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BEST-OF MÉDIAS #2 : Quelques suppléments d'hiver

Purement horlogers ou hors-séries à vocation scientifique, ces publications nous parlent du temps qui passe... La grande aventure des heures méritait bien quelques suppléments supplémentaires...   ◀▶ LA REVUE DES MONTRES HORS-SÉRIE (40 montres de légende)Quelques sagas en long, en large et en images...❍❍❍❍ Un numéro collector à ne pas manquer : …


Purement horlogers ou hors-séries à vocation scientifique, ces publications nous parlent du temps qui passe... La grande aventure des heures méritait bien quelques suppléments supplémentaires...

 
 
◀▶ LA REVUE DES MONTRES HORS-SÉRIE (40 montres de légende)
Quelques sagas en long, en large et en images...
❍❍❍❍ Un numéro collector à ne pas manquer : le hors-série 40 Montres de légende de La Revue des Montres s'avance comme une des meilleures initiatives de cette fin 2012, avec des photos réalisées par l'excellent Guy Lucas de Peslouan et les textes par une brochette de rédacteurs, dont l'excellent Constantin Parvulesco, si prolifique en librairie (synthèses généralistes sur l'horlogerie) et trop rare dans les magazines horlogers alors qu'il a tant de belles histoires à nous raconter (Business Montres du 27 novembre). Évidemment, on pourra toujours en contester l'attribution de tel ou tel statut iconique à telle ou telle marque. Ralph Lauren, et pas la T-Touch de Tissot : est-ce bien raisonnable ? Baume & Mercier en oubliant Harry Winston : l'année de l'Opus 12, c'est un peu extravagant, non ? Urwerk sans MB&F : qu'on parle de LM1 ou de HM4, voire HM 5, n'est pas un peu dommage ? Difficile de comprendre pourquoi la G-Shock de Casio – une légende générationnelle installée en trois décennies – ou la Grand Seiko ont été éjectées d'une liste qui a conservé Oris parmi les légendes. Même réflexion pour d'autres marques indépendantes (De Bethune, Greubel Forsey, Hautlence, Jaquet Droz, etc.), qui ont pourtant marqué l'histoire horlogère du XXIe siècle –  en tout cas plus que Montblanc. On se consolera avec les 37 lignes [une contribution exceptionnelle par sa prolixité !] de l'éditorial de Stephan Ciejka, qui donne une dimension héroïque à toutes ses légendes, en soulignant à quel point l'exploit de Felix Baumgartner (Zenith-Red Bull Stratos) s'inscrit dans les plus belles pages des grandes épopées horlogères...
❍❍❍❍ Les quarante "légendes" bénéficient d'une photo pleine page et d'une notice historique rapide (légendes concernées : A.Lange & Sohne, Audemars Piguet, Baume & Mercier, Bell & Ross, Blancpain, Breguet, Breitling, Bvlgari, Cartier, Chanel, Chopard, Corum, Dior, Eterna, FP Journe, Franck Muller, Girard-Perregaux, Hamilton, Hublot, IWC, JaegerLeCoultre, Louis Vuitton, Montblanc, Omega, Oris, Panerai, Patek Philippe, Piaget, Ralph Lauren, Roger Dubuis, Richard Mille, Rolex, Swatch, TAG Heuer, Tudor, Urwerk, Vacheron Constantin, Van Cleef & Arpels, Vulcain, Zenith). En prime, une "saga au long cours" (16 pages) consacrée à Panerai, marque dont cette rétrospective permet de réaliser à quel point elle a su s'éloigner en douceur de son positionnement subaquatique initial et de son storytelling "militaire" : plus une seule "montre de plongée" – au sens classique du terme – dans les collections récentes. Dior bénéficie d'une autre saga en 16 pages pour présenter sa "Légende du temps". 20 des 164 pages de ce numéro à garder sont consacrées à un dossier synoptique  "Des héros et des montres", très intéressant comme compilation, mais assez peu créatif. Du coup, on regrettera que la pagination consacrée aux légendes n'ait pas été revue à la hausse (4 pages au lieu de deux). Les années passent et La Revue des Montres reste la référence européenne, par son ancienneté autant par sa périodicité mensuelle, coachée de près par Stephan Ciejka, dont on se félicitera qu'il ait fait appel à l'"objectif acéré" de Guy Lucas de Peslouan pour ce hors-série de fin d'année, lancé pendant le Salon Belles Montres et qu'on aimerait revoir fin 2013...
 
