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SANS FILTRE #34 (accès libre)
« Le con-cerné se reconnaît toujours »

Comme on n’a pas tous les jours l’occasion de rire un peu, profitons-en, puisque ça ne sortira pas d’ici. Depuis que Michel Audiard a immortalisé la formule, vous savez que « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». Vérification expérimentale dans l’éprouvette horlogère : non seulement, ils osent tout, mais ils ont du temps à perdre…


Regardez attentivement ces trois dessins publiés récemment par Business Montres (ci-dessous) : nos lecteurs réguliers auront reconnu trois des images mises en ligne la semaine dernière dans notre Watch Comedy Club (26 août), page satirique qui fustige – par amour, bien sûr : Castigat ridendo mores – certains comportements de nos élites horlogères contemporaines. Peu importe l’ordre dans lequel on les découvre : ils sont très explicites et parfaitement autonomes les uns par rapport aux autres. On pourrait même ajouter que leur contenu – les phrases qui légendent ces dessins – fait relativement consensus au sein de la communauté horlogère, y compris chez ceux qui pourraient se sentir visés…

Maintenant, si vous les examinez de près, avec la méfiante attention d’un psychopathe complotiste, avec la vigilance maniaque d’un délirant capable de débusquer le sens caché qu’il imagine derrière chaque mot et la diabolique logique paranoïaque qui lui fait conclure qu’il se dessine, là, derrière les personnages, dans l’ombre bruissante de ces phrases, une attaque personnelle contre sa suffisance, seriez-vous capables de comprendre autre chose que la désignation de…

• Tout « horloger en jeans et en baskets » qui aurait quelques responsabilités dans l’industrie des montres [on en compte quelques dizaines, du jeune trenta au sexa toujours vert]

• Tout manager horloger qui se prendrait aussi pour un « gourou de l’horlogerie » et qui aurait des prétentions à nous faire partager sa vision du monde et ses préconisations managériales [on en compte autant de dizaines tellement il y a en ce moment de « consultants » en pilotage stratégique au chômage]

• Tout dirigeant horloger qui parlerait fréquemment de « casser les codes » , de tourner la page d'un passé compassé et révolu, de renverser l'échiquier, de penser out of the box, de disrupter les structures vermoulues de l’industrie des montres ou d’en « repousser les frontières » – lesquelles n’ont jamais été balisées après quatre siècles et demi d'inventivité dans les beaux-arts de la montre [on ajoute ici quelques autres dizaines de cas, sinon une ou deux centaines, tellement ce discours rupturiste est à la mode]

Chacun de ceux qui entrent dans une de ces trois catégories pourrait se sentir ciblé par ces dessins. Il pourrait s’estimer diffamé et calomnié d’être aussi ouvertement désigné comme le « con qui ose tout » – et c’est d’ailleurs ce à quoi on le reconnaîtrait. En fait, on a trouvé le champion ! Croyez-le ou non, le manager concerné par la somme suractivée de ces trois dessins existe bel et bien [nous n'en avions pas conscience en publiant ces trois dessins] et il s’est désigné lui-même : chatouillé par notre scalpel satirique, il s’est reconnu avec précision dans le portrait-robot brossé par ces trois détournements. Moralité : cerné de toute part, le con se sent particulièrement con-cerné ! S’étant ainsi auto-identifié comme le « con qui ose tout », persistant et signant de s’être parfaitement reconnu, dessin par dessin, mot par mot, il s’est empressé de nous faire savoir qu’une telle association sémantico-picturale relevait du pénal et de l’autorité des tribunaux. Vindicatif, il en a même rajouté en relevant, dans d’autres séquences du Watch Comedy Club, d’autres allusions mordantes et humiliantes, quoique tout aussi évidentes, à son infortunée sottise [un mot poli pour connerie] – des flèches cruelles qui ne pouvaient viser que lui et son intouchable honorabilité…

Comme dit le même Michel Audiard, « il ne faudrait jamais quitter Montauban » (toujours dans Les Tontons Flingueurs). Parfois, les bras vous en tombent tellement certains vont chercher midi à quatorze heures. Les Français disent d’un sot qu’il n’a pas « la lumière dans toutes les pièces ». Les Allemands constatent qu’il n’a pas « toutes les tasses dans l’armoire » (Nicht alle Tassen im Schrank haben). Les Anglais préfèrent admettre qu’il a « des chauve-souris dans le beffroi » (bats in the belfry). Force est de constater que, dans l’horlogerie, quelques remuants énergumènes ont été bercés trop près du mur. Ah, zut : « remuant », « énergumène » [« possédé du démon » chez les premiers chrétiens], « berceau », « mur » – encore quatre critères à charge pour repérer le con en question et l’inciter à une nouvelle dénonciation au KGB du parti conformiste horloger ! Ah, zut, « KGB » : encore un indice supplémentaire. Nous aggravons notre cas. À la fin, c’est épuisant ! On vous laisse réfléchir là-dessus…

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les trente premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #30 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #33 « Un excellent motif d’émerveillement horloger » (Business Montres du 19 août)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #32 « Pourquoi les horlogers suisses ont-ils eu si peur de Napoléon ? » (Business Montres du 7 mai)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #31 « Désolé, mais le compte n’y est pas » (l’ahurissante inflation de nos temps d’écran : Business Montres du 10 novembre 2020) 

❑❑❑❑ SANS FILTRE #30 « Mais veulent-ils vraiment que le salon Watches & Wonders 2020 ait vraiment lieu en 2021 ? » (Business Montres du 28 octobre 2020)


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