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E-MÉCANIQUE #2 : Ce que l'électro-mécanique peut apporter de nouveau à l'horlogerie (Urwerk EMC)

Si elle n'est pas la première tentative de réconciliation de la mécanique et de l'électronique, l'initiative EMC prise par Urwerk amorce un effet de rupture avec le conformisme ambiant. Hormis l'habituel intégrisme des vestales du mécanique, plus rien ne s'oppose à l'intégration de fonctions numérisées dans une montre de haute horlogerie... ▶▶▶ URWERK ECMUne électronique assumée pour une mécanique rassurée...  


Si elle n'est pas la première tentative de réconciliation de la mécanique et de l'électronique, l'initiative EMC prise par Urwerk amorce un effet de rupture avec le conformisme ambiant. Hormis l'habituel intégrisme des vestales du mécanique, plus rien ne s'oppose à l'intégration de fonctions numérisées dans une montre de haute horlogerie...

 URWERK ECM
Une électronique assumée pour une mécanique rassurée... 
 
 
◉◉ Tous les créateurs horlogers caressent l'idée de briser le tabou de l'électronique ajoutée à une montre mécanique. Ils se lâchent parfois en misant sur un affichage digital innovant, mais nostalgique (type MCT, MB&F ou Jacob & Co), ils vont parfois jusqu'à la sous-couche d'électronique qui sert de clé de contact (Jaeger-LeCoultre pour Aston Martin) ou ils prennent carrément le problème par l'autre bout, en partant de l'électronique pour lui imposer un style mécanique (c'est toute la force du concept Slyde de Jorg Hysek), mais c'est à peu près tout. Même Pierre Nobs a dû Personne n'ose franchir le pas d'une association franche et brutale : pour sa réédition contemporaine de l'ancienne Amida à heures digitales (style casquette), Maximilian Büsser a choisi une retranscription mécanique, tout comme RJ-Romain Jerome avec sa Spacecraft. Il fallait vraiment l'extraordinaire candeur – non dénuée de duplicité – de Felix Baumgartner pour ne rien cacher de l'électronique asservie du système EMC...
 
◉◉ Les racines de cette inhibition sont évidemment culturelles, quoique contingentes à l'histoire récente de l'horlogerie : on ne parle pas de corde dans la maison du pendu – et les marques suisses ont encore sur le cou la cicatrice du chanvre noué voici trente ans par les défis conjugués du quartz, de la dynamique japonaise et du conservatisme fossilisant des autorités horlogères suisses. Dans la haute horlogerie, le quartz n'est plus guère toléré que pour les collections féminines, mais de moins en moins depuis que quelqu'un – qui et pourquoi ? –  a unilatéralement décrété que les femmes adoraient ces mécaniques qui sont pourtant la terreur des vernis à ongles pour la mise en à l'heure ou le remontage. L'axiome est clair, et et précis : pas d'électronique dans la haute mécanique : ça choquerait les nouvelles fortunes asiatiques [pour lesquelles le quartz est synonyme de bas de gamme] autant que les intégristes européens [qui jouent les précieuses ridicules dès qu'il est question de quartz]
 
◉◉◉◉ La haute horlogerie peut-elle pour autant échapper à une électronisation qui innerve tout le quotidien ? Sans doute pas.Des passerelles commencent à se tendre, avec ces téléphones qui intègrent des composants mécaniques et même des sous-ensembles horlogers (Celsius X VI II), tout en essayant de résoudre le problème de la consommation d'énergie par un système de remontage automatique (Ulysse Nardin et quelques autres). Quand la numérisation gagne tous les objets de l'environnement immédiat, la contagion s'annonce inéluctable pour les montres. La montée en puissance des smartwatches ne peut qu'accélerer la mutation en rapatriant au poignet des fonctions électroniques qui n'y étaient plus assurées depuis près de vingt ans, ce qui relégitimera le fait de trouver, à proximité ou à la place de la montre, des informations intelligentes dont on va très vite se demander si elles ne seraient pas mieux dans la montre. Question de logique...
 
