CHRONOMÉTRIE #01 (accès libre)
Et si ce vrai chronomètre était la montre de l’année, sinon celle de la décennie (première partie) ?
Alors que l’horlogerie a fini par se satisfaire de « chronomètres » dont la précision se contente d’une dérive de dix secondes par jour, Bernhard Lederer nous propose la première montre-bracelet quasiment « sportive » et réellement inspirée par les anciens chronomètres de marine. La grande bataille de la chronométrie ultime ne fait que commencer (première partie)…
On ne va pas revenir sur les insuffisances du label COSC (Contrôle officiel suisse des chronomètres), qui peut accorder le titre envié de « chronomètre » à des montres dont la précision varie de moins quatre à plus six secondes par jour. Du temps de la marine traditionnelle, avant l’invention des signaux radio et du GPS, ces dix secondes quotidiennes d’incertitude auraient pesé lourd sur les statistiques des naufrages : dix secondes, c’est un mille marin d’erreur de longitude (1 852 m), soit treize kilomètres de dérive pour une semaine de navigation ! Une telle imprécision aurait été inacceptable. C’est pourquoi, dans le cadre de leur Longitude Act de 1714, les lords de l’Amirauté britannique avaient offert une fortune à celui qui inventerait un moyen fiable et pratique de calculer avec précision la longitude : en y parvenant grâce à son chronomètre de marine H4, qui n’affichait que quelques fractions de seconde de dérive quotidienne, John Harrison est entré dans la grande légende de l’horlogerie mécanique…
vLe problème de ces chronomètres de marine, qui étaient un des plus précieux instruments de bord, étaient leur relative fragilité, en dépit du boîtier dans lequel ils étaient confinés : toute maladresse dans leur maniement et toute atteinte à l’échappement qui fondait leur précision pouvait valoir un nombre variable de coups de fouet ! En inventant, dès le milieu du XIXe siècle, l’échappement à ancre suisse, moins fragile et plus facile à industrialiser, l’industrie des montres allait reléguer ces échappements de chronomètre au rang de spécialité respectée, mais obsolète, surtout à l’âge des montres-bracelets, installées aux poignets des sportifs dès le début du XXe siècle. Depuis John Harrison, beaucoup d’horlogers [dont Abraham Louis Breguet ou George Daniels] ont tenté de concevoir des échappements de chronomètre adaptés aux montres de poche : très peu y ont réussi, mais même George Daniels n’a pu parvenir à développer un tel échappement dans une montre-bracelet.
Il aura donc fallu attendre Bernhard Lederer (ci-dessus) pour voir apparaître dans l’univers des montres mécaniques, un vrai chronomètre-bracelet, de dimensions raisonnables (44 mm pour 12 mm d’épaisseur), doté non pas d’un, mais deux échappements de chronomètre, chacun tirant son énergie de son propre barillet, avec son propre train de rouage et son propre remontoir d’égalité. C’est pourquoi on peut considérer ce CIC (chronomètre à impulsion centrale) sinon comme la montre de la décennie, du moins comme la montre de l’année…
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique à être ainsi dotée d’un double train de rouages conçu, dès l’origine, pour obtenir des performances chronométriques proches de la perfection. Cette construction est inspirée par celle du chronomètre de marine développé par John Harrison en 1756. Chacun de ces deux trains de rouage dispose de son propre barillet, de son propre remontoir d’égalité et de sa propre roue d’échappement : Bernhard Lederer a choisi le titane pour alléger au maximum les composants de ces trains de rouage, qui auto-compensent mutuellement leurs possibles irrégularités de marche.
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique qui associe un double remontoir d’égalité à un tel double train de rouage chronométrique : chacun de ces remontoirs d’égalité travaille en alternance, pendant dix secondes, pour délivrer en douceur à sa roue d’échappement une énergie aussi régulière, stable et naturelle que possible. Ce dispositif assure un couple très régulier dans la distribution de l’énergie, qui a donc été régulée avant de parvenir à la roue d’échappement. L’impulsion transmise au balancier central est tout aussi directe, régulière et douce que possible : elle se fait sur la ligne qui relie la roue d’échappement, donc dans des conditions qui frôlent la perfection. C’était ce dont rêvait Breguet et c’est ce que George Daniels, qui travaille dans le même esprit, n’a pas eu le temps de développer pour une montre de poignet.
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique dont les deux chaînes de chronométrie ont été étudiées pour demeurer aussi insensibles que possible aux perturbations extérieures, aux chocs et aux mouvements de celui qui porte la montre : une fiabilité en toutes circonstances, très contemporaine, qui met fin à la traditionnelle fragilité de ce genre d’échappement – comme c’était le cas des chronomètres marine, soigneusement protégés dans leur coffret.
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique dont la transmission de l’énergie a été optimisée, en amont, dans chaque composant des deux trains de rouage et de deux échappements (dents des roues d’échappement, palettes, etc.), eux-mêmes développés pour travailler en douceur, en atténuant les chocs dans toutes les positions de la montre, mais en veillant à transmettre aussi régulièrement que possible [sinon aussi parfaitement que possible !] la force avec une intensité maximale. Chacun de ses composants se trouve à la meilleure place possible tout au long du train de rouage. L’énergie n’est pas gaspillée, mais préservée et surtout régularisée : les deux barillets assurent une réserve de marche confortable (environ 38 heures) pour une isochronie de longue durée.
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique dont le mouvement « ronronne » – comme on ronronne de plaisir – en garantissant cette isochronie et en assurant la précision de la marche : le classique « tic-tac » mécanique du contact entre la roue d’échappement et le balancier devient imperceptible et semble avoir été éliminé. La montre restitue par sa précision toute l’exigence de douceur et de stabilité dont son concepteur a entouré le schéma directeur de son calibre. Ce qui se traduit par une régularité de marche qui échappe aux outils classiques de contrôle de l’isochronie (Witschi et autres). Avec son chronomètre innovant et cette impulsion centrale, Bernhard Lederer a véritablement « inventé » le chronomètre de marine-bracelet et ouvert de nouvelles perspectives sur l’hyper-précision mécanique…
• C’est la première montre-bracelet dans l’histoire de l’horlogerie mécanique qui puisse, par son échappement « naturel », prétendre à la fois au titre de montre « sportive », par sa fiabilité et son endurance dans le cadre d’un porter quotidien et des aléas d’un porter contemporain [avec une remarquable régularité de marche chronométrique] et, en même temps, afficher une telle maîtrise de la régularité chronométrique dans la durée, pendant les 38 heures de la réserve de marche annoncée, qui seront bientôt poussées au-delà de cette limite.