> 

CULTURE MONTRES (accès libre)
« Le secret du succès » #1 (une recommandation publicitaire quasi-officielle pour les horlogers qui opéraient en 1943 : première partie)

« Insérer, oui – mais où quand comment » : le vocabulaire est un peu désuet, mais cet article de 1943 sur les contraintes de la publicité horlogère n’en est pas moins savoureux et, surtout, d’une remarquable actualité. Trois-quarts de siècle plus tard, l’industrie des montres aurait intérêt à se poser les mêmes questions (illustrations : quelques « annonces », comme on disait à l’époque, proposées par les marques suisses du temps de l’article)…


 Que l'annonce est le plus efficace des moyens de publicité, que le journal lui-même constitue le véhicule classique de la publicité commerciale, nous vous l'avons démontré, avec statistiques et preuves à l'appui.
Et, dans ce moment où l'annonce vous apparaît dans son ordre d'importance réelle, vous voici un peu dans la situation d'un homme à qui les avantages de la natation viennent d'être démontrés, sans qu'on lui ait encore appris à nager. Mais, pas plus que la natation ne s'enseigne par de savantes théories et sans que vous ayez expérimenté dans l'élément liquide les mouvements appris « à sec » (on n'apprend pas à nager sur un « tabouret » !), il n'existe pas non plus de recette qui vous permette de réussir à coup sûr toute sorte d'annonce. Dans chaque cas, votre annonce, par rarissimes, qui s'imposent d'un trait à l'attention et sa nature, sa forme, ses dimensions, devra répondre à des exigences dérivées elles-mêmes du produit, de l'époque et de l'annonceur en particulier. D'identiques conditions valent pour le nombre, la cadence des annonces et pour le choix des journaux. Cependant, une longue pratique fait apparaître quelques règles générales auxquelles l'annonceur peut se tenir avec sûreté. Avant toute chose, dégageons cette règle primordiale qui veut que toute publicité soit entreprise en partant du point de vue de la clientèle, donc de l'acheteur. Combien de campagnes restent infructueuses et ne représentent que de l'argent perdu, parce qu'elles ne plaident que l'intérêt du vendeur, du fournisseur, alors qu'elles ne devraient mettre en lumière crue l'avantage de l'acheteur !

••• Choix des journaux 

 Où expose-t-on sa marchandise ? Naturellement, là où elle sera remarquée des amateurs. Un magasin se trouve-t-il en pleine ville, ne pouvant atteindre que la clientèle des divers quartiers, sans ambitionner de ventes à l'extérieur, c'est aux journaux à diffusion essentiellement citadine et locale qu'il faudra passer vos annonces, à l'exclusion des feuilles du dehors. En revanche, des articles de marque n'iront pas se limiter aux organes de leur lieu de fabrication. Recherchant au loin leur champ d'expansion, ils feront un choix de journaux citadins et campagnards, de toutes les villes et régions où ils se trouvent représentés. Dans le choix de ces organes de publicité, il sera beaucoup moins question de l'importance de l'entreprise, que de son rayon d'action.

 Dans le choix que vous ferez d'un certain nombre de journaux, le tirage de chacun d'eux jouera, il va de soi, un rôle considérable. Mais, à lui seul, il ne saurait déterminer la valeur publicitaire d'un journal. Bien d'autres considérations interviennent : le prix de sa publicité, Ia qualité de cette publicité, Ia substance, les tendances politiques et confessionnelles de chaque journal ; du même coup, le pouvoir d'achat de sa clientèle et sa composition sociale, ses goûts et ses habitudes. Une marque d'autos de luxe aurait-elle l'idée de passer ses annonces à un journal exclusivement ouvrier ? La pensée vous viendrait-elle d'annoncer des tabliers de cuisine dans une gazette sportive ? Exemples un peu gros, si vous voulez, mais qui nous ramènent à la règle capitale : en établissant votre plan de campagne, commencez par vous demander si les journaux envisagés atteindront les amateurs et les acheteurs possibles de vos produits.

