AVIS DE GRAND BEAU

❑❑❑❑ BENJAMIN ARABOV (Jacob & Co )

Sans tambours, ni trompettes, la maison Jacob & Co aura largement doublié son chiffre d’affaires depuis le début des années 2020 (+132 % entre 2020 et 2022), essentiellement grâce à sa dynamique horlogère – les montres représentant près de 80 % de l’activité de la marque, grâce à une politique très active de lancements de pièces marquantes, mais aussi grâce à une politique particulièrement avisée de partenariats commerciaux sur tous les continents, d’implantations de boutiques phares et de collaborations avec des institutions (Godfather), des marques (Bugatti) ou des célébrités de premier plan (Cristiano Ronaldo, Pharrell Williams, etc.). Au cœur de cette expansion spectaculaire : le passage de témoin réussi entre Jacob Arabov (le fondateur de la marque) et son fils, le sympathique Benjamin, sur les épaules duquel reposent aujourd’hui les nouvelles ambitions de la marque – elles ne sont pas minces…

❑❑❑❑ ENRICO BARBASINI & MICHEL NAVAS (Daniel Roth)

Le duo des têtes pensantes de la Fabrique du temps, bras armé horloger de la maison Louis Vuitton à Genève, a pris en charge la relance de la marque Daniel Roth dans l’univers de la haute horlogerie qui était le sien avant son rachat et son absorption par la manufacture Bvlgari. Cette renaissance de Daniel Roth ne sera sans doute pas la seule référence à mettre au crédit de ce duo, à l’avant-garde de la haute horlogerie mécanique depuis les années 2000, après un passage par les plus belles marques du marché. Au programme de cette relance, une réédition du premier tourbillon Daniel Roth, qui avait su, d’emblée, imposer au marché l’originalité esthétique de son boîtier carrément ellipsoïdal et le style mécanique innovant de son affichage décentré du temps qui passe (heures-minutes déportées et secondes étagées) : en 1988, Daniel Roth avait été un des premiers horlogers à se lancer en indépendant face aux grandes marques. En 2023, Daniel Roth reste une idée neuve sur le marché nettement plus encombré des hautes mécaniques créatives…

❑❑❑❑ RICK DE LA CROIX (The Unnamed Society, Bomberg, etc.)

Libéré par le groupe LVMH des contraintes de la distribution Hublot qu’il assurait dans la zone méso-américaine, Rick de la Croix – un des vétérans les plus attachants du microcosme horloger – a désormais le temps de se consacrer à la consolidation de sa marque fétiche Bomberg [récemment reprise en main avec beaucoup d’intelligence par son nouveau CEO, David Sanchez], mais surtout au développement du plus ambitieux et du plus singulier de ses projets – l’affirmation originale des créations de The Unnamed Society, creuset imaginatif de propositions hors normes qui vont, entre autres, de la Winchester horlogère à la panoplie de couteaux la plus extravagante du dernier siècle [un assortiment de cinquante poignards réalisés par les couteliers les plus réputés et les plus inaccessibles de cette planète, avec un prix de vente annoncé autour du million et demi]. On aura compris que Rick de la Croix est plus que jamais décidé à jouer les trouble-fêtes dans le paysage horloger un peu compassé des « jouets de garçon »…

❑❑❑❑ WONDER WEEK (rendez-vous horloger genevois 223)

Manifestement, « la mayonnaise a pris » : le rendez-vous genevois du printemps a trouvé sa place – et sa légitimité – dans le calendrier horloger, pour les marques qui y participent [elles ont le choix des espaces d’exposition, au bord du lac ou dans les autres expositions] ou pour celles qui ont choisi de ne pas y participer, mais de l’accompagner à distance pour leurs initiatives. C’est un immense progrès par rapport à l’ancienne tradition des deux salons quasi-simultanés (Bâle et Genève), même si le rendez-vous de Genève demande encore à être consolidé par la présence de nouvelles marques : on comptera cette année une grosse centaine de maisons présentes discrètement ou ostensiblement à Genève – c’est bien, mais nettement insuffisant. En tout cas, la bonne nouvelle, c’est que c’est désormais à Genève que ça se passe, et nulle part ailleurs !

AVIS DE TEMPS VARIABLE

❑❑❑❑ LES COMIQUES DE LA COLLAB (Disney, Marvel & Co, mangas, etc.)

