> 


ROLEX : Le couronnement d'un nouveau chronométreur officiel pour la F1

Depuis quelques mois, Bernie Ecclestone négociait un nouveau partenariat global pour son championnat du monde de F1. Rolex coiffe tout le monde sur le fil pour devenir chronométreur officiel et "montre officielle" sur (presque) tous les circuits du monde... Pourquoi, comment, combien, jusqu'à quand ? Business Montres a enquêté...  ◀▶ CHAMPIONNAT DU MONDE DE FORMULE 1Rolex décroche le contrat de chronométrage officiel... ❏❏❏ C'est évidemment du non officiel et du non autorisé, …


Depuis quelques mois, Bernie Ecclestone négociait un nouveau partenariat global pour son championnat du monde de F1. Rolex coiffe tout le monde sur le fil pour devenir chronométreur officiel et "montre officielle" sur (presque) tous les circuits du monde...

Pourquoi, comment, combien, jusqu'à quand ? Business Montres a enquêté...

 
◀▶ CHAMPIONNAT DU MONDE DE FORMULE 1
Rolex décroche le contrat de chronométrage officiel...
 
❏❏❏ C'est évidemment du non officiel et du non autorisé, mais nos informations sont solides et largement validées par des sources proches du dossier. Que se passe-t-il quand LG Electronics, qui avait pris en charge le chronométrage officiel et la gestion des données de courses de la F1 en 2008, fait savoir à quelques privilégiés que son contrat prendra fin en 2013 ? Que se passe-t-il quand on demande à des professionnels d'imaginer la construction d'un "pont" qu'on placerait (et qu'on déplacerait) sur les différents circuits du monde, histoire d'y marquer le territoire d'une marque ? Que se passe-t-il quand TAG Heuer, qui avait quitté la F1 comme chronométreur officiel en 2004, relance une étude interne sur ce thème ? Que se passe-t-il quand le Swatch Group consulte Swiss Timing sur ce même sujet ? Que se passe-t-il quand Hublot annule quelques commandes tardives de cadrans badgés F1, dont la marque est encore "montre officielle", mais seulement pour quelques mois de contrat ? Que se passe-t-il quand on repère un peu trop d'invités officiels badgés Rolex [récemment encore, Arnaud Boetsch, le dir com, à Valence] dans les paddocks de la F1 ? Etc. Merci au passage à tous les informateurs officieux...
 
❏❏❏ Il se passe tout simplement qu'on fait une petite addition quand on est un journaliste un peu curieux : 1 + 1 + 1 + 1 = "Allo, Bernie, qu'est-ce qui se passe ?". À partir de là, on remet toutes les infos disponibles bout à bout et dans l'ordre. Pour en arriver à la conclusion – formelle, quoique non officiellement formalisée à l'heure de publier cette révélation – que Rolex sera le prochain chronométreur officiel du championnat du monde de F1. Un partenariat de très haut niveau, qui sera sans doute doublé du titre de "montre officielle" [apparemment, il n'y a pas encore de série limitée en cours de préparation chez Rolex]. On verra ci-dessous ce qu'il peut advenir de l'actuel "partenaire officiel" (Hublot) et des marques qui pouvaient prétendre à ce partenariat...
 
❏❏❏ Tout ce qu'on peut savoir de façon certaine pour ce qui est des chiffres, c'est que ce contrat est signé sur le long terme [bien au-delà des cinq ans classiques avec Bernie Ecclestone, qui a fait cette concession à son nouveau "grand partenaire] et que ce contrat pourrait avoir été monnayé autour de 120-130 millions de dollars pour les cinq premières années. Disons 20-25 millions de dollars pour 2013 [année de transition où LG Electronics assurera encore partiellement le chronométrage officiel] et un peu plus par la suite, Rolex ayant semble-t-il décidé de monter en puissance une fois que le "métier" sera appris par ses équipes. De source proche du dossier [chez Bernie], on s'affirme agréablement surpris par les "initiatives" et les innovations envisagées par Rolex pour marquer son territoire, non seulement sur les écrans télévisés (diffusion de la course, animation des images, affichage des données et du chronométrage), mais aussi sur et autour des circuits (dont le fameux "pont" qui nous servait d'indice). Tout laisse penser que ce partenariat sera "très créatif et très high-tech" : en général, Rolex n'a pas l'habitude de faire de la figuration quand la marque décide de s'investir dans un secteur...
 
