? (première partie : Business Montres du 3 janvier)

❑❑ #05  : Les quatorze bons souvenirs horlogers que nous pouvons garder de cet ahurissant millésime 2020 (seconde partie : Business Montres du 2 janvier)

❑❑ #04  : Les quatorze bons souvenirs horlogers que nous pouvons garder de cet ahurissant millésime 2020 (première partie : Business Montres du 1er janvier)

❑❑ #03  : Les vingt personnalités horlogères de l’année 2020 – troisième partie (Business Montres du 23 décembre) 

❑❑ #02  : Les vingt personnalités horlogères de l’année 2020 – deuxième partie (Business Montres du 22 décembre 

❑❑ #01  : Les vingt personnalités horlogères de l’année 2020 – première partie (Business Montres du 21 décembre )


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