Après des années d’ostracisme et de moqueries, les héros des comics américains font un retour remarqué sur les cadrans horlogers, à tous les niveaux de prix et dans le plus grand désordre dans la gestion des licences : on compte ainsi cette saison une grosse poignée d’apparitions de Popeye sur les cadrans – sympathique, mais un peu brouillon ! C’est la course aux familles de personnages plus ou moins célèbres de la pop-culture, à tel point qu’on frôle désormais l’overdose et que l’effet disruptif escompté se mue en tropisme dissuasif : trop, c’est trop ! Beaucoup d’appelés pour se glisser dans les chausses de Gérald Genta, qui avait inventé la formule voici trois décennies, mais vraiment pas beaucoup d’élus : n’est pas comique qui veut dans l’univers des comics…

❑❑❑❑ JEAN-DANIEL PASCHE (Fédération horlogère suisse)

Personne n’avait vraiment fêté sa récente réélection à la présidence de la FH (juin 2021), où il aura finalement passé trente années ectoplasmiques – après avoir pris la présidence en 2002. Présidence qui n’aura été marquée par aucun éclat, ni aucune avancée : pas le moindre reproche à lui faire, sinon celui de ne pas exister et de ne jamais internvenir quand il le faudrait, sa principale occupation consistant à ciseler des commentaires lénifiants et totalement décalés des statistiques horlogères foournies par les douanes suisses. Logiquement, personne n’a vraiment pleuré à l’annonce récente de son prochain départ à la fin 2023. Celui que nous avions baptisé l’« édredon exterminateur » aura donc pratiqué la transparence insipide et inodore jusqu’au terme anticipé de son mandat. Sans doute serait-il tems pour la FH suisse de se donner une vraie direction, avec un vrai « Monsieur Montre » – mieux, une « Madame Montre » ! – capable de parler haut et fort aux autorités suisses et européennes dès que les intérêts de la communauté horlogère sont en jeu. Ceci est un appel à candidatures non ectoplasmiques…

❑❑❑❑ STATISTIQUES HORLOGÈRES (exportations de montres suisses)

Ceci n’est pas sans rapport avec ce qui précède : que faut-il penser quand le niveau des exportations est en croissance régulière depuis plusieurs mois, mais que les ventes en boutique sont en régression régulière ? C’est le cas depuis l’été 2022, alors que les deux courbes coïncidaient depuis des années, celle des ventes au détail (en rouge ci-dessous) restant le plus souvent supérieure à celle des exportations en bleu ci-dessous) – merci au Sell-Out Index de Thierry Huron pour le graphique ci-dessus. Le décrochage a eu lieu en juillet 2022 : n’est-ce pas le signal manifeste du surstockage dénoncé régulièrement par Business Montres, ce décrochage n’étant que le signe avant-coureur de la tempête commerciale qui se profile avec l’essoufflement du marché chinois, la dépression du marché européen et l’instabilité grandissante du marché américain, sans parler du retour planétaire de l’inflation qui multiplie les effets pervers de transfert d’un marché à l’autre ?

AVIS DE TEMPÊTE

❑❑❑❑ BREGUET (manufacture horlogère)

Les grands anniversaires horlogers ne portent pas toujours bonheur aux marques qui les pratiquent ! Pire, ces commémorations ne font souvent que souligner l’indigence des équipes qui ont pris la succession des « grands anciens ». Témoin, cette année 2023, qui sera celle du bicentenaire de la disparition du grand Abraham Louis Breguet : pas sûr que la marque héritière de ce nom ait eu l’occasion de s’en apercevoir ou d’en prendre prétexte pour sortir de la torpeur de son encéphalogramme plat. Depuis dix ans, le chiffre d’affaires a été divisé par trois, sinon par quatre, alors que les pertes annuelles se situent désormais au même niveau que les ventes de chaque exercice. Un crève-cœur pour tous ceux qui considèrent la maison Breguet comme une des premières références de l’horlogerie suisse – ce qu’elle n’est manifestement plus, ni par les avancées horlogères dont elle ne témoigne plus, ni par le respect qu’elle porte à son propre patrimoine. De Profundis ?

❑❑❑❑ PRÉDATION HOSPITALIÈRE (rendez-vous horloger à Genève)

Les mauvaises habitudes ont hélas la vie dure : alors que le comportement choquant des profiteurs et des prédateurs bâlois a plus sûrement tué le salon Baselworld que les dérives abusives de sa direction [on se souviendra que Business Montres n’a jamais cessé de sonner le tocsin à ce sujet !], on voit les hôteliers et les restaurateurs de Genève s’enfoncer dans la même ornière, avec les mêmes pratiques détestables d’explosion du prix des chambres (multiplié par cinq), les réservations obligatoires bloquées sur une semaine et l’inflation des réservations dans les restaurants pendant la Wonder Week de la fin mars – ceci sans parler des bébés requins opportunistes de l’hospitalité privée (locations non professionnelles) et sans parler de l’imitation de ces dérives dans les propositions venues de la France voisine. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faudrait pas que le grand rendez-vous genevois succombe avant terme à cette prédation éhontée…

❑❑❑❑ GROUPE AION (bande organisée)

Voici à peu près exactement un an, nous mettions nos lecteurs en garde contre une « fabuleuse arnaque en formation » du côté de la France (Business Montres du 9 mars 2022 : plus anticipateur que prémonitoire, le dessin ci-dessous était un avertissement très clair). C’est qu’il y avait urgence : quelques personnages aussi douteux que sulfureux venaient d’entreprendre de « faire renaître l’horlogerie française » en construisant près de Marseille une manufacture capable de produire 400 000 mouvements mécaniques par an. Rien que ça ! Un an plus tard, après que bon nombre de médias perroquets se soient empressés de saluer cette initiative [nous avons la liste des « victimes » : elle n’est pas triste !], il ne reste rien de ce qu’il faut bien considérer comme une faisanderie en bande organisée, avec quelques chevaux de retour déjà bien connus de nos services et quelques escroqués qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Une jeune marque aura beaucoup de mal à s’en relever – mais qu’est-ce que l’équipe d’Hegid allait faire dans cette galère ?