 
 
 
◀▶ROLEX ET LE SPONSORING AUTOMOBILE
Une longue histoire d'amour pour les belles mécaniques...
 
❍❍❍ Les premiers éléments d'analyse de cette décision prise par Rolex laissent apparaître plusieurs éléments. D'une part, il existait un consensus évident au sein de la haute direction et du conseil de la fondation Wilsdorf. Cet engagement de la marque paraît y être considéré comme le premier pas d'une nouvelle offensive marketing [oh, le vilain mot !] pour partir à la reconquête de l'opinion publique et d'une nouvelle image, sinon d'une nouvelle tradition. Il semble évident que la F1 ne peut que rajeunir le public "naturel" de Rolex, aujourd'hui plus proche de la cinquantaine que de la trentaine, tout en stimulant une nouvelle génération de clients aspirationnels.
 
❍❍❍ Contre-arguments à cette analyse : la faiblesse d'une audience F1 concentrée sur les marchés européens et sud-américains. Faiblesse relative : on est tout de même dans les 500 millions de téléspectateurs en 2012 pour les grands prix cumulés – même s'il y en avait 600 millions cinq ans plus tôt. Si NBC diffuse les grands prix aux Etats-Unis, l'audience télévisée reste modeste sur ce marché-clé. En Chine, on ne compte guère que 20 à 25 millions de téléspectateurs – ce qui est à la fois énorme comparé au marché français [3 à 4 millions de télésectateurs selon les grands prix et leurs enjeux] et dérisoire par rapport à l'audience globale de la télévision chinoise. La F1 vit de l'espoir d'une conversion massive des Chinois à des sports mécaniques qui n'ont aucune tradition dans ce pays. Plus l'équipement mondial en télévisions progresse, plus la part relative de l'audience de la F1 régresse (en proportion), alors qu'elle peut augmente arithmétiquement !
 
❍❍❍ Le chronométrage officiel est ici un pari culturel sur l'avenir de la F1 sur ses marchés émergents : en Chine ou en Inde, voire aux Etats-Unis, l'adhésion des téléspectateurs ne se fera qu'à travers des enjeux nationaux (sinon nationalistes), avec des équipes et des champions locaux – on n'en est pas encore là, et de loin ! Et il reste à régler le cas des circuits stratégiques qui ne dépendent pas de l'organisation mise en place par Bernie Ecclestone, notamment Monaco (voir plus bas), l'Inde ou Singapour, mais aussi le très décisif Brésil : là encore, Rolex fait un pari sur l'avenir et sur la future consolidation d'un réseau ecclestonien qui défie aujourd'hui toute rationalité [quoi qu'il fonctionne comme un système parfait de captation et de verrouillage à son propre profit]. Bernie n'étant pas éternel, d'autres évolutions sont à prévoir...
 
❍❍❍ On peut aussi s'interroger sur le statut de Rolex, qui n'a plus rien à prouver en termes de statut, de notoriété ou de légitimité sur les marchés émergés où la F1 domine [troisième événement sportif derrière les jeux Olympiques et le Mondial de football] et où la marque est déjà très forte : on pourrait en déduire que la marque a peut-être un besoin lancinant de se rassurer autant que de rassurer un nouveau public aspirationnel, qui s'initiera aux valeurs Rolex à travers la visibilité forte et l'image positive que procure un partenariat avec la F1. En prenant en main le chronométrage de la F1 et en s'offrant une visibilité idéale sur les circuits, Rolex réajuste sa couronne sur un territoire de référence à peu près incontestable. Il était temps. C'est cette absence de Rolex de la F1 qui était anormale, pas son retour... 
 
❍❍❍ L'histoire d'amour entre Rolex et les sports mécaniques est très ancienne. On se souvient des premiers records de sir Malcolm Campbell sur quatre roues (ci-dessus, ci-contre et ci-dessous : remerciements à Jake Ehrlich, Jake's Rolex World, pour ces publicités). Rolex a noué de multiples partenariats avec des champions comme Jackie Stewart (ci-contre). Même les moins initiés à la montre ont entendu parler d'un chronographe dédié à Daytona, la Mecque américaine du sport automobile, quand les aficionados connaissent la "Paul Newman", une Daytona vintage surnommée ainsi par les amateurs italiens qui l'avaient remarqué au poignet du comédien-coureur automobile. Les 24 Heures de Daytona (épreuve d'endurance mécanique) sont d'ailleurs officiellement les... Rolex 24 at Daytona !
 
❍❍❍ Le storytelling de Rolex y ajoutera sans doute une très ancienne affinité entre la mécanique de haut niveau dans l'automobile de compétition et la mécanique de haut niveau dans l'horlogerie [précision du réglage, précision des composants, précision de l'esprit d'équipe, précision de la technique déployée, précision du geste, précision de la trajectoire, précision du temps]. On peut toujours toutes sortes d'excellents arguments, largement démontrés depuis quelques années par beaucoup de marques déjà lancées sur ce fascinant territoire du motor racing. On peut y ajouter, pour Rolex, la remotivation d'équipes internes, qui peuvent vibrer pour une compétition sportive dont le seul danger serait [conditionnel de prudence], dans un avenir proche, la diabolisation sociétale de la voiture, de la vitesse et de la pollution gespilleuse de ressources naturelles. Là encore, on n'en est pas là... du moins dans l'immédiat !
 
 
 
 
◀▶CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DE LA F1
Pourquoi Rolex, et pas une autre marque ?
 
❍❍❍ Bernie Ecclestone se cherchait un "grand" partenaire de référence. Il y a quelques années, Hublot avait innové en devenant, non le chronométreur officiel, mais la montre officielle de la F1. Ce qui donnait à Jean-Claude Biver le droit de disposer du logo F1 sur le cadran de ses montres. Sympathique, mais pas forcément très visible, sinon par l'habileté du marketing et de la communication Hublot. Ce contrat arrivant à sa fin, de même que celui de LG Electronics, il fallait un nouveau sponsor, recherché dans un premier temps du côté de marques globales comme Coca-Cola, capables d'aligner des contrats annuels de l'ordre de 20 à 25 millions. Bernie n'a cependant pas suscité beaucoup d'intérêt du côté des Américains !
 
❍❍❍ Dans la liste des marques "mondiales" les plus célèbres, il n'y a que deux horlogers : Swatch et Rolex. Déjà très lourdement et coûteusement engagé du côté des jeux Olympiques avec Omega, le Swatch Group a trouvé un peu exorbitantes les prétentions financières de Bernie Ecclestone, compte tenu de l'audience faible sur les marchés émergents et de la faiblesse de l'impact sur le marché américain, qui restent les cibles prioritaires d'Omega. L'aventure aurait pu tenter Longines, qui a de solides et légitimes racines dans le sport automobile [la marque a longtemps eu Ferrari comme partenaire dans la F1], mais qui vise aujourd'hui d'autres sports (notamment le tennis, en confrontation directe avec Rolex) et qui n'a pas encore de tels budgets à sa disposition – d'autant que son déploiement offensif en Chine ne justifie pas encore un tel investissement. Donc, exit le Swatch Group, où la rigidité morale d'un Nick Hayek n'avait de toute façon que peu de chances de se trouver en phase avec le faste bling-bling du trop flamboyant et trop gourmand Bernie.
 
❍❍❍ Une occasion stratégique ratée ? On ne peut pas s'empêcher de le penser [d'autant que ce n'est pas la première et la seule depuis quelques années] : c'est le genre de train qui ne passe qu'une fois tous les dix ou quinze ans ! C'est la durée probable de la stratégie d'investissement arrêtée par Rolex, qui a toujours privilégié le long terme : sur le terrain sportif [capital en termes d'image], le groupe Swatch laisse ainsi au principal concurrent d'Omega un nouvel espace de manoeuvre stratégique dont la marque à la couronne – une peu asphyxiée ces dernières années et déjà bousculée sur plusieurs marchés – commençait à manquer. Merci pour Rolex, dommage pour Omega...
 
