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GENEVA WATCH DAYS 2022 #1
Les plus et les moins de cette troisième édition de notre rentrée des classes horlogère

Comme les coquillages sur leur rocher, il s’agissait de filtrer, heure après heure, pendant une semaine, ce que la grande marée horlogère du début septembre apportait comme éléments nutritifs. Maintenant que l'heure du reflux a sonné, que la tente a été démonté sur les bords du lac et qu’on a remis les lits en place dans les suites des palaces, le temps du premier bilan est arrivé : comme toujours en pareil cas, il sera à la fois injuste et pertinent, avec des oublis dont nous nous excusons par avance et des choix que nous assumons…


Quatre jours de folies horlogères, six en comptant les petits malins qui ont opéré dès dimanche et les rendez-vous en queue de comète du vendredi, soit un total approximatif de 48 marques rencontrées et d’environ 240 montres examinées de près et passées au poignet. À défaut d’être exhaustif, c’est un échantillon suffidsant pour se donner un avant-goût de ce que sera cette fin d’année 2022. Avec une remarque préliminaire de portée générale : jamais on n’avait vu un tel engouement pour des montres neuves qu’au cours de cette rentrée, où tout s’est mieux que bien vendu à tous les prix [on ne parle pas ici des montres spéculatives, mais bien des pièces neuves], alors qu’on n’avait jamais vu autant de sombres et inquiétants nuages à l’horizon [on parle bien ici des crises géopolitiques, énergétiques, économiques et civilisationnelles qui sont ouvertement ou subrepticement à l’œuvre]. D’où cette sensation, parfois délicieuse, de danser sur un volcan et de murmurer, comme la duchesse du Barry en montant sur l’échafaud, le 8 décembre 1793, « encore un moment, Monsieur le bourreau, encore un moment ! » (c’est du moins ce que nous raconte Dostoïevski dans L’Idiot). Pour mener cette danse sur le volcan, nous avons repéré une douzaine de félicitations à décerner – on verra les condamnations plus tard si nous en avons le courage…

❑❑❑ Les montres les plus excitantes de cette session genevoise étaient, comme d’habitude, non pas sur les plateaux de présentation, mais dans les poches des managers, histoire de nous promettre un dernier semestre 2022 très chargé en électricité créative – à défaut de l’être en électricité dans nos compteurs domestiques. C’est la loi du genre, les perturbations des chaînes logistiques expliquant beaucoup de retards dans la production. On se consolera en pensant que, pour l’horlogerie comme dans les histoires d’amour, c’est l’attente qui est le meilleur moment… 

❑❑❑ La plus exubérante des marques, dans la démesure superlative de son offre (tant mécanique qu’esthétique) et dans l’audace de ses nouveautés, exprimée sans la moindre vergogne morale alors que des centaines de millions d’habitants de cette planète – sinon des milliards – s’interrogent sur l’hiver qui vient, ses coupures électriques et ses pénuries alimentaires : la manufacture Jacob & Co, qui n’a peur de rien – et surtout pas de la stigmatisation des « riches » qui constitue son inépuisable fonds de clientèle. À ce point d’extravagance quintessentielle, chapeau bas (ci-dessous : la montre musicale du Parrain pour les parrains) !

❑❑❑ La plus japonisée des marques horlogères de cette rentrée était – paradoxalement – italienne de cœur (Roma), française de peau (LVMH) et suisse de raison (Neuchâtel) : nous parlons de Bvlgari, qui présentait simultanément deux nouveautés inspirées par des créateurs japonais : une Octo Finissimo revue et corrigée par Kazuyo Sejima et une Aliuminium restylée par l’artiste Sorayama…

❑❑❑ La plus démonstrative des nouveautés de ces GWD 2022 : la GMT Balancier Convexe présenté par Greubel Forsey, avec sa Terre sphérique en majesté, son balancier monumental subtilement incliné et son architecture tridimensionnelle. Un exercice horloger d’allure futuriste, mais qui n’en est pas moins un hommage appuyé à la tradition horlogère des objets du temps qui défient les siècles : ici, en 423 composants er en affichant vingt-quatre fuseaux horaires, Greubel Forsey enjambe plusieurs millénaires avec une précision isométrique sans équivalent dans l’horlogerie contemporaine. Une opération menée à grands guides par un Antonio Calce au mieux de sa forme… et au mieux des promesses faites et tenues depuis deux ans…

