BAROMONTRES 2022 #09 (septembre)
Les faits, les hommes et les marques qui ont influencé la météo horlogère de ce mois de septembre 2022
Quinze coups de projecteur sur les grandes tendances climatologiques de l’horlogerie pour le mois de septembr 2022 – une rentrée qui restera marquée par une douceur qui ne présage rien de bon pour l’automne et l’hiver qui suivront. Notre Baromontres exclusif évalue les hautes pressions et les dépressions de la barométrie pour tout ce qui concerne l’industrie horlogère. Un bulletin météo en toute liberté et sans la moindre révérence, avec le seul souci d’apporter un peu de lumière sur ce second semestre 2022 : pour le meilleur ou pour le pire ?
❑❑❑❑ À NOS LECTEURS : de violentes cyberattaques ont tenté de nous clouer au sol pour nous condamner au silence. Qui, pour qui, pourquoi ? On vous laisse deviner ! Contre qui ? C’est évident : contre le seul média horloger qui assure tant bien que mal sa fonction de poil à gratter indépendant des pressions et des intimidations économiques. En attendant, nous avons réparé ce qui pouvait l’être, mais nous avons dû provisoirement fermer notre système d’achat à l’article, que nous sommes en train de repenser. Désolé pour les lecteurs occasionnels, mais nous avons décidé, pour compenser, de ramener à 5 francs suisses [un prix proche des 4 CHF qui était celui de chaque article] le prix de l’abonnement hebdomadaire, qui vous permet de profiter de toutes les informations pendant toute une semaine. Pour les mêmes raisons d'intrusion malveillante et pour préserver la sécurité de nos échanges, nous avons également dû suspendre provisoirement l'envoi de notre newsletter quotidienne. Ce n'est que partie remise…
IN MEMORIAM
❑❑❑❑ ALAIN BALLAGUY (ex-Hermès)
C’était un des plus sympathiques vétérans de la grande cohorte horlogère : il nous a quittés très prématurément alors que nous avions toujours son sourire, son humour et sa bonne humeur en mémoire (Business Montres du 31 août). Il était de ceux qui avaient rebâti l’horlogerie sur le marché français pour en refaire cette « machine à désirer » qu’elle est devenue…
AVIS DE GRAND BEAU
❑❑❑❑ JEAN ARNAULT (Louis Vuitton)
Le dernier fils de Bernard Arnault (l’actionnaire du groupe LVMH) est animé d’une authentique passion pour les montres, qui se vérifie dans son empressement à intégrer l’équipe horlogère de Louis Vuitton aussi bien que dans son goût personnel pour la collection de pièces qu’il achète lui-même. Sous son impulsion et avec la force de son équipe (notamment les horlogers de La Fabrique du Temps, à Genève, les montres Louis Vuitton ont su redevenir crédible, comme en témoigne la Tambour du vingtième anniversaire de la création de ce modèle (Business Montres du 13 septembre et Business Montres du 14 septembre). Si sympathique, si jeune et déjà si connaisseur, que de promesses pour cette marque…
❑❑❑❑ ALEXANDRE BEAUREGARD (Beauregard)
Il fallait un certain talent pour parvenir à inviter l’horlogerie-joaillerie québécoise au grand banquet des montres suisses, mais Alexandre Beauregard n’a pas hésité : si la maison Beauregard a l’accent des Canadiens qui ont le courage de parler encore français [un exemple à suivre pour les franglicheurs suisses], elle n’en est pas moins genevoise par son impératif de bienfacture et les subtilités de son marketing. C’était une des révélations des derniers Geneva Watch Days(Business Montres du 5 septembre et Business Montres du 9 septembre). Cette précieuse petite musique venue de la lointaine « Belle province » est particulièrement bienvenue…
❑❑❑❑ FRÉDÉRIC BONDOUX (Grand Seiko Europe)
Il a si longtemps managé Omega et Longines sur le marché français qu’on avait pu oublier que Frédéric Boudoux était un vrai amateur de montres en même temps qu’un excellent connaisseur de l’horlogerie et un efficace manager : le groupe Seiko ne s’y est pas trompé en lui confiant la responsabilité grande-européenne de Grand Seiko, avec un « empire » qui court du cap Nord à Gibraltar et de Brest aux marches de la Russie poutinienne – ceci en passant par la place Vendôme où il tient boutique. Comme les collections Grand Seiko semblent de plus en plus appréciées par les amateurs européens, l’aventure ne fait que commencer…