 
 
◀▶ POUR LA SCIENCE ("Le temps est-il une illusion ?")
La singularité de nos échelles du temps...
❍❍❍❍ Il est assez surprenant que deux hors-séries "scientifiques" de cette fin 2012 soient simultanément consacrés au "temps". C'est pourtant assez logique tellement notre rapport au temps reste problématique : la "mode des montres" – qui occupe une part de marché médiatique (publicité et suppléments) nettement supérieur à sa part de marché économique – ne fait que traduire une nouvelle inquiétude sociétale sur ces questions. D'où l'intérêt d'une vision épistémologique un peu moins au ras des paquerettes et un peu décalée par rapport aux seuls objets physiques du temps. D'où l'aspect rafraîchissant d'un média qui nous parle du temps sans l'entassement habituel de publicités consacrées aux montres [ce qui démontre d'ailleurs le panurgisme contre-performant des annonceurs horlogers, incapables de contextualiser leurs propositions hors des médias horlogers, alors qu'un tel numéro spécial aurait dopé leur image]...
❍❍❍❍ Un siècle après Einstein et sa Théorie générale de la relativité (1915), on commence à peine à comprendre que nous ne savons rien du temps, ou plutôt que nos conceptions classiques du temps sont totalement obsolètes. "Le temps a un statut particulier par son omniprésence en physique, biologie, psychologie, ethnologie, musique, chacun en donnant sa propre définition. Cette multitude de temps renforce l’idée que l’on est incapable d’en donner une définition universelle. Mais ce flou est fécond", nous prévient-on dès l'éditorial, qui donne le ton d'un dossier qui court sur une grosse centaine de pages, qui s'ouvrent par une remarquable infographie sur les 40 ordres de grandeur des "échelles du temps" (en haut de page). On est tout de suite dans le bain ! Suivent de substantiels développements, de l'inévitable (et indispensable) article philosophico-physique d'Etienne Klein sur la singularité subjective de l'instant présent à l'abandon de la notion de temps par Carlo Rovelli, en passant par tous les paradoxes temporels possibles, dans toutes les disciplines [il existe même un temps "thermodynamique"].
❍❍❍❍ Pas question de s'ennuyer une seconde [même on ne comprend pas tout, et de loin]dans ce numéro spécial, où on découvrira notamment que les Egyptiens de l'Antiquité n'avaient pas du tout notre conception linéaire du temps, mais une double approche éternelle (celle du cosmos) et cyclique (celle de la Terre) des heures – ce qui est peut-être une explication de leur réticence à élaborer des objets du temps plus précis que ceux dont ils disposaient et qui leur suffisaient. Un article insolite : "Une machine à remonter le temps ?", avec un constat passionnant qui va plaire aux amateurs de Stargate (film série télévisée) : "Si l’on arrivait à fabriquer une sorte de « porte des étoiles », on voyagerait dans le temps. Les nouveaux accélérateurs de particules en seraient presque capables, à l’échelle subatomique".
❍❍❍❍ En revanche, parler du temps à travers les siècles sans la moindre référence à l'horlogerie est une faute éditoriale : depuis le XVIe siècle, les mécaniques du temps ont accompagné les progrès de la science, dans une dialectique permanente entre la demande des savants et les capacités techniques des horlogers. Sans "montres" [au sens large du temps], pas de mesure de l'univers, ni de la Terre, de l'infiniment grand à l'infiniment petit (la "bataille de la longitude") ; pas de développement de la physique ou de la chimie ; pas de révolution scientifique tout court ! Aujourd'hui encore, ce sont les objets du temps les plus fantastiquement précis de toute l'histoire de l'humanité [des horloges atomiques qui ne perdent une seconde tous les trois milliards d'années] qui permettent d'explorer plus avant les mystères de l'univers. Même l'article sur "La mission jésuite en Chine : tempêtes, science et politique" parvient à éviter l'horlogerie, alors que les mécaniques du temps européennes ont constitué le meilleur produit d'appel possible pour séduire les élites chinois de l'époque...
 
