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DOCUMENT : Le nouvel « accord amiable » proposé au Swatch Group par la Comco

La Commission de la concurrence (Comco) devrait présenter dans quelques jours, à quelques acteurs du marché, un nouveau projet d'« accord amiable » avec le Swatch Group. Pour ouvrir le débat, autant tout mettre sur la place publique dès maintenant, comme Business Montres l'avait fait l'été dernier avec le scandaleux premier projet de texte...   ▶ En bref...❏❏❏❏ L'intégralité d'un document confidentiel... ❏❏❏❏ Le manque de transparence …


La Commission de la concurrence (Comco) devrait présenter dans quelques jours, à quelques acteurs du marché, un nouveau projet d'« accord amiable » avec le Swatch Group. Pour ouvrir le débat, autant tout mettre sur la place publique dès maintenant, comme Business Montres l'avait fait l'été dernier avec le scandaleux premier projet de texte... 

 
▶ En bref...
❏❏❏❏ L'intégralité d'un document confidentiel... ❏❏❏❏ Le manque de transparence de la Comco qui veut garder ce document secret... ❏❏❏❏ Un débat public indispensable... ❏❏❏❏ Un accord définitif à quelques détails près... ❏❏❏❏ Des dispositions légèrement plus favorables aux marques tierces... ❏❏❏❏ Des livraisons en plus grande quantité et des prix contenus... ❏❏❏❏ Un combat d'arrière-garde sur les échappements... ❏❏❏❏ Une partie de catch à quatre... ❏❏❏❏ Des discussions entre professionnels qui s'annoncent houleuses... ❏❏❏❏ La fin d'un modèle économique historiquement condamné... ❏❏❏❏ Il s'agit maintenant de lancer une nouvelle révolution industrielle pour la production des montres... ❏❏❏❏ Ci-dessous : le détournement d'une caricature de Subito...
 
 
 CATCH À QUATRE
Le nouveau projet d'accord amiable de la Comco...
 
◉◉ Le premier projet d'accord amiable entre le Swatch Group et la Comco (Commission de la concurrence) suisse était purement scandaleux tellement il consacrait un abus de position dominante : c'est pour cette raison que Business Montres en avait révélé les termes, tenus confidentiels, dès le 9 juillet dernier (Le 360° du lundi : « Ces contrats léonins que le Swatch Group veut imposer à ses clients ». Le débat public ouvert à cette occasion – Business Montres avait publié l'intégralité du document – dans la communauté horlogère comme dans la presse grand public a permis d'éviter le pire, la Comco se voyant obligée de revoir sa copie pour ses intentions de cesser ses livraisons de mouvements et d'assortiments. Comme l'année dernière, autant verser tout de suite le nouveau projet d'accord dans le débat public : les auditions de quelques acteurs du marché devraient commencer dans quelques jours, le texte que nous publions et qui a été accepté par le Swatch Group n'étant donc pas strictement définitif (à quelques détails près)...
 
◉◉ Une analyse rapide du contenu de ce projet d'« accord amiable » permet de comprendre qu'il était nécessaire d'obliger la Comco à faire pression sur le Swatch Group, qui a mis beaucoup d'eau dans son vin. Précision réglementaire : cet « accord amiable » répond aux dispositions de l'article 29 aliné 2 LCart de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartls et les restrictions à la concurrence (Loi sur les cartels, LCart ; RS 251). Sans être formellement contraignant pour le Swatch Group et ses clients, cet accord servira néanmoins de base pour gérer la production des entreprises concernées en 2014. Les auditions de la Comco au sujet de ce texte devraient se prolonger de la fin à la fin juin.
 
◉◉ Les principales dispositions de cet « accord amiable » et les modifications les plus sensibles par rapport que nous avions publié (liens ci-dessus ; voir également notre analyse stratégique : Business Montres du 16 juillet 2012) sont à méditer, en gardant à l'esprit l'axe central de notre réflexion : s'il faut saluer l'habileté de la manoeuvre stratégique opérée par Nick Hayek (qui est dans son droit d'entrepreneur le plus absolu : « Mais foutez-donc la paix au Swatch Group », Business Montres du 11 juin 2011), il faut aussi qu'une saine concurrence ne soit pas faussé par les abus de position dominante...
 