❑❑❑❑ TIM COOK (Apple)
Non content d’avoir écrasé ses concurrents sur le terrain de la santé carpo-connectée, où son Apple Watch est désormais une référence quasiment médicalisée, Tim Cook, le patron d’Apple, s’attaque à présent au marché de l’activité : son Apple Watch Ultra est une des montres connectées les plus persuasives dans un secteur jusqu’ici outrageusement dominé par Garmin (Business Montres du 9 septembre et Business Montres du 10 septembre). C’est un nouveau clou sur le cercueil d’une horlogerie suisse en apesanteur, qui risque d’avoir de plus en plus de mal à se trouver une légitimité convaincante dans les activités de plein air…
❑❑❑❑ BENOÎT DUBUIS, DOMINIQUE RENAUD & JULIEN TIXIER (DRT)
À eux trois, avec leur seule pièce unique Tempus Fugit, ils ont réussi à marquer d’une pierre blanche non seulement cette rentrée 2022 [on espère que le GPHG ne passera pas à côté !], mais aussi l’année 2022 toute entière, probablement aussi la décennie 2020 et peut-être même le premier quart de ce siècle horloger (Business Montres x Atlantico du 16 septembre). Cette montre révolutionnaire réussit pour la première la fusion des biotechnologies et des hautes mécaniques, en proposant, sous le prétexte d’un « quantième séculaire » capable d’afficher le calendrier quotidien pendant des dizaines de millénaires, une « réserve de vie personnelle » – du jamais vu dans l’horlogerie traditionnelle. Même si la Tempus Fugit, qui a vu les plus hautes autorités scientifiques suisses se pencher sur son berceau mécanique, reste une pièce unique sans descendance horlogère, l’ingéniosité méchanicienne de cette équipe a de quoi époustoufler (Business Montres y reviendra ultérieurement)…
❑❑❑❑ GUILLAUME LAIDET (Vulcain, Excelsior Park, Nivada Grenchen)
L’ex-créateur de la sympathique jeune marque William L a trouvé sa vocation : le voici réanimateur d’icônes horlogères. De même qu’il avait tiré Nivada Grenchen d’une longue hibernation, le voici qui se penche sur la relance de Vulcain et d’Excelsior Park et qui y applique les mêmes recettes que pour les réanimations précédentes : fidélité intégrale au legs historique de la marque, mais réédition modernisée dans un esprit cool et à des prix décents. Le tout avec des séries courtes et une virtuosité prouvée dans la manipulation des réseaux sociaux où une communauté énamourée préempte ces re-créations dans les minutes qui suivent l’ouverture de leur vente. Dans le rôle du pompier-réanimateur de service, l’excellent Guillaume Laidet [dont l’expérience horlogère est assise par une première carrière dans les grandes marques] est une référence sur laquelle on peut compter dans les années à venir...
❑❑❑❑ FAMILLE HERBELIN (Herbelin)
La maison Herbelin, qui a perdu son « Michel » en entrant dans les années 2020, entend bien consolider sa place d’actuel leader de l’horlogerie tricolore, avec des ambitions clairement affichées, des collections restylées au scalpel avec une intelligence certaine du produit et une nouvelle boutique parisienne au cœur de Saint-Germain-des-Prés (Business Montres du 25 septembre et Business Montres x Atlantico du 30 septembre). Il faut féliciter cette famille, aux commandes depuis trois-quarts de siècle, d’avoir su rester indépendante et on ne peut que lui souhaiter de maintenir cet « esprit familial » maintenant qu’elle a uvert son capital pour réussir sa transition…
❑❑❑❑ SAMUEL HOFFMANN (Hautlence)
C’est le Wonder Boy de la nouvelle génération des créateurs de belles montres, celle des trentas qui secouent le cocotier horloger et dont remarque déjà que la valeur n’attend pas le nombre des années. Samuel Hoffmann avait certes de qui tenir et il a la chance d’évoluer sous l’ombrelle d’un groupe H. Moser & Cie. dont le parcours impressionne, mais la manière dont il vient de ressusciter Hautlence est magistrale (Business Montres du 5 septembre, Business Montres du 15 septembre et (Business Montres x Atlantico du 16 septembre), sans la moindre faute côté produits, marketing et communication. On en redemande !
