CHRONOMÉTRIE #02 (accès libre)
Et si ce vrai chronomètre était la montre de l’année (la leçon d'horlogerie de Bernhard Lederer : seconde partie) ?
Alors que l’horlogerie a fini par se satisfaire de « chronomètres » dont la précision se contente d’une dérive de dix secondes par jour, Bernhard Lederer nous propose la première montre-bracelet quasiment « sportive » et réellement inspirée par les anciens chronomètres de marine. La grande bataille de la chronométrie ultime ne fait que commencer (seconde partie)…
À RELIRE : La leçon d’horlogerie que nous a préparé Bernhard Lederer (ci-dessus) – et si ce vrai chronomètre était la montre de l’année, sinon celle de la décennie (première partie) ? (Business Montres du 7 novembre)
Autant de « premières horlogères » suffirait à mériter le titre enviable de « montre de l’année ». On est loin ici des « performances » du COSC dont se flattent tant de montres suisses. C’est qu’un chronomètre peut en cacher un autre : quel nom donner à une montre-bracelet de dix à cent fois plus précise qu’un « chronomètre » administrativement certifié par les seules tolérances de son mouvement non emboîté ? C’est là que Bernhard Lederer a dû prouver la radicalité de sa démarche et inventer, pour vérifier les performances de son chronomètre à impulsion centrale de nouveaux outils de contrôle. L’absence de « tic-tac » a exigé des instruments très particuliers pour vérifier l’isochronisme et la précision de sa montre. Quand on fait ainsi avancer l’horlogerie hors des sentiers battus de l’échappement à ancre suisse, il faut aussi trouver des solutions innovantes pour étudier et prouver la stabilité de l’amplitude. Bernhard Lederer a ainsi commencé par s’équiper d’une caméra à très haute vitesse, pour vérifier la douceur des impulsions transmises au balancier.
• Sur une machine Witschi de série, la régularité de marche du mouvement est telle qu’on ne peut lire qu’une ligne droite continue (ci-desssus), avec une précision de l’ordre de ± une seconde par jour, niveau de précision sous lequel la machine ne peut guère descendre. Bernhard Lederer a donc testé son échappement à impulsion centrale (calibre 9012) avec un dispositif ChronoTracker, qui a permis d’établir une précision encore plus fine, mais il a pu aller plus avec l’outil laser T-Bos développé spécialement par l’université de Heilbronn pour explorer le monde encore inconnu de l’hyperprécision mécanique (ci-dessous).
• Il s’agit d’utiliser un faisceau laser pour déterminer à quelle fréquence et à quelle vitesse les bras du balancier vont interrompre ce faisceau. À partir ds valeurs obtenues, chaque demi-oscillation du balancier est enregistrée et affichée graphiquement. La fréquence est calculée à partir de la quantité d’interruptions dans cette demi-oscillation.
• L’affichage dans une courbe séparée de chaque demi-oscillation permet de vérifier le comportement d’une des roues d’échappement pendant la transmission d’énergie et d’évaluer la puissance transmise par l’autre roue d’échappement.
Dans toutes les positions et sur les « bulletins de marche » ainsi obtenus, on peut ainsi vérifier que la montre affiche une régularité et une stabilité de marche à peu près sans équivalent sur le marché des chronomètres-bracelets du marché. L’isochronie semble même proche de la perfection – ce qui était le but recherché par Bernhard Lederer, qui a choisi de « révolutionner » les échappements classiques pour y parvenir. Compte tenu de la régularité du couple des deux barillets et de la « modération » énergétique opérée par les remontoirs d’égalité, cette stabilité de l’amplitude est assurée tout au long de la réserve de marche. Les résultats chronométriques sont désormais probants, vérifiés et vérifiables : en plus de l’esthétique très soignée de son mouvement, le chronomètre à impulsion centrale développé par Bernhard Lederer est un grand pas en avant dans l’histoire de la précision horlogère.
La nouvelle bataille de la chronométrie se joue désormais sous la seconde de dérive par jour, avec une isochronie lissée tout au long de la réserve de marche. Faut-il rappeler aux horlogers mécaniciens d’aujourd’hui que le chronomètre de marine de John Harrison travaillait déjà à 0,06 seconde par jour ? Bernhard Lederer vient d’atteindre le même niveau, mais cette fois avec une montre-bracelet étudiée pour notre vie quotidienne. Le « chronomètre » a cessé d’être cet objet du temps fragile qui avait été délaissé au profit des constructions à ancre suisse, estimées plus facilement « industrialisables » et plus résistantes au quotidien. Avec Bernhard Lederer, les apports à la précision et à la régularité de la marche d’un vrai chronomètre entrent dans la modernité, avec des résultats prouvés qui dépassent les prévisions et qui réclament, pour être étalonnés, des instruments de mesure bien plus précis que les outils classiques dont dispose les ateliers d’horlogerie. Moins d’une seconde par jour pendant toute la durée de la réserve de marche et un mouvement qui « ronronne » tellement son cœur bat avec une douce régularité : du jamais vu dans l’univers de la montre-bracelet à porter au quotidien…
Conscient du grand pas en avant qu’il vient d’opérer au service de la précision chronométrique, Bernhard Lederer prouve avec la construction open source de son mouvement qu’il vise à en diffuser largement les nouveaux principes « industriels ». L’ultra-précision chronométrique devient accessible à toutes les marques. Cette précision ultime et cette fiabilité stabilisée dans la durée, aussi « sportif » que soit le porter de la montre, ouvrent de nouvelles perspectives pour l’horlogerie mécanique de haut niveau.