••• De Ia répétition et du format 

 D'un inconnu rencontré sur votre route, vous retenez chaque fois un peu plus nettement les traits et les particularités, celles du visage, de l'allure et du sportif, et en janvier de poétiques reportages sur le vêtement. Et, chaque fois que vous le croisez à nouveau, une curiosité vous vient, sinon de le connaître, du moins de savoir qui il est, quelles sont ses occupations, son milieu social. Inconsciemment, à chaque nouvelle rencontre, l'envie vous vient d'en connaître davantage. Cette constatation de la vie quotidienne vous explique pourquoi toute publicité, qui est l'art de faire connaître, a besoin d'une certaine répétition, à un certain rythme, à une certaine cadence. Pensez à tout ce qui frappe votre entendement, en une seule semaine. Combien d'impressions, d'événements, de sensations accumulées dans ce bref espace ! Comme un visage rencontré au hasard et qui finit par s'imposer à vous, une annonce regardée distraitement, Ia première fois, finit par vous paraître une vieille connaissance. Et tant de choses qui vous avaient frappé vivement, parce qu'elles entraient dans votre cycle d'intérêts, ont été chassées par une idée concurrente ! Alors, comment voudriez-vous que des indifférents, des lecteurs de journaux pris dans une masse anonyme, des gens que vos affaires n'intéressent pas, retiennent du premier coup une annonce que vous leur présentez, croyant éveiller chez eux un intérêt égal au vôtre ? À propos d'annonces et de répétition, un dicton très souvent cité – et d'une sévérité qui fait réfléchir – dit d'une annonce que, la première fois, les yeux la survolent, la deuxième, l'esprit la remarque, sans encore la lire à fond ; la troisième, on la lit sans y penser davantage ; IA quatrième fois seulement, elle commence à faire réfléchir, pour un moment ; la cinquième, vous en parlez avec un ami ; la sixième, vous songez à faire un essai et, la septième, vous achetez.

 Sans doute, et heureusement, il n’en va pas de même pour toute publicité ; heureuses les annonces, les rarissimes qui s’imposent d’un trait à l’attention et qui décident à l'achat. Mais ce sont là les exceptions qui confirment Ia règle. Pour telle annonce qui porte une offre particulièrement avantageuse et arrive exactement à son heure, il se peut fort bien que le premier moment soit le bon ; elle produit alors l'effet du torrent qui bondit subitement et se met à tarir rapidement. Cas très particulier et, pour tout dire, exceptionnel. En publicité, la répétition est un élément psychologique de toute première valeur. Elle a plus d'importance que Ia disposition, le format, le texte même. On s'est diverti longtemps du conseil donné dans les journaux :  « Annoncez, et vous attirerez l'attention ! » ; dans sa forme naïve, le conseil recelait une profonde vérité. Même ce texte, qui n'avait rien de particulièrement attrayant, a valu de grands avantages aux journaux. C'est l'histoire de la goutte d'eau qui finit par percer le granit le plus dur. Même le texte le plus banal, fréquemment répété, produit plus d'effet qu'un texte excellent trop rarement repris.

 Un fait bien établi, c'est que des annonces publiées à des intervalles trop éloignés perdent beaucoup de leur efficacité. Dans ces trop longs intervalles, que de choses se sont passées qui ont distrait l'attention du lecteur ! Et considérez encore que l'annonceur trop parcimonieux n'est pas seul à utiliser la page d'an- nonces. L'expérience démontre qu'il vaut mieux mener une campagne où le format sera d'importance moyenne et les intervalles rapprochés, qu'une série d'annonces où les espaces seront plus considérables et les inter- valles trop éloignés. Concentration avant tout... Une règle capitale de Ia tactique publicitaire. Le marchand de thé Lipton débuta dans une petite boutique, pour laquelle il lançait coup sur coup, dans les journaux londoniens, des annonces frappantes. Avec le temps, cette méthode fit du thé Lipton une marque mondiale.

 La répétition quotidienne, cette faculté que seul le journal procure à ses clients, confère à la publicité- presse le plus substantiel avantage qu'un moyen de propagande puisse offrir. Pour enfoncer le clou, il y faut aller net et ne pas attendre que l'effet du premier choc soit oublié. En un mot, battre le fer pendant qu'il est chaud. Répéter fréquemment les annonces à de courts intervalles, et introduire moins de changements dans les textes et leur disposition, c'est le moyen d'éviter le gaspillage et de courir au succès. Aujourd'hui, plus que jamais, ce sera Ia formule de toute maison qui entend se faire connaître. Grâce à elle, le moyen de publicité classique, l'annonce dans les journaux, démontrera toute son efficacité traditionnelle…

(à suivre)

 ••• TEXTE ORIGINAL : journal de la Fédération horlogère suisse (28 octobre 1943)


Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter