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MÉMOIRE
On a tous oublié ce chronographe Rolex qui intégrait un tachymètre à mémoire et un GPS

Puisqu’il faut tout recycler, recyclons nos déchets d’actualité ! On retrouve des pépites dans la mémoire de notre quotidien des montres, par exemple cet instrument du temps ultra-technologique proposé voici quelques années par Rolex pour mesurer des vitesses extrêmes : rien n’y manquait, ni une fonction mémoire, ni un GPS, ni une batterie pour l’autonomie…


Autant le préciser tout de suite, ce « chronographe » avant-gardiste signé Rolex a totalement disparu des radars officiels de la marque [inutile d’en chercher la trace sur le site de presse officiel], mais on doit encore en trouver le dossier dans les innombrables tiroirs secrets de son service du patrimoine, où il n’est évidemment pas communicable. Comme dans toutes les bibliothèques qui se respectent, il y a un « enfer » de la documentation horlogère…

De toute façon, la communication officielle de Rolex avait toujours été très elliptique au sujet de cet instrument du temps, voire même un peu gênée aux entournures comme on va le voir ci-dessous. Rappelons les faits. Le 6 mai 2014, Business Montres (archives en accès libre) dévoile le projet « Rolex Bloodhound », une sorte de voiture-fusée de quatorze mètres de long, avec 135 000 chevaux sous le capot : il s’agissait pour Rolex de s’associer à un des derniers records de vitesse terrestre toujours pas battus – le mur des 1 000 miles à l’heure (1 609 km/h) à bord d’un véhicule terrestre à moteur. Business Montres avait repéré et suivi ce projet un peu fou dès le mois de décembre 2012, mais Rolex n’en était pas alors partenaire. Disons-le franchement : le projet était effectivement « un peu fou », et même beaucoup ! Tellement hors nomes, en fait, que son équipe de « merveilleux fous roulants sur leurs drôles de machines » (paraphrase d’un titre de film des années 1960) n’imaginait pas à quel point les difficultés technologiques et humaines allaient s’accumuler sous les roues de leur fusée, à tel point que la plupart des sponsors (dont Rolex) ont fini par se retirer de l’opération. Il était question de battre ce record mythique en 2015, puis en 2016. Il ne faut plus rien attendre du projet Bloodhound avant 2021, dans le meilleur des cas : ces infortunes répétées n’empêchent d’ailleurs pas de saluer la persévérance de ces pionniers et la résilience de leurs ambitions (un document Rolex de l’époque – à télécharger ICI – détaille tous les paramètres de cette aventure)…

Lors de la publication de ce premier article, en mai 2014 [rappelons que Jean-Frédéric Dufour venait tout juste de débarquer comme CEO chez Rolex : tiens, c’était une autre révélation de Business Montres quelques semaines auparavant !], nous avions été intrigués par deux instruments de bord de cette fusée plus puissante qu’un pack de 180 bolides de F1 qui se lanceraient à fond tous ensemble. « Pour prétendre au record de vitesse, écrivions-nous, le véhicule doit être conduit et commandé par un pilote, sans pilotage automatique. Une extrême précision des instruments est donc de mise. La fusée Bloodhound est équipée d’une part d’écrans de surveillance affichant les paramètres électriques et hydrauliques, ainsi que les données relatives au démarrage des moteurs et aux systèmes de contrôle, d’autre part d’un compteur de vitesse et d’un chronographe. Conçus et fabriqués sur mesure par Rolex, ces deux instruments analogiques extrêmement fiables et précis fourniront à Andy Green [le pilote de l’époque] toutes les informations dont il aura besoin pour son exploit ». Toute la presse ayant repris nos informations, nous n’en savions guère plus que ce « compteur de vitesse avec fonction mémoire étalonné au-delà des 1 000 mph (1 609 km/h) »…

Il fallait approfondir le sujet : après tout, ce n’est pas tous les jours que Rolex « invente » un chronographe » maison ! Business Montres (8 mai 2014) remettait donc le couvert quelques jours plus tard, en apportant quelques précisions : « Le cadran aux chiffres blancs sur fond noir du compteur (ci-dessous) est gradué de 1 à 11 par incréments de 100 miles à l’heure (161 km/h). Une marque spéciale indique Mach 1 – la vitesse du son (environ 761 miles à l’heure, soit 1 225 km/h au niveau de la mer). Outre l’aiguille principale blanche de style aviateur, le compteur de vitesse est doté d’une aiguille à fonction mémoire d’un vert caractéristique – le vert Rolex. Placée bien en vue des caméras embarquées, cette aiguille indique la vitesse maximale atteinte par Bloodhound SSC sur chaque trajet et maintient sa position jusqu’à ce que le pilote la réinitialise manuellement. Cette fonctionnalité inhabituelle s’inspire de celle d’une vieille voiture de sport remarquée par Andy Green et son équipe lors d’une édition du festival Goodwood Revival en Grande-Bretagne. La connexion GPS indépendante alimente directement le compteur de vitesse à raison de 20 mesures de positionnement par seconde (20 Hz), ce qui est un gage de grande précision, même à pleine vitesse. En cas de panne électronique à bord, la batterie du compteur tient 30 minutes, durée suffisante pour mener à bien la phase critique de décélération depuis la vitesse de pointe jusqu’à l’arrêt complet du véhicule » [on retrouvera tous ces détails dans le dossier téléchargeable ci-dessus]...

C’est ainsi que Rolex a mis au point, en toute transparence, un chronographe d’un genre totalement nouveau, qui intègre un tachymètre à mémoire, un GPS de contrôle et une batterie autonome. On ignore – c’est le no comment habituel de la couronne sur les sujets considérés comme « sensibles » – si ce tachymètre Rolex, associé sur le tableau de bord à un compteur de temps plus « classique » sera toujours en place le jour – encore hypothétique – où le record des 1 000 mph sera battu. Toute communication sur ce projet a disparu du site de la marque, mais heureusement pas de la mémoire de Business Montres. Les initiés qui ont eux aussi un peu de mémoire auront noté que l’esthétique de ces deux compteurs s’est retrouvé, quelques mois plus tard [plus pour le pire que pour le meilleur], dans la nouvelle Air-King proposée par Rolex – comme quoi, chez Rolex aussi, on recycle ! Mais c’était peut-être une démarche très opportuniste, pour commencer à surfer sur la vague de ce record de vitesse dont Rolex espérait tirer un immense profit en termes de communication…


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