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MONTRES CULTES : Une lecture pieuse pour vénérer entre initiés quelques objets privilégiés

Quand une montre devient-elle « culte » et pour quel public ? L'horlogerie adore les icônes et cultive à l'envie ses grands mythes. Comme dans les cités antiques, on y pratique un culte différent à chaque carrefour et on y sacrifie à tous les dieux. Pour n'oublier personne, Rome avait même inventé un autel au « dieu inconnu ». À quand la montre-culte inconnue ? ▶▶▶ THIERRY GASQUEZ & EMMANUEL LACROIXUn voyage horloger à …


Quand une montre devient-elle « culte » et pour quel public ? L'horlogerie adore les icônes et cultive à l'envie ses grands mythes. Comme dans les cités antiques, on y pratique un culte différent à chaque carrefour et on y sacrifie à tous les dieux. Pour n'oublier personne, Rome avait même inventé un autel au « dieu inconnu ». À quand la montre-culte inconnue ?

 THIERRY GASQUEZ & EMMANUEL LACROIX
Un voyage horloger à travers « 100 montres Cultes »...
 
◉◉ ÉVIDEMMENT, QUAND ON VOUS ANNONCE « les 100 montres les plus extraordinaires » et les « icônes horlogères les plus incontestables », on est poussé à la méfiance tellement l'hyperbole de la communication corporate a érigé le scepticisme en défense immunitaire.  La collection des « 100 cultes » mélange habilement les objets anciens, les séries d’exception et les grands incontournables : les livres retracent la fabuleuse histoire d’objets ou produits du quotidien tels que les voitures, les bateaux, les vins, les whiskies. Ici, ce sera un culte rendu plus spécialement à l’univers des montres bracelet contemporaines, considérées comme des « must have » par les collectionneurs (« 100 montres cultes », éditions Solar, 128 p., 20 euros). Ainsi, Rolex Daytona, Hublot Big Bang, Omega Speedmaster, et Jaeger-LeCoultre Reverso côtoient des garde-temps moins connus du grand public mais tout aussi fabuleux : De Bethune, Philippe Dufour, Vianney Halter ou encore MB&F.
 
 
◉◉ CE LIVRE N'EST PAS LE PREMIER DU GENRE : un des derniers parus, « Montres cultes » tout court, était le testament éditorial du regretté Michael Balfour. Il est toujours facile de critiquer le choix de telle ou telle montre, qui sera considéré comme « culte » par une tribu, pour être méprisée par l'autre, de même qu'on peut toujours mettre en cause les thématiques qui permettent aux auteurs d'ordonner cette centaine de montres en catégories comme « Pro », « Élégantes », « Originales », etc. – là encore, la sportive de l'un sera l'icône de l'autre. L'unanimité se fera sur la qualité de la maquette et sur le sérieux des textes présentés par les auteurs, qui n'ont pas pris le moindre risque éditorial et qui s'en tienne à la doxa officielle...
 
 
◉◉ LES AUTEURS (par eux-mêmes). « Après avoir achevé un cycle d’études supérieures en sciences humaines, Emmanuel Lacroix débute une carrière dans la fonction publique d’Etat. Son goût pour les belles choses l’amènera un jour à s’intéresser à l’horlogerie traditionnelle mécanique à laquelle il convertira son ami Thierry Gasquez, qui a quant à lui une formation juridique et littéraire. Unis par cette passion commune, les deux amis décident en 2009 de fonder Passion Horlogère, une association ayant pour but la promotion de l’horlogerie en réunissant des amateurs de belles montres comme eux. Depuis, leur engagement horloger a pris différentes formes : visites de manufactures horlogères, conférences avec des personnalités du monde horloger, développement du site internet de Passion Horlogère et rédaction d’articles dans des revues spécialisées... Forts de ces expériences, c’est avec un véritable plaisir qu’Emmanuel et Thierry ont pris part à cet ouvrage. Ils y ont associé des personnalités incontournables du milieu horloger et des membres de Passion Horlogère, partageant ainsi leurs connaissances afin de guider le lecteur dans ce monde fabuleux de l’horlogerie »...
 
 
 
 ICONOSTASE
Réflexions rapides sur les objets du culte
 
◉◉ On laissera les intégristes s'écharper sur la légitimité du « culte » rendu à telle ou telle icône horlogère, en se demandant plutôt ce qui pousse les collectionneurs à iconiser certains modèles plutôt que d'autres. Si tant est que ce « culte » procède bien des collectionneurs, et non des marques [pour les montres neuves et récentes] ou des marchands et des commissaires priseurs [pour les montres de collection]. C'est généralement l'histoire et la mémoire, disons la longue durée, qui favorisent l'institution de ces « cultes », qui n'existent cependant que grâce aux marques qui en ravalent en permanence les autels : icônes d'hier, les chronographes bicompax ou tricompax d'Universel ne sont plus aujourd'hui vraiment « cultes », alors qu'il a suffi d'une décennie pour faire de la J12 de Chanel une « icône du XXIe siècle » (ci-dessus). On comprend tout de suite le rôle de la publicité et du marketing dans cette revalorisation permanente des objets du culte. Si faiblesse il y a dans ces « 100 montres cultes », c'est probablement cette illusion d'optique qui rend plus emblématique le premier plan plutôt que les autres éléments du paysage : combien d'icônes contemporaines seront balayés par celles de demain, qui le seront à leur tour par les sortilèges de la communication ? Parfois, les marques elles-mêmes oublient leurs objets-culte : c'était le cas de la Reverso chez Jaeger-LeCoultre, de la Type 20 chez Breguet ou même de la Daytona chez Rolex, montres redevenues « culte » sous la pression des amateurs plus que par l'ambition patrimoniale des marques.
 
◉◉ Ce qu'on vénère aujourd'hui, n'est-ce pas le fruit d'une sédimentation historique aléatoire reformatée par la puissance commerciale des marques actuelles ? On en déduira que les objets du culte ne sont probablement pas prévisibles : chez Rolex, beaucoup de montres vénérées aujourd'hui comme « cultes » doivent cette ferveur à leur... échec commercial – et, en partie, à la spéculation sur quelques micro-marchés (comme celui des collectionneurs italiens). On en dira autant des fabuleux chronographes Patek Philippe ou par les Heures universelles, rachetés à vil prix dans les années 1980 par quelques amoureux fous de la mécanique [encore des Italiens !] et depuis hissés vers les records sous le marteau par l'avidité des collectionneurs et des spéculateurs. On doit donc admettre que les voies du Seigneur sont impénétrables en matière de « montres cultes » : les 100 qu'on honore aujourd'hui seront, demain, laminées par une sélection aussi impitoyable qu'irrationnelle. Archi-iconiques dans les années 1980, les Santos de Cartier ou les sportives chic d'Ebel ont été oubliées par les gardiens du temple, tout comme les Swatch « artistiques » [combien vaudrait aujourd'hui une Kiki Picasso qui repasserait aux enchères, mais qui se vendait dans les années 1990, entre sectateurs du culte, plus de 30 000 euros ?] ou les complications Gérald Genta, à peu près totalement démonétisées ? En fait, il ne semble plus y avoir que des « cultes » provisoires, relatifs, temporaires et révisables. Tant mieux, profitons des plaisirs de l'instant : Carpe Diem...
 
 
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