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TIEMPO DE RELOJES (accès libre)
« Sur Instagram, Grégory Pons s’efforce d’imposer son style d’outsider indomptable »

L’excellent magazine horloger hispanophone « Tiempo de Relojes » (Mexique) nous a récemment posé quelques questions sur l’histoire de « Business Montres », les raisons de la création d’un tel média, ses méthodes de travail – en particulier sur Instagram – et sa vision des perspectives actuelles de l’horlogerie. En première partie, la traduction libre de l’article signé par Andrés Moreno (c’est lui qui a choisi les illustrations – la peinture est de l’artiste français Olivier Carré)…


❑❑❑❑ TEXTE ORIGINAL  : extrait de Tiempo de Relojes (#115, Otoño 2020)

Craint par beaucoup, toujours écouté, Grégory Pons est, en tant que journaliste indépendant , l'une des voix les plus pertinentes dans le panorama horloger. C'est un homme qui a gagné sa réputation depuis qu'il a créé la publication Business Montres, aujourd'hui convertie en support numérique. Il se flatte d'être « le seul média dans toute l'industrie horlogère à faire payer son contenu éditorial ». Il avoue qu'il a toujours été aussi libre, depuis qu'il a commencé à travailler comme journaliste, d'abord dans la culture et la politique et, à la fin des années 90, dans le domaine de l'horlogerie. « J'ai toujours pensé que le modèle traditionnel de la presse horlogère était voué à l’échec en raison de sa dépendance à la publicité, qui consiste à vendre le média à des annonceurs plutôt qu'à des lecteurs. J'ai ainsi appris à créer mon propre territoire de travail, sans dépendre des caprices des marques. Et j'ai pu atteindre cet objectif en créant Business Montres ».

Pour lui, la liberté étant le bien le plus précieux, cette création de Business Montres s’est faite à un moment-clé dans l'industrie : « J'ai perçu qu'il y avait quelque chose de pourri dans le monde de l'information horlogère. Le lancement de Business Montres a coïncidé avec l'entrée des grands groupes de luxe dans le secteur. J'ai compris que la dépendance à la publicité ne ferait qu'augmenter ». Business Montres est né sous la forme d'une newsletter bimensuelle imprimée : « On m'a donné six mois à vivre. Heureusement, mes lecteurs se sont révélés plus intelligents que les élites de l’horlogerie, alors même que, à l'époque, le prix de l'abonnement était de 700 euros ! »

Fier de son travail d’information, Grégory Pons n'hésite pas à donner son avis incisif sur tous les acteurs du secteur. Personne n'est épargné, pas même ses collègues, mais, s'il y a bien des personnages dans le collimateur de ce journaliste, ce sont bien les managers de l'horlogerie : « J'aime les montres, mais cela ne m'oblige pas à respecter les incompétents qui dirigent les marques. Critiquer un PDG, ce n'est pas attaquer une marque, c'est dénoncer la malfaisance d'un imbécile dont les décisions mettent en danger le personnel de l’entreprise et l'existence même de la marque ». C'est ainsi que Grégory Pons comprend le rôle et la valeur du journalisme horloger : « Vous vous engagez auprès de vos lecteurs à leur donner des informations intelligentes pour le contenu qu'ils paient. Cela signifie que vous devez être pertinent et exigeant. Anticiper les faits et dénoncer ce qui ne va pas. Oser sortir de notre zone de confort pour chercher la vérité. Comment ne pas s’indigner quand la directrice des ressources humaines du groupe Richemont augmente son propre salaire augmenté de 80%, mais qu’elle supprime en même temps toutes les primes de ses employés ? » [NDLR : devant l’indignation collective soulevée par ces révélations, cette DRH a rapidement été virée]

Grégory Pons travaille à plein temps pour Business Montres. Ce média n’est disponible que par abonnement. On y publie de nombreuses informations,  on y présente plus de 600 nouveautés horlogères tous les ans, avec des analyses régulières des tendances de l’horlogerie. « Qui en fait autant », interroge-t-il ? « Business Montres a “lancé” beaucoup de marques, qui sont devenues célèbres. Nous avons également anticipé beaucoup d’évolutions. Un  exemple : entre 2012 et 2015, nous étions à peu près les seuls à prédire le danger que représentaient les montres connectées. Tout le monde rigolait ! Aujourd’hui, plus personne ne rie, alors que la marque Apple vend plus de deux fois plus de montres par an que toutes les marques de toute l'industrie suisse »…

Affuté dans ses mots, Grégory Pons a transféré sa vision critique sur sa page Instagram. Ce n'est pas un compte Instagram comme les autres. Vous n’y trouverez pas la moindre montre. « Je suis épaté par l'audace de mes collègues journalistes et blogueurs, qui publient perpétuellement les mêmes photos. C’est ahurissant. En partant du principe qu’Instagram est un réseau social stratégique, la question à se poser est de savoir ce qu’on peut faire pour y émerger avec un minimum d’originalité ». À rebrousse-poil des tendances actuelles, Grégory Pons y intervient sur la base d’images tirées du monde de la bande dessinée, de la culture pop ou des mythes contemporains. Il y intègre un message à contenu horloger (toujours en français, avec une traduction anglaise en commentaire). Ce message ajouté change complètement la signification d'origine de l’image. Il adopte ainsi, pour son propre discours, la technique du détournement déjà utilisée par les situationnistes français du siècle dernier : « Ils font partie de mon inspiration lors de la composition des collages, tout comme le surréalisme d'André Breton, les affiches de mai 1968, la propagande soviétique et maoïste, Andy Warhol, les codes urbains de Banksy et Alec Monopoly, le magazine BD Métal Hurlant, les comédies grecques classiques ou les vieux dessins de la presse quotidienne. Pour moi, l'important est que chaque dessin raconte une histoire », assure ce senior journaliste. Ses publications sur Instagram affirment un certain pouvoir du rire : « Nous pouvons rester sérieux sans nous prendre au sérieux », ajoute-t-il.

A-t-il aujourd’hui confiance dans le futur de l'horlogerie ? « Bien sûr, que nous survivrons ! L’horlogerie existe depuis quatre siècles. Les montres existaient du temps des arbalètes et elles existent toujours au temps des sabres laser. La montre est un objet magique, porteur de significations infinies pour ceux qui les portent. Je suis en revanche pessimiste pour l'industrie, qui a été absorbée par le côté obscur de la Force et chamboulée par le culte du profit. Dans les années à venir, il faut s’attendre à un phénomène de destruction massive des marques et des emplois, mais c’est le prix à payer pour que se lève une nouvelle génération d’entreprises, de marques, de montres et de passionnés d’horlogerie »…

❑❑❑ À SUIVRE ET POUR MÉMOIRE  : le texte intégral des réponses fournies à Andrés Moreno pour son interview [ces interventions recoupent largement et complètent l’article ci-dessus]


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