La quantité de référence pour l'aménagement futur des livraisons sera désormais la moyenne des années 2009 à 2011 (section 2 b du document ci-dessous)...
 
Les quantités livrés par le Swatch Group et la période de livraison des mouvements mécaniques et des assortiments ont été nettement relevées (section 3 B et C du document)...
 
Les quantités maximales livrées et l'obligation de livrer pour les services après-vente ont été nettement relevées (section 7 b et c)...
 
Les petites et les moyennes entreprises voient leurs intérêts préservés, le Swatch Group ayant la possibilité de leur livrer des quantités supérieures à celles de ce projet d'accord amiable (section 4 b)...
 
Nivarox n'aura plus le droit d'augmenter ses prix  de 5 à 10 % par an...
 
Les dispositions précédentes (vaseuses et oiseuses) concernant la lutte anti-contrefaçons ont disparu de ce projet d'accord...
 
 
 
 
 COMMENTAIRES
Quelques éléments d'analyse...
 
◉◉ Premières réflexions sur ce texte, en attendant le débat public qui ne va manquer de s'ouvrir après sa publication. Une première donnée générale : la Comco aménage l'agonie d'un modèle économique (celui d'un système aberrant où chacun achetait ses mouvements sur étagère dans le supermarché du Swatch Group), mais non sa survie. On espère que tout le monde a désormais compris que la partie précédente était terminée, mais on se demandera longtemps pourquoi les grands clients du Swatch Group (TAG Heuer, Cartier, Bvlgari, Tudor, Breitling et les autres) ont tellement tardé à se prémunir contre une pénurie annoncée depuis dix ans...
 
◉ D'abord, c'est aujourd'hui une partie qui se joue à quatre : le Swatch Group d'un côté, les manufactures de mouvements indépendantes, les marques et – facteur-clé, qui n'existait voici quelques années ] l'opinion publique des amateurs et des consommateurs. Avec Internet, c'est désormais le monde entier qui peut découvrir, commenter et apprécier la situation. C'est pour cette raison que nous publions ce document, que la Comco refuse de communiquer à la presse (d'où l'aspect paparazzi du document que nous révélons) et accepte tout juste de traduire de l'allemand (sa langue de travail) alors que les marques horlogères sont à 95 % romandes et francophones...
 
Également, bien prendre en compte le fait que le Swatch Group s'en tire relativement bien et que la signature de cet accord amiable lui permettra de mettre fin aux procédures en cours : la Comco valide l'intégralité de sa stratégie de pénalisation industrielle des concurrents, en différant seulement leur agonie de quelques années. D'autant que le Swatch Group aura désormais la liberté de moduler cette agonie au gré de la conjoncture, avec la possibilité [incroyable que la Comco ait laissé passer cet article] de contrôler l'arrivée de nouveaux venus sur le marché en les privant de la « protection » relative de cet accord amiable (section 2 c) : en attendant la montée en puissance des « motoristes » concurrents, c'est la fin de l'entrée sur le marché des nouvelles marques qui n'auraient pas leurs propres mouvements... On admirera au passage la pratique de la « vente forcée » (section 2 d), qui ne va pas manquer d'encourager le surstockage préventif et le marché noir. À la place de quelques marques défaillantes mais « riches » d'un quota d'allocation de mouvements, on inscrirait ce droit acquis dans le bilan et on syndiquerait les demandes de marques qui n'auraient pas cet avantage.
 