 
 
◀▶ SCIENCES & VIE ("L'invention du temps")
Compilations et omissions sur fond de vulgarisation...
❍❍❍❍ Second hors-série "scientifiques" consacré au temps : celui de Science & Vie,  par nature plus porté à la vulgarisation – dans le meilleur sens du terme. Même constat que dans Pour la science à propos de l'indéchiffrabilité de notre conception générale du temps, mais ce numéro "pluriel" de Science & Vie vise à décrypter l'histoire du temps et la place du temps dans l'histoire – ce qui est déjà très ambitieux et superbement réussi, ne serait-ce que par la qualité de l'iconographie ainsi réunie (cartouche en haut de page : Science & Vie). Les considérations sur cette "invention du temps" démarrent avec un entretien entre Science & Vie et Dominique Fléchon (La conquête du temps). Rappel utile : les premiers cadrans solaires portatifs constituent – au sens propre – les premières "montres" de l'histoire des cultures humaines : il y a 2000 ans, les Grecs et les Romains savaient s'en servir autant que les bergers alpins du XIXe siècle, qui savaient à quel point on peut, sans connaissances scientifiques et de façon très pratique, s'en servir pour connaître l'heure avec une précision de l'ordre de quelques minutes...
❍❍❍❍ Pas un mot pertinent sur la machine d'Anticythère à propos de la perception de l'espace-temps dans l'Antiquité : c'est dommage, stupide et contre-productif, alors que cette "machine" – désormais historiquement et scientifiquement validée – repousse très loin dans le temps notre propre conception de l'histoire des sciences et notre vision des "méchaniciens" grecs ! De même, renvoyer aux seuls Chinois et aux seuls Arabes l'usage et le développement des clepsydres (horloges à eau), c'est mutiler la culture européenne d'un savoir "horloger" gréco-romain qui est bien attesté et dont on peut se demander s'il n'a pas été transmis aux Arabes et aux Chinois par le biais de la communauté scientifique byzantine. Ces oublis sont les symptômes d'un travail de vulgarisation qui s'appuie sur des ouvrages datés comme La science chinoise et l'Occident de Needham ou les traductions pas toujours pertinentes des ouvrages de base d'une science islamique plus héritière que pionnière – il est vrai "première" à une époque où les savants européens étaient plus préoccupés par leur salut dans l'au-delà que par l'avancement de sciences "dures" qui étaient niées et méprisées par les préceptes absurdes de l'eschatologie chrétienne...
❍❍❍❍ De même, on aurait aimé que les vulgarisateurs nous expliquent la révolution des objets du temps européens, quand on est passé de l'horlogerie "fluidique" [celle qui fonctionne dans une logique de continuité : eau, sable, feu] à l'horlogerie mécanique [celle qui arrête le temps, dans une logique de discontinuité et d'échappement, pour mieux le décompter et l'afficher]. Une révolution conceptuelle, qui va assurer la domination de l'horlogerie européenne dans le monde entier. Autre lacune : on ne comprend guère la course à la précision sans cette "invention de la ponctualité" qui s'est effectuée à Genève sous l'influence religieuse de Calvin, qui sermonnait ses ouailles en lui enjoignant de consacrer à Dieu chaque minute de leur vie – à une époque où les garde-temps avaient tout juste une aiguille pour les heures, une quête de la minute s'imposait et elle a imposé Genève comme métropole horlogère de référence depuis le XVIe siècle...
❍❍❍❍ Excellent choix du "musée imaginaire" de Science & Vie, qui met en scène de superbes objets du temps (sabliers, clepsydre à tambour, pendule planétaire, montre décimale, etc.) et bonnes compilations sur les chronomètres de marine ou les heures universelles, ainsi que sur la conception contemporaine du temps [on y retrouve l'incontournable Étienne Klein : voir ci-dessus le compte-rendu sur le hors-série de Pour la science]. Là encore, pas une seule publicité horlogère dans ces Cahiers de Science & Vie – c'est reposant – et pas une seule montre contemporaine, alors que relier cet univers historico-scientifique à l'offre horlogère telle qu'on peut la trouver en vitrine aurait eu du sens. Heureusement qu'il y a des suppléments horlogers pour faire la différence – dans le meilleur comme dans le pire. En tout cas, ce hors-série aux illustrations originales (bas de page) est à lire et à conserver...
 
 
 
