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Totalement bidonnée, cette histoire de sauvetage en Alaska grâce à une montre Breitling !

Il y a cinq ans, « Business Montres » levait l’incroyable histoire du faux sauvetage en Alaska dont la communication de Breitling se flattait. Tout était bidon dans cette manipulation : bienvenue au club des baratineurs ! Breitling n'a même pas eu le courage de retirer de sa communication officielle tout ce qui touchait à cette affaire et la marque n’a jamais présenté ses excuses à propos de cet incroyable bidonnage.


BREITLING : Bidonnée, cette histoire de sauvetage en Alaska ? 

C'est beau, la communication d'entreprise ! On y transforme les citrouilles en carrosses et les vessies en lanternes. En Alaska, personne ne se souvient de ce chasseur arraché à la mort grâce à sa Breitling Emergency. Mais les médias perroquets embrayent sans hésiter sur la communication de la marque...

 Même les grizzlis auraient tendance à en rigoler, mais comme ils sont en danger de disparition, ils évitent de mourir de rire ! Mais on ne sait pas s’ils se moquent plus du chasseur que des relations publiques de Breitling ou de ceux qui adorent les contes de fées horlogers. En tout cas, les équipes de SAR [Search and Rescue] d'Alaska devraient prendre des vitamines pour activer les neurones, parce qu'ils ont totalement négligé, sinon oublié de noter le moindre incident à propos de la belle histoire que nous racontent les relations publiques de Breitling, aux Etats-Unis...

 Version officielle sans la langue de bois corporate cet été, vers le 15 août, un chasseur local de grizzlis, Mark Spencer (ci-dessous, avec sa montre), aurait déclenché la balise de sa Breitling Emergency au cours d'une partie de chasse qui aurait mal tourné [rappelons que cette Breitling est un instrument de navigation de poignet, qui permet à un pilote d'émettre un signal de détresse capté et aussitôt localisé par les services d'urgence]. Il se serait alors trouvé, en danger de mort, à 190 km au nord d'Anchorage, sur les bords de la rivière Susitna. Il luttait pendant quarante-huit heures pour survivre, alors que l'antenne de son Emergency diffusait sur la fréquence internationale de détresse aéronautique (121,5 MHz) un message d'urgence. Une équipe de sauvetage aurait été en mesure de capter son signal de détresse, de localiser le chasseur, de le secourir en hélicoptère et de l'arracher à la mort : « C'est le genre de service client qui fait la réputation de Breitling », précise Thierry Prissert, président de Breitling aux Etats-Unis – un pays qui a toujours adoré le storytelling des agences de communication (source originale de l'info : Breitling USA, que nous remercions pour les images de cette page)...

 Héroïque, magnifique et beau comme de l'antique, sauf que, du côté de l'Alaska, personne ne souvient de cette épopée estivale. Bien sûr, c'était le mois d'août, les longues soirées arrosées, les moustiques déchaînés, les grizzlis énervés la nuit au fond des bois et les services d'urgence débordés. Normalement, le déclenchement d'une balise de détresse laisse des traces. L'envoi sur site d'une patrouille SAR mobilise des tonnes de paperasse administrative. Le 14 août, on découvre ainsi qu'on a arrêté un pêcheur qui n'avait pas de permis de pêche : c'est qu'on note tout, dans les moindres détails, sur les « mains courantes » des SAR. Tout, sauf cette mission au secours de Mark Spencer vers le 15 août : dans le 49e État de l'Union, où on est plutôt solidaire face à une nature impitoyablement hostile, on peut donc déclencher une balise de détresse sans inquiéter personne. On peut donc procéder à une opération SAR sans le moindre compte-rendu. Étrange, non ? En tout cas, la presse locale en fait des gorges chaudes (source : Alaska Dispatch)...

 Heureusement, l'Alaska, c'est très loin de l'Europe, où on ne compte plus le nombre de médias perroquets qui ont repris plus ou moins in extenso la communication de Breitling et de ses gourous californiens de la communication. L'Alaska, c'est même loin des Etats-Unis, où le magazine iW a relayé sans sourciller l'histoire racontée par Breitling. Pourtant, à la lecture de la presse locale, le doute est permis. Breitling Suisse doit s'en expliquer, sous peine de ridiculer sa fidèle garde rapprochée de perroquets. Business Montres se fera évidemment un plaisir de publier tout ce qui pourra disculper Breitling de ce qu'on pourrait aujourd'hui – et jusqu'à plus ample informé – qualifier de bidonnage médiatique. Péché mortel ou péché véniel d'exagération journaliste ? À suivre...


 ••• COMMENTAIRE 2017

 Il y a cinq ans, Business Montres, qui était alors en accès libre (texte original : Business Montres du 8 octobre 2012) levait le lièvre de l’incroyable histoire d’un faux sauvetage en Alaska dont la communication de Breitling se flattait. Tout était bidon dans cette manipulation : bienvenue au club des baratineurs ! À l’époque, on ne parlait pas encore de fact checking

 Dans ce premier article, nous ne faisions que nous poser la question. Très vite, la supercherie a été démontée. Quelques jours plus tard (Business Montres du 11 octobre), nous poursuivions l’enquête en la prolongeant sur les fréquences radio de cette montre Emergency [dont il faut préciser qu'elle a déjà effectivement sauvé de nombreuses vies]. Sur Forumamontres, où l'histoire sera ensuite désormais présentée comme « publi-info » [c’est encore plus accablant pour la marque], un blogueur, Blackteam 6 (expert incontesté sous pseudo), rappelait qu'il y avait un doute sur la fréquence utilisée par la balise de détresse d'une montre qui ne peut en aucun cas être utilisée hors d'un contexte aéronautique [et certainement pas pour une chasse au caribou]. Le débat était très technique et il portait sur la différence entre les 121.5 MHz de la fréquence Breitling [dont le signal serait désormais obsolète et non pris en charge par les services d'urgence] et les 406/121.5 MHz [signal repéré par satellite]. Des précisions sur les balises qui relativisaient un peu plus la consistance du storytelling de Breitling, qui avait peut-être trop fait confiance à son agence américaine de relations publiques. Comme le disait un des intervenants dans cette discussion : « Faudrait plutôt équiper les Grizzlis de Breitling Emergency pour les protéger des gros blaireaux qui ont besoin de se rassurer dans leur virilité » !

 À notre connaissance, c’est l’opération d’enfumage la plus spectaculaire et la plus éhontée jamais opérée par une grande marque d’horlogerie : pour leur plus grand plaisir, les lecteurs de Business Montres étaient aux premières loges pour le décodage de cette affaire. Le plus simple aurait tout de même été que Breitling s'explique ouvertement sur ce ratage manifeste de sa communication. Ce que la marque n’a jamais fait, en préférant adopter un profil si bas qu’il était aussi piteux que honteux. Breitling n'a même pris la peine de retirer de sa communication tout ce qui touchait à cette affaire, toujours évoqué sur le site de la marque et jamais démenti de façon officielle [nous avons même retrouvé le communiqué officiel de l’époque], de même que la marque n’a jamais présenté la moindre excuse à propos de ce bidonnage. Les médias perroquets qui avaient servilement tout gobé n’ont pas osé informer leurs lecteurs de leur naïve crédulité – mais on sait que le ridicule ne tue [sinon, quelle hécatombe chez les blogueurs !]. Pas belle, la vie des marques ?


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