LES PRÉCÉDENTS BAROMONTRES 2022

❑❑❑❑  JANVIER 2023 : Anna Beyer, Reinhard Reis ; Raynald Aeschlimann, Alexandre Labails, Pierre Maudet, Guido Terreni, Julien Tornare ; le culte du cargo, les enchères horlogères ; Nick Hayek, Klokers, Jean-Daniel Pasche(Business Montres du 31 janvier)

❑❑❑❑  DÉCEMBRE 2022 : Thomas Baillod, Quentin Carnaille, Jean-Frédéric Dufour, Marco Gabella, Georges Kern, Business Montres ; Alain Delamuraz, Specialist Watchmakers-Richemont ; Audemars Piguet, Wokidingueries (Business Montres du 31 décembre)

❑❑❑❑  NOVEMBRE 2022 : Hervé Laniez ; Yvan Arpa, Jean-Christophe Babin, Bruno Bellamich et Carlos Rosillo, Christopher Bôle, Nicolas Brunschwig, Maximilian Büsser, Claude D’Amore, Franck Declerck, Fabienne Lupo, Sylvain Pinaud, William Rohr ; Raymond Loretan, les médias perroquets ; la cryptomanie (Business Montres du 30 novembre)

❑❑❑❑  OCTOBRE 2022 : Jacob et Benjamin Arabo, Jean Arnault, le Cercle des horlogers, Rick de la Croix, Georges Kern, Alexandre Léger, Thierry Stern ; inflation créative, Watches & Wonders ; Kany West et les ambassadeurs horlogers (Business Montres du 31 octobre)

❑❑❑❑  SEPTEMBRE 2022 : Alain Ballaguy ; Jean Arnault, Alexandre Beauregard, Tim Cook, Benoît Dubuis, Dominique Renaud et Julien Tixier, Guillaume Laidet, famille Herbelin, Samuel Hoffmann, Fabienne Lupo, Éric Pirson, Pierre Salanitro ; GPHG 2022, Harry Guhl ; Nick Hayek (Business Montres du 30 septembre)

❑❑❑❑  AOÛT 2022 : Piero Superchi ; Alessandro Bogliolo, Creamy Patina, Geneva Watch Days, Pierre Lannier, Sylvain Pinaud, Timex, « Repérages » ; GPHG 2022, récession, Instagram ; boule de neige chinoise, pénurie énergétique, Richemont-Farfetch, tropisme chinois (Business Montres du 31 août) 

❑❑❑❑  JUILLET 2022 : Taras Lemeshko ; George Bamford, David Henderson-Stewart, Emmanuel Macron, Ludwig Oechslin, Romain Réa, Rexhep Rexhepi ; GPHG 2022, groupe Richemont ; spéculation horlogère, capsules et collabs (Business Montres du 31 juillet) 

❑❑❑❑  JUIN 2022 : Yvan Arpa, Johan Bizy, Emmanuel Breguet, Maximilian Büsser, Antonio Calce, Hakim el Kadiri, Andrea Furlan, Pierre Jacques, Marine Lemonnier et Miguel Rordriguez (Business Montres du 30 juin)

❑❑❑❑  MAI 2022 : Jean-Jacques Fiechter ; Manuel Emch + Alain Silberstein +  William Rohr, Patrick Getreide, Georges Kern, Jean-Marie Schaller, Marco Tedeschi ; mercato virtuel ; enfumage statistique, insécurité, macro-économie délabrée (Business Montres du 31 mai)

❑❑❑❑  AVRIL 2022 : Carlo Lamprecht ; Jean-Christophe Babin, Jean-Louis Glénat, Fawaz Gruosi, Georges Kern, Étienne Malec, Maurizio Mazzocchi, David Sanchez, Alain Silberstein, Julien Tornare ; Karl Friedrich Scheufele, poisson d’avril de Business Montres ; Fondation de la haute horlogerie, Jérôme Lambert, Catherine Rénier (Business Montres du 30 avril)

❑❑❑❑  MARS 2022 : Raynald Aeschlimann et Nick Hayek, Jean-Jacques Annaud, Maximilian Büsser, Antonio Calce et Robert Greubel, Davide Cerrato, John-Mikaël Flaux, Georges Kern, Gautier Massoneau, Hervé Schülchter ; la contrebande Ukraine-Russie, Jean-Marc Pontroué, la Wonder Week ; Jérôme Lambert (Business Montres du 31 mars)

Coordination éditoriale : Eyquem Pons