❍❍❍ On pouvait à l'avance exclure le groupe Richemont, dont aucune marque n'a à ce point la fibre sportive – à l'exception sans doute d'une maison comme IWC, qui n'a pas les moyens de suivre, ni de relancer à ce niveau de prix, d'autant qu'elle vient de signer un partenariat privilégié avec la prochaine équipe Mercedes dans la F1 (saison 2013). N'empêche : là encore, on permet au leader mondial de verrouiller un terrain où il sera inexpugnable, et donc mieux armé pour contre-attaquer sur d'autres compartiments du jeu...
 
❍❍❍ Il restait donc à prospecter du côté de LVMH, en renouant des contacts avec TAG Heuer, qui a étudié le dossier avec sérieux avant de décliner : trop cher et trop limité comme audience. Combien de pages achète-t-on dans les magazines pour 25 millions de dollars ? Combien de panneaux peut-on apposer, de façon plus ou moins piratée, autour des grands prix, le jour de la compétition, pour 25 millions de dollars ? D'autant que TAG Heuer "contrôle" déjà son Grand prix de référence, celui de Monaco – qui échappe donc à Rolex, mais on veut bien parier que cette "imagination créative" qui semble devoir prévaloir chez Rolex sur le terrain de la F1 trouvera une parade à l'omniprésence de TAG Heuer le week-end du Grand Prix. En toute objectivité, TAG Heuer n'avait pas forcément tout à gagner à se remettre dans le chronométrage officiel de la F1, alors que la marque est déjà présente dans les paddocks à travers McLaren et qu'elle a réussi à ne pas faire oublier ses précédentes douze années de timekeeping : que peut-on prouver de plus quand on est déjà sur le podium des grandes marques sur les marchés influencés par la F1 ? Rien pour ce qui est de la notoriété, ni du côté de la technique, d'autant que Jean-Christophe Babin regarde désormais vers le haut – les complications, le contenu horloger, le prestige, le glamour – plus que vers l'audience "brute" d'un grand public qui crédite déjà TAG Heuer d'une certaine dynamique côté circuits...
 
❍❍❍ Restait Hublot, actuel partenaire officiel, dont on découvre vite, à Maranello (chez Ferrari), que la tendance serait plutôt au renforcement du partenariat global entre les deux marques, qui s'entendent finalement pas trop mal. La Scuderia Ferrari F1 pourrait même entrer dans le périmètre de ce partenariat – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et ce qui exclut de fait un renouvellement du contrat avec la F1 de Bernie Ecclestone. Plus question de courir trop de lièvres à la fois, d'autant que 2014 et 2016 seront des années "stratégiques" pour cause de Mondial de football et de jeux Olympiques au Brésil. En fouinant du côté des designers chargés du merchandising Ferrari, on découvre d'ailleurs une extension du territoire d'Hublot, dont le logo pourrait faire son apparition sur les tenues des pilotes Ferrari dès la prochaine saison. On en saura plus en début de saison [généralement, ces annonces se font au mois de mars], mais on passerait ainsi du statut subalterne de montre officielle de la F1 à celui de "montre officielle de Ferrari" – nuance subtile, mais plus efficace pour la stratégie commerciale de la Big Bang, surtout en Chine. Hublot n'avait d'ailleurs pas les moyens de remplacer LG Electronics pour le timekeeping officiel : trop cher pour une prestation technique assez peu émotionnelle et pas assez mondialisée ! Jean-Claude Biver – dont Business Montres maintient qu'il s'est fixé une "stratégie à la Rolex" – privilégie désormais les belles histoires d'hommes, de rêves, de passions et d'émotions...
 
❍❍❍ Bref, Rolex était à la fois la dernière et la seule grande marque horlogère capable de passer sous les fourches Caudines du rusé Bernie tout en lui imposant un rapport de forces capable de changer la totale dépendance apparente du contrat. On verra dans les années à venir qui porte vraiment la couronne, du "roi des circuits" ou de la "reine des montres"...
 
 
D'AUTRES SÉQUENCES D'ACTUALITÉ...
Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter