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GENEVA WATCH DAYS 2020 (accès libre)
Il y aura quand même un mini-salon horloger à Genève au mois d’avril (voire un maxi)

Calé sur le modèle des récents LVMH Watch Days de Dubai, un regroupement de marques s’est opéré à l’initiative de Jean-Christophe Babin (Bvlgari), aux dates de l’ex-Watches & Wonders. C’est curieux, cette envie soudaine de salons horlogers, alors que tout le monde s’acharnait à les vilipender…


On peut peut-être reprocher à Jean-Christophe Babin (Bvlgari) d’avoir joué trop perso et pas assez collectif en annonçant son départ anticipé de Baselworld (voir notre Barmontres : Business Montres du 29 février – voir aussi notre indiscrétion de ce matin sur son annonce à la RTS), mais avouons qu’il a su se rattraper en prenant l’initiative d’une sorte de shadow fair en lieu et place du défunt SIHH devenu Watches & Wonders, lui aussi victime de la panique coronavirale : ce soir, au micro de la RTS, il devrait annoncer la mise en place des Geneva Watch Days 2020, sur le même modèle intimiste, exclusif, chic, décontracté et relativement accessible [en termes de coûts] que les récents LVMH Watch Days de Dubaï.

L’opération s’est montée le week-end à partir d’une intuition du CEO de Bvlgari, qui a d’autant plus besoin de se refaire en Europe que sa marque vient de passer deux mois exécrables sur les marchés asiatiques, où il avait polarisé le développement de Bvlgari. En quelques coups de téléphone amicaux, une masse critique de marques a pu être regroupée pour constituer un vrai noyau dur capable d’attirer aussi bien d’autres marques que les détaillants et des journalistes : la bonne idée était de créer un cadre opérationnel ultra-souple, où chaque marque pourrait conserver toute sa liberté de manœuvre, dans des conditions économiques laissées à la disposition de chaque direction, mais avec la volonté de frapper ensemble et collectivement un coup médiatique générateur de retombées économiques au début du printemps. Bien vu !

Diverses marques venues de différents horizons suisses (grands et petits indépendants, créateurs, marques de groupes horlogers, etc.) sont annoncées pour cet événement syncrétique, qui va permettre de mutualiser les besoins de communication des maisons concernées. Compte tenu du contexte international, il est probable que l’événement genevois sera plus européen que mondial, mais on ne peut pas exclure un relâchement des tensions coronavirales capable de faire revenir en Europe quelques donneurs d’ordre asiatiques ou américains.

La liste de ces marques est encore relativement imprécise et elle devrait s’allonger dans les jours qui suivront l’annonce de Jean-Christophe Babin. Sont pour l’instant impliquées dans l’aventure : Bvlgari, Breitling, Chopard (non confirmé), Girard-Perregaux et Ulysse Nardin pour les « grandes maisons », mais également MB&F, De Bethune, H. Moser & Cie. (non confirmé) ou Urwerk du côté des indépendants. Beaucoup de marques qui ont leurs propres boutiques à Genève devraient se rallier à cette initiative, en particulier celles du groupe Richemont [ne pas y aller serait pour elles un geste de dépit, sinon une forme d’acte hostile, voire de déclaration de guerre], mais aussi des marques privées de Baselworld par l’annulation du salon. Bizarrement, pas une marque de LVMH en dehors de Bvlgari n'est annoncée : une bouderie de Stéphane Bianchi ou une évidence qu'il n'était même pas besoin de rappeler ?

Dommage pour Jean-Christophe Babin : il n’y a pas d’hôtel Bvlgari à Genève, mais les hôtels de Genève ont essayé tellement d’annulations après la vaporisation prénatale de Watches & Wonders qu’ils disposeront de toutes les chambres nécessaires pour les invités des différentes marques, lesquelles coloniseront les palaces du bord du lac aussi bien que leurs boutiques pour accueillir tout le monde et organiser des présentations de leurs nouveautés. Un mystère subsiste : qui invitera qui pour ce qui concerne les médias horlogers [la dimension plutôt européenne de l’événement permettra de calmer les brûlures d’égo] ? Il est cependant évident qu’il y aura une « déperdition » par rapport à l’impact médiatique de Baselworld ou de l’ex-SIHH, salon qui déplaçait tout de même 1 400 journalistes invités à Genève et de nombreux réseaux internationaux de télévision. Une grande soirée des « exposants » est prévue, dans l’esprit des fêtes traditionnelles qui ouvraient le SIHH : bref, on risque d’avoir, à Genève, une sorte de SIHH soft et de Baselworld cool, avec un esprit très particulier qui sera déjà celui de l’après-coronapocalypse…

C’est peut-être là, en effet, que la proposition de Jean-Christophe Babin trouve un intérêt supplémentaire et stratégique dans l’actuel contexte de coronapocalypse : il est possible que ces Geneva Watch Days 2020 soient en train d’inventer un nouveau format de salon horloger, qui laisse chaque marque imaginer, à son initiative et dans le lieu qu’elle se choisit, son propre concept et son propre niveau de dépenses d’exposition [à chacun selon ses moyens, en limitant la « course à l’armement »], tandis qu’une nouvelle énergie horlogère est appelée à circuler dans tout le centre-ville de Genève. On peut voir ainsi se créer cette émulation tant recherchée autour des montres [ce qui était difficile avec un SIHH fermé au public] dont on déplorait l'absence dans des salons comme le SIHH, qui était une fête des marques. On mettrait en évidence tout le plaisir d’être ensemble, avec les « émotions mammifères » d’une communauté retrouvée [en admettant qu'on puisse se refaire la bise et se serrer la main], sans avoir les effets pervers et ruineux des habituels… concours de quéquettes pour cour de récréation que constituent généralement l’étalage des vanités et le tout-à-l’égo des salons horlogers de l’ancien monde. Serait-il donc possible d'avoir une réunion de famille entre amis, sans les habituelles compétitions entre les grands singes dominants d la jungle horlogère ?

Sous la pression du virus chinois, l’horlogerie a tourné la page d'un vieux monde. À Genève, le vrai luxe sera de pouvoir se retrouver et de se côtoyer pour se rassembler, tous vivants et tous heureux de l’être après la coronapocalypse. Tous animés par une nouvelle passion orientée vers la survie, mais tous différents dans l’expression de cette volonté de renaissance. Un doux rêve ? L’histoire le dira ! Merci en tout cas à Jean-Christophe Babin d’avoir tenté de fédérer les énergies pour y parvenir. Les initiés auront noté, au passage, le coup de l'âne adressé par Pierre Maudet à l'équipe de l'ex-SIHH : le conseiller genevois soutient sans états d'âme et sans barguigner cette initiative LVMH, qui est pourtant un clou supplémentaire sur le cercueil du salon Richemont et sur le projet d'animation urbaine qui était prévu cette année en centre-ville par l'équipe de Watches & Wonders...

Vous savez quoi ? Selon la tradition, vers 1823, à la Rugby School de Rugby (Angleterre), un certain William Webb Ellis aurait décidé, en plein match de football entre écoliers, de porter le ballon à la main dans les buts de l’équipe adverse. Le rugby était né. Jusqu’ici, tout le monde jouait au football dans les salons horlogers. En portant le ballon à la main dans les buts genevois, Jean-Christophe Babin vient d’inventer… le rugby !


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