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LES BELLES HISTOIRES DE L’ÉTÉ #11 (accès libre)
Un aller sans retour pour acheter moins cher des montres suisses !

Panique à Hainan, l’île paradisiaque chinoise où il se vend plus de belles montres (détaxées) que partout ailleurs dans le monde : dans le cadre des mesures anti-covid décidées par le pouvoir central chinois, pas loin de 100 000 touristes sont autoritairement confinés, sans trains ni avions pour quitter leurs hôtels de luxe et leurs fabuleux malls commerciaux…


Toute marque suisse qui se respecte dispose d’une, deux, trois – et souvent plus ! – boutiques horlogères dans un des nombreux mallscommerciaux de l’île d’Hainan, qu’on a surnommée le « Hawaï chinois » tellement les plages de sable et les cocotiers y sont paradisiaques. C’est aussi cette île méridionale chinoise de dix millions d’habitants, grande comme les deux-tiers de la France, que le régime de Xi Jinping a décidé de mettre en place [en plus d’une base navale de première importance stratégique : c’est là que sont abrités les sous-marins nucléaires chinois, histoire mieux contrôler toute la mer de Chine] un fabuleux complexe touristico-marchand, où les larges masses chinoises désormais privées de voyages à l’étranger sont incités à dépenser des fortunes en biens de luxe détaxés. On trouve sur Hainan plus de galeries commerciales que n’importe où ailleurs dans le monde [à côté, Dubaï ressemble à un désert sous-développé !], avec ce qu’il faut d’hôtels de luxe, de casinos et de lieux de plaisir pour satisfaire tout Chinois en goguette qui se respecte. 

On vous épargne les détails sur les liens étroits qui unissent autour de ce jack-pot démesuré du travel retail international les intérêts croisés des oligarques chinois, des réseaux triadiques chinois et des hiérarques du Parti communiste chinois : c’est sous leurs fourches Caudines que les opérateurs européens spécialisés ont dû passer – elles ont parfois même dû renoncer ! – pour pouvoir faire acte de présence localement, les marques horlogères se contentant d’afficher des taux de croissance particulièrement flatteurs, souvent à trois chiffres, de leurs ventes dans ces boutiques [c’est là qu’on découvre à quel point on peut brasser beaucoup en termes de vente pour des profits largement amputés par le discompte sauvage et les pots-de-vin, mais c’est une autre histoire]

Or, donc, dans le cadre de la campagne « zéro covid » mise en place par Xi Jinping, ne voilà-t-il pas qu’on a détecté sur place un cluster de plusieurs centaines de contaminations par le coronavirus. Ni une, ni deux, tous les vols au départ de Sanya, la capitale de Haidan, ont été annulés, de même que tous les trains, ce qui bloque sur l’île une petite centaine de milliers de touristes [80 000 selon l’AFP] privés de tout moyen de regagner le continent. Pour le faire, il leur faudra pouvoir produire cinq tests PCR négatifs au cours des sept derniers jours. Économie capitalo-communiste oblige, les hôtels de Sanya ont reçu l’ordre d’offrir 50 % aux touristes ainsi consignés sur l’île, où tous les lieux de divertissement prisés des Chinois, les spas, les bars karaoké, les instituts de massage et les bars « montants » ont été administrativement fermés à titre provisoire. Quelques supermarchés restent ouverts, de même que les pharmacies. Tout ceci jusqu’à nouvel ordre, sans préjuger des longues quarantaines imposées au retour sur le continent et sans compter avec le manque à gagner des flux touristiques qui ont dû se trouver annulés au départ du continent vers Haidan…

Aller sans retour pour Haidan et désormais ni aller, ni retour pour des raisons sanitaires : le commerce horloger en Chine, qui était tiré depuis quelques trimestres par ces seuls achats « touristiques » intérieurs, ne va évidemment pas mieux se porter avec de telles perturbations pandémiques, surtout dans le seul spot commercial un tant soit peu dynamique dans une Chine globalement confinée. Une Chine où les étrangers ne peuvent quasiment plus mettre les pieds sans endurer de pénibles quarantaines, mais où les Chinois eux-mêmes se voient fermement déconseiller tout voyage à l’étranger, quand leurs passeports – qu’ils sont massivement incités à rendre aux autorités – ne sont pas arbitrairement désactivés ! On va encore constater dans les prochaines performances statistiques de l’horlogerie suisse un nouveau recul des achats dans la Grande Chine – il faudra trouver un moteur de rechange pour échapper à la récession qui s’installe…

Tout ceci sans préjuger de la nature même de la demande horlogère dans une Chine qui semble de plus en plus tentée par une sorte de patriotisme économique qui voit préférer les produits chinois aux icônes d’un luxe européen désormais suspect d’américanisme honni. Lisez ce qu’on peut trouver sur la tendance « Hanfu » et sur la vague « Guochao » qui imbibent à présent les nouvelles générations chinois : c’est l’exaltation croisée des valeurs purement chinoises et le retour des objets qui portent les valeurs sino-asiatiques – donc le rejet explicite des produits issus des cultures euro-américaines. Mutation sociétale assez brutale et violente, qui ne sera certainement pas une découverte pour les lecteurs de Business Montres, qui se souviendront peut-être de notre dessin du mois de juin 2021 (ci-dessous)…

LES BELLES HISTOIRES PRÉCÉDENTES

Les liens pour les épisodes précédents sont à retrouver dans la séquence n° 10 ci-dessous... 

❑❑❑❑  #10 : « Mieux que la canicule, la « canibulle » des nouvelles petites marques prometteuses » – Business Montres du 3 août

Coordination éditoriale : Eyquem Pons



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