❑❑❑ La plus superbe montre joaillière était signée Arnodl & Son et elle n’était pas forcément féminine : bien malin qui peut affirmer que cette Luna Magna Ultimate II est une montre pour homme ou une picèe féminine [on est quand dans les 44 mm de diamètre]. Les couleurs elles-mêmes – la clarté glauque des tourmalines Paraïba de la lune sphérique ou les cristaux de ruthnium du cadran – sont dé-genrées, alors que la discrétion de la lunette sertie de 112 diamants baguette n’a pas davantage précise sur le genre de la montre. Tant mieux, l’émotion n’en est que plus intense (ci-dessus : présentation Business Montres du 29 août)…

❑❑❑ La montre la plus intéressante de cette rentrée n’était pas présentée dans le périmètre officiel des GWD : il s’agit de la nouvelle Pelagos 39 de Tudor, un chef-d’œuvre de pertinence commerciale et de réussite horlogère, présenté en douce à quelques personnes dans les locaux genevois de Tudor, avec un arrosage médiatique planétaire en début de semaine [là, c’est un autre chef-d’œuvre de marketing d’embuscade]. Un montre en titane qui en donne pour son argent…

❑❑❑ La plus intelligente réédition de la semaine était une « plongeuse » militaire de légende, suisse de surcroît : la nouvelle Doxa Army – rarissime pièce de collection en version « forces spéciales » d’époque – est à présent proposée au grand public, à une prix très opportunément agressif (autour des 2 000 CHF selon les versions) – ce qui prouve que Jan Edöcs, le CEO de Doxa, a tout compris des nouvelles conditions du marché, à savoir celles que Business Montrestente d’expliquer depuis des années : il nous faut des montres créatives, ludiques, sémaphoriques (porteuses de sens) et accessibles…

❑❑❑ La plus visuellement bluffante des nouveautés de ce début septembre était à trouver du côté de chez HYT : la Hunter White Neon (hélas, pas encore de photo officielle, juste la prise de note visuelle ci-dessus) brillait de mille feux radicalement superluminovés, avec son architecture époustouflante, ses raffinements esthétiques pointilleux, ses volumes parfaitement portables et son allure à l’extrême pointe de l’avant-garde. De quoi nous faire oublier les chapitres précédents de l’histoire HYT…

❑❑❑ La marque la plus inattendue ne faisait pas partie de la liste « officielle » : la maison Aegler a fait sa première apparition (discrète) dans un palace, avec une offre plutôt consistante, bien placée au bon prix et sur les bpns fondamentaux marketing, bref de quoi craquer sans hésiter – sauf qu’il se trouve qu’il y a déjà, sur ce créneau précis, une marque (Czapek) positionné sur les marques fondamentaux et sauf qu’on a pu établir (Business Montres du 30 août) que Czapek et Aegler avaient à peu près le même actionnaire de référence, le même designer et le même motoriste ! Ce qui laisse perplexe…

❑❑❑ La plus belle « nouvelle gueule » du grand cirque horloger de cette rentrée : Samuel Hoffmann, 31 ans (ci-dessus), nouveau patron de la Hautlence, qui vient d’être relancée par groupe H. Moser & Cie. En découvrant sa nouvelle collection, on a pu vérifier qu’il n’avait pas seulement une « belle gueule », mais aussi une tête bien faite et bien pleine pour affronter les tempêtes horlogères de ces prochaines années…

❑❑❑ La plus efficace super-girl de ce rendez-vous genevois : Catherine Éberlé-Devaux, la directrice de la communication des montres Bvlgari, véritable cheville ouvrière (avec quelques copines d’autres marques) de ces GWD, qu’elle a su porter à bout de bras depuis quelques mois sans pour autant négliger sa mission au service de Bvlgari. Quand la classe, l’intelligence et la beauté se conjuguent à l’efficacité, c’est trop mortel, comme disent les générations milléniales…

❑❑❑ La vraie « papesse » de cette troisième édition, la dea ex machina comme auraient dit les Latins : Marine Lemonnier (ci-dessous, au centre, entre deux Jacob's girls), ceci tant par le nombre de marques et d’événements dont elle a brillamment géré les relations publiques (Jacob & Co., Doxa, Maurice Lacroix, Byrne, Bianchet, Horopedia et d’autres) que par le renfort dynamique qu’elle a pu apporter aux organisateurs de l’événement. Sans parler de son soutien préparatoire, pendant ces GWD de rentrée, à ce qui se passera bientôt du côté de chez Christie’s, de chez Ralph Lauren ou du Grand Prix d’Horlogerie de Genève – un feu d’artifices impressionnant !

 

Coordination éditoriale : Eyquem Pons


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