◀▶ L'EXPRESS - LE MEILLEUR DES MONTRES 2013
L'Express prend ses lecteurs pour des demeurés...
❍❍ C'est le marronnier horloger de la fin d'année, avec ses pages dégoulinantes de bons sentiments et de dossiers de presse copiés-collés – ce qui est une loi du genre, maladie sénile d'une presse magazine si mal en point qu'elle en piétine sans même daigner s'en apercevoir ses principes déontologiques. Après tout, tant pis pour les annonceurs (marques de montres) si elles ont la stupidité de croire aux diffusions mirifiques annoncées par ces suppléments horlogers dont les enquêtes menées auprès du lectorat démontrent qu'elles exaspèrent au lieu d'informer [c'est en raison de cette contradiction et de cette overdose publicitaire que Grégory Pons n'intervient plus dans ce supplément, dont il avait imaginé et réalisé les premières éditions au début des années 2000] ! Inutile d'entrer dans les détails du sommaire, qui mêle en désordre – et sans grand souci pédagogique – les articles téléguidés [qui permettent de caser un maximum de références aux annonceurs] et les synthèses un peu plus ambitieuses : on peut signaler un bon article sur les poinçons horlogers, mais on peut aussi lui préférer le dossier de Movment (Business Montres du 24 septembre), dont L'Express a visiblement fait une sorte de digest en copié-collé. Purement focalisé sur le "style", l'article sur les tourbillons passe à côté du vrai débat sur leur utilité mécanique : on y cherchera en vain une explication du fait que Greubel Forsey reste la seule manufacture capable de prouver que ses tourbillons règlent mieux qu'un mouvement heures-minutes. Ou une mention du tourbillon le plus rapide du monde (12 fois la vitesse classique) proposé cet automne par Franck Muller (révélation Business Montres du 14 septembre). On ne va quand même pas demander à tous ces rédacteurs de perdre leur temps à lire autre chose que des dossiers de presse...
❍❍❍❍ Rédacteur en chef annoncé de ce supplément : Vincent Daveau, dont la modestie, le style et le sens de l'humour sont légendaires dans le milieu horloger. Ce n'est donc pas à ses immenses talents d'écriture – dont on s'étonne qu'ils n'aient pas encore fait de lui un "ambassadeur de la haute horlogerie" – qu'on doit un article non signé pour le moins problématique : "Collection - premiers pas". Il s'agit d'initier les néophytes à l'art de se créer une collection "à fort potentiel". Les premiers conseils laissent perplexes : on y déconseille au "néo-converti, avide de connaissances et désireux de faire partir de la grande famille des collectionneurs actifs" de fréquenter les communautés électroniques. Comprenez les forums horlogers. Pourquoi ? "À défaut d'apprendre à bâtir sa collection, à sélectionner les produits ou à partager les bons filons, [le néophyte] glose sur des nouveautés, discute avec les uns et les autres pour, au final, n'exister que virtuellement". Un peu léger comme analyse, alors que les forums constituent, à travers le monde, des espaces d'échanges et d'initiation qui dégrossissent, précisément, les nouveaux convertis pour en faire des impétrants, puis des aficionados redoutablement affûtés. Le coup de pied de l'âne vient ensuite : "Mais son action [celle du néophyte "gloseur"] n'est pas sans effet, car le temps passé sur la "toile" bénéficie au "grand gourou" du forum sur lequel il poste. Lequel, en commerçant avisé et en collectionneur sachant ce que sa passion lui coûte, ne manque pas une occasion de vendre aux marques le potentiel de l'univers que ses fans dévoués enrichissent gratuitement". On se demande bien avec qui L'Express règle ainsi ses comptes : PuristsPro étant un peu loin (géographiquement et linguistiquement) de la zone de chalandise de l'hebdo français, il doit s'agir d'un forum francophone. Horlogerie suisse ? Eric Cosandey n'a rien du gourou maléfique. Watchonista ? Malik Bahri rame plus qu'il ne prêche. Forumamontres ? On a du mal à imaginer Joël Duval animer des messes noires pour "néophytes" dans les crayères de Reims...
❍❍❍❍ La suite de l'article est tout aussi désarmante de bêtise : on y déconseille aux néo-collectionneurs de s'intéresser aux montres vintage dispersées sous le marteau par les "grandes maisons de vente aux enchères". C'est pourtant là qu'on fait d'excellentes affaires [700 % de valorisation en quinze ans pour la Rolex Milgauss : Business Montres du 12 octobre], du moins si on sait picorer dans les catalogues, qui sont généralement très commentés sur les forums [ceux-là-même qui sont interdits à ces malheureux néophytes]. Tout ça pour nous recommander d'"acheter avec raison" des montres neuves – ce qui ne déplaira pas aux annonceurs de ce supplément Montres, dont les modèles sont longuement décrits. Avec ce conseil mémorable : "Réunir les modèles les plus représentatifs de chaque marque de renom". Quelle finesse d'analyse, d'autant que le novice est immédiatement sommé d'investir dans le quantième perpétuel réf. 5970 de Patek Philippe – qui a effectivement tout d'une montre de grand débutant, puisque c'est L'Express qui vous l'assure ! Conclusion non moins mémorable : "Dans ce monde éclectique où sont présentes plus de 250 marques horlogères, il est possible de trouver tout et son contraire". On vous laisse réfléchir là-dessus tellement c'est profond...
 
 
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(ET UN AUTRE BEST-OF MÉDIAS)...
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