 Ensuite, la réalité brutale des chiffres s'impose : d'ici à 2021 [demain en termes industriels], ce sera le désert pour les mouvements non propriétaires. Une pénurie soviétique sans exemple dans les industries connexes ! Les étagères du supermarché Swatch Group seront vides pour les petites marques et les entrants sur le marché. L'assèchement des livraisons est encore plus drastique pour les manufactures de mouvements (Sellita, Soprod, Dubois Dépraz et les autres) : le couperet tombera en 2017, avec une disposition assez vicieuse (section 3 b) pour les entreprises qui auraient déjà amorcé leur réarmement industriel – pénalisées de l'avoir fait ! – et pour celles qui se risqueraient à créer leurs propres montres. On notera les articles 4 c, d et e, qui risquent d'accélérer encore la pénurie imposée par le Swatch Group si ses concurrents avançaient plus vite que prévu dans sa nouvelle industrialisation : on a vraiment l'impression que le marché se verrouille face à toute nouvelle concurrence imprévisible...
 
 Tout aussi important : le présent accord est beaucoup moins « léonin » que le précédent, mais il entérine de fait la position dominante de Nivarox et de ETA, qui dictent sans contrepoids leurs conditions commerciales [ce qui était déjà le cas auparavant], mais qui disposent de mesures d'évitement en cas de dégradation conjoncturelle. Que le noir ou le rouge sorte, que ce soit pair ou impair, ETA et Nivarox jouent gagnants – même contre de nouveaux concurrents ou en cas de révolution technologique. Le pot de terre, qui avait gagné la première manche contre le pot de fer après les révélations de Business Montres à l'été 2012, est plus que jamais dans une situation précaire...
 
 Enfin, un rappel utile concernant les assortiments : même s'il est amusant de ferrailler avec Nivarox à propos des spiraux et des assortiments traditionnels, c'est un combat d'arrière-garde ! De dizaines de millions de francs s'investissent actuellement pour mettre en place des filières industrielles pour les solutions traditionnelles, alors que l'avenir est aux spiraux et aux assortiments au silicium, dont le Swatch Group détient le monopole absolu (brevet co-exploité par Rolex et Patek Philippe) en toute impunité commerciale. Cette question ne préoccupe pas la Comco [qui n'a pas à y mettre son nez], mais les investissements des futurs concurrents de Nivarox seraient plus utiles sur de nouvelles technologies de production d'échappements au silicium. On notera d'ailleurs que la fin de livraisons de ces spiraux classiques est délayée jusqu'à 2025, avec beaucoup moins de brutalité que pour les mouvements ETA : même le Swatch Group ne les considère plus comme des composants stratégiques pour les concurrents...
 
◉◉ Sauf levée de boucliers et révolte inattendue de dernière minute, l'industrie horlogère va donc tourner une page importante de son histoire et refermer le premier chapitre de sa renaissance mécanique à la fin du XXe siècle. Place aux mouvements propriétaires et à l'autonomie logistique : on ne peut que s'en féliciter, sans pouvoir cependant oublier que cette verticalisation – stratégique en période de vaches grasses – peut s'avérer mortelle dans les années de vaches maigres, puisqu'elle ne fait que renchérir les prix de revient (donc, les prix de vente, déjà trop élevés) et grignoter la profitabilité. On peut d'autant moins l'oublier que, dans la grande crise du quartz, c'est cet émiettement industriel qui avait empêché l'industrie suisse de réagir à temps et c'est précisément cette atomisation de la production qui avait été combattue par Nicolas Hayek quand il avait regroupé les forces encore valides de l'horlogerie suisse dans le conglomérat ETA-Nivarox-Swatch Group. On en déduira que l'avenir n'est pas à la duplication des modèles économiques industriels du passé, mais à leur dépassement – comme l'a bien compris Nick Hayek quand il met au point l'automatisation intégrale de son Sistem51 (Swatch). L'avenir est peut-être aussi à un retour intelligent à l'électronique : il serait temps que les mouvements à quartz vivent la même révolution conceptuelle que les mouvements mécaniques, en fonctions centrales comme en fonctions additionnelles ! Est-il bien malin de laisser le monopole de ces innovations aux Japonais de Casio ou même de Seiko ?
 
 
 
 
 DOCUMENT À L'APPUI
Le nouveau projet d'accord amiable...
 
 
 
 
 
 
 
 
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