❑❑❑❑ FABIENNE LUPO (Re-Luxury)
L’ancienne directrice du SIHH s’est reconvertie dans le responsable, le circulaire et l’éthique – bref dans cette nouvelle morale sociétale qu’on nous dit devoir imbiber dans un très proche avenir toutes les industries du luxe. La voici donc lancée dans l’organisation d’un premier salon Re-Luxury qui va regrouper, à Genève, en novembre, différents acteurs de ce nouveau « luxe de seconde main », notamment les plateformes commerciales qui sont en train de remplacer les grandes marques dans la structuration du marché (Business Montres du 29 septembre). Quelques-unes de ces marques ont compris le message et commencent à inscrire ces préoccupations. La seconde main a trouvé sa prophétesse…
❑❑❑❑ ÉRIC PIRSON (Tudor)
Le parcours récent de la manufacture Tudor (groupe Rolex) s’avère impeccable, sans peur et sans reproche, sans faiblesse et sans la moindre erreur dans la stratégie produits comme dans les orientations marketing (Business Montres du 3 septembre et Business Montres x Atlantico du 10 septembre). Particulièrement réussie et emblématique de ce qu’est aujourd’hui l’esprit Tudor, la nouvelle Pelagos 39 a tout pour plaire et pour s’imposer comme une des montres de l’année. Avec de telles propositions, personne ne s’étonnera plus de voir Tudor avancer plus vite que tous les concurrents, qui perdent aujourd’hui leurs parts de marché et qui n’ont plus d’alternative que d’emboîter le pas à Tudor pour résister. Tous ceux qui rêvaient d’aller chatouiller l’entrée de gamme Rolex se heurtent à présent à une offre Tudor qui protège parfaitement sa « grande sœur »…
❑❑❑❑ PIERRE SALANITRO (Salanitro SA)
C’était la consolidation la plus spectaculaire de cette rentrée : Pierre Sananitro a su convaincre Thierry Stern de faire prendre à Patek Philippe une part significative du capital de Salanitro SA, qui est aujourd’hui le premier atelier de joaillerie en Suisse et le plus créatif des créateurs d’horlogerie joaillière de cette planète (Business Montres du 13 septembre et Business Montres du 14 septembre). Au contraire des pratiques ravageuses de tant de groupes de luxe, ce rapprochement est un bon exemple de sauvegarde d’un « esprit familial » par une entreprise familiale soucieuse de son indépendance comme de la sécurisation de ses approvisionnements. On aura compris, au passage, que la haute joaillerie occupe aujourd’hui le rôle de pivot stratégique des industries du luxe qui était jusqu’ici l’apanage de l’horlogerie…
AVIS DE TEMPS VARIABLE
❑❑❑❑ GRAND PRIX D’HORLOGERIE DE GENÈVE (GPHG)
Les années se suivent et se ressemblent, le GPHG semblant incapable de s’extraire de son ornière : on y voit sempiternellement présélectionnées les mêmes marques, quand ce ne sont pas les mêmes montres à peine revues et corrigées selon les millésimes. De quoi décourager les dizaines de nouvelles marques indépendantes qui s’inscrivent, avec de moins en moins de chances d’être distinguées par une direction du GPHG qui n’aime que les grandes marques – même si celles-ci n’aiment pas et méprisent le GPHG (dernier épisode de nos analyses, avec les liens pour les épisodes précédents : Business Montres du 11 septembre). Il sera quand même temps de se préoccuper des évolutions d’un Grand Prix qui reste stratégique pour toute l’industrie des montres…
❑❑❑❑ HARRY GUHL (Aegler/Czapek)
Curieuse évolution de l’ex-président du conseil d’administration (aujourd’hui démissionnaire, mais semble-t-il toujours actionnaire) de la marque Czapek, qui a lancé, en parallèle, la nouvelle marque Aegler (Business Montres du 5 septembre et Business Montres du 7 septembre), avec un positionnement parallèle mais strictement symétrique à celui de Czapek (pour le prix comme pour le marketing), des montres au design repensé en miroir face à celles de Czapek et un motoriste (Chronode) qui n’est autre – c’est sans doute un hasard – que le motoriste de Czapek. Ce comportement de l’actionnaire est d’autant plus étonnant que la maison Czapek semblait récemment lancée sur une orbite de succès auprès des collectionneurs et parée pour une croissance explosive dans les années à venir…
AVIS DE TEMPÊTE
❑❑❑❑ NICK HAYEK (Swatch Group)
Encore Nick Hayek, qui a décidément un abonnement dans les « avis de tempête » de notre Baromontres [classement apparemment approuvé par les analystes financiers, qui chahutent l’action du Swatch Group à la Bourse : on frôlait les 500 CHF à l’été 2018, pour à peine plus de 220 CHF ces jours-ci] et à qui nous concédons volontiers le rond de serviette qu’on réserve aux vieux habitués des pensions de famille. Le CEO du groupe n’en a pas fait plus – ni, hélas ! moins – en septembre, mois qui a vu échouer Nick Hayek devant la justice neuchâteloise à faire reconnaître ses droits face aux « corrompus » qu’il accusait de l’avoir volé : une affaire qui éclaire de façon inquiétante les défauts criants dans la gouvernance du groupe et l’aberration de certaines décisions de sa direction (premier épisode de notre série « Titanick » : Business Montres du 4 septembre). Ce n’est pas fini : nous en reparlerons dans les prochains épisodes de cette série « Titanick »…
LES PRÉCÉDENTS BAROMONTRES
❑❑❑❑ AOÛT 2022 : Piero Superchi ; Alessandro Bogliolo, Creamy Patina, Geneva Watch Days, Pierre Lannier, Sylvain Pinaud, Timex, « Repérages » ; GPHG 2022, récession, Instagram ; boule de neige chinoise, pénurie énergétique, Richemont-Farfetch, tropisme chinois (Business Montres du 31 août)
❑❑❑❑ JUILLET 2022 : Taras Lemeshko ; George Bamford, David Henderson-Stewart, Emmanuel Macron, Ludwig Oechslin, Romain Réa, Rexhep Rexhepi ; GPHG 2022, groupe Richemont ; spéculation horlogère, capsules et collabs (Business Montres du 31 juillet)
❑❑❑❑ JUIN 2022 : Yvan Arpa, Johan Bizy, Emmanuel Breguet, Maximilian Büsser, Antonio Calce, Hakim el Kadiri, Andrea Furlan, Pierre Jacques, Marine Lemonnier et Miguel Rordriguez (Business Montres du 30 juin)
❑❑❑❑ MAI 2022 : Jean-Jacques Fiechter ; Manuel Emch + Alain Silberstein + William Rohr, Patrick Getreide, Georges Kern, Jean-Marie Schaller, Marco Tedeschi ; mercato virtuel ; enfumage statistique, insécurité, macro-économie délabrée (Business Montres du 31 mai)
❑❑❑❑ AVRIL 2022 : Carlo Lamprecht ; Jean-Christophe Babin, Jean-Louis Glénat, Fawaz Gruosi, Georges Kern, Étienne Malec, Maurizio Mazzocchi, David Sanchez, Alain Silberstein, Julien Tornare ; Karl Friedrich Scheufele, poisson d’avril de Business Montres ; Fondation de la haute horlogerie, Jérôme Lambert, Catherine Rénier (Business Montres du 30 avril)
❑❑❑❑ MARS 2022 : Raynald Aeschlimann et Nick Hayek, Jean-Jacques Annaud, Maximilian Büsser, Antonio Calce et Robert Greubel, Davide Cerrato, John-Mikaël Flaux, Georges Kern, Gautier Massoneau, Hervé Schülchter ; la contrebande Ukraine-Russie, Jean-Marc Pontroué, la Wonder Week ; Jérôme Lambert (Business Montres du 31 mars)
❑❑❑❑ FÉVRIER 2022 : Jean-Claude Biver, Marco Borraccino, David Chaumet, Claudio d’Amore, Alain Marhic, Patrick Pruniaux, François Servanin ; ras le sport chic !, Wonder Week Genève 2022 ; les enchères bizarres (Business Montres du 28 février )
❑❑❑❑ JANVIER 2022 : Giovanni Zavota ; Jean-Christophe Babin, Stéphane Bianchi, Antonio Calce, Thierry Huron, indépendants français, Julien Tornare ; Davide Cerrato, Patrick Pruniaux, salons horlogers du printemps 2022 ; François-Henri Pinault (Business Montres du 1er février)
❑❑❑❑ DÉCEMBRE 2021 : Monty Shadow, Christian Pfeiffer-Belli ; Aurel Bacs, Claudio d’Amore, Maurizio Mazzocchi, Carlos Rosillo, Thierry Stern, Astrid Wendlandt ; André Grossmann, Jérôme Lambert (Business Montres du 3 janvier)
Coordination éditoriale : Eyquem Pons