◉◉◉◉ La décomplexion de l'horlogerie suisse vis-à-vis de l'électronique aurait un avantage annexe : celui de permettre de baisser les prix des montres, aujourd'hui dangereusement trop élevé un peu partout dans le monde (doublement au cours de la dernière décennie). C'est aujourd'hui une question d'offre : la demande est là [encore faudra-t-il réhabiliter le quartz et lui redonner quelques lettres de noblesse], de nombreuses marques de moyenne gamme y sont prêtes, mais l'offre électronique tarde encore à faire preuve d'inventivité : on pense encore trop le quartz comme chemin de la facilité pour faire la même chose que les montres mécanique en moins cher. Seiko, Casio et les ingénieurs japonais n'ont jamais cessé d'innover dans ce domaine [à tel point que Casio dispose de toutes les technonologies requises pour valoriser une vraie montre intelligente], mais la Suisse n'a rien produit d'intéressant dans le domaine du quartz depuis des années : Urwerk prouve avec son EMC qu'il existe des partenaires suisses (Maxon) d'un immense talent dans ce domaine, mais on attend de nouveaux efforts d'imagination de manufactures comme ETA ou Soprod [qu'on se souvienne ici des moteurs pas à pas qui avaient permis au Calibre S  de TAG Heuer de faire la différence]...
 
 
◉◉◉◉ Toute stratégie e-mécanique se doit d'être créative. L'électronique n'est pas une technique de production moins coûteuse pour réaliser des montres classiques à des prix plus accessibles ! Une greffe électronique doit aller au-delà de ce que font les montres mécaniques, par exemple avec un transpondeur (Jaeger-LeCoultre pour Aston Martin). Avec une source d'énergie annexe [voire en optimisant le remontage par rotor, un peu superfétatoire dès le barillet est plein], on peut multiplier les affichages sur le bracelet [de multiples technologies le permettent] ou sur le verre saphir de la montre [principe de l'affichage tête haute sur les visières de pilotes] sans toucher à l'âme mécanique de la montre. Toutes les grandes marques ont des projets de ce type dans leurs tiroirs, mais la peur du qu'en-dira-t-on l'emporte...
 
◉◉◉◉ Le vrai tabou est moins celui de la puce électronique, comme ennoblie par les avancées de notre environnement quotidien high tech [un collectionneur de Patek Philippe a un iPhone dans sa poche] que celui de la batterie ou de la pile qui l'alimente – le mot batterie est ici plus chic que pile, connoté dans le très bas de gamme. C'est donc du côté de l'approvisionnement en énergie qu'il faut travailler la stratégie de message. C'est ce qu'a bien compris Urwerk en couplant un condensateur et un générateur énergisé par une manivelle. Quand on voit les difficultés soulevées par le rechargement par induction de la batterie d'une montre comme l'Emergency 2 de Breitling, on se dit que la solution pionnière de la manivelle – idée basique et banale, mais géniale – mobilisée par Urwerk pour l'EMC serait la solution idéale pour animer et recharger la mécanique d'une montre-balise de détresse. Et, au-delà,ce serait une excellente piste pour enrichir d'une surcouche d'électronique déportée toute montre mécanique dont le coeur battant serait strictement respecté, quoiqu'enrichi par des fonctions annexes numérisées. Il est tout de même extraordinaire que les laboratoires de la recherche aéronautique ou aérospatiale se passionnent pour les techniques de remontage automatique de l'horlogerie – transposables dans les satellites – quand les horlogers s'appuient encore sur des solutions mécaniques nées au XVIe et au XVIIe siècle. Heureusement, les travaux de TAG Heuer dans le domaine du magnétisme ou l'ouverture du chantier de la résonique chez De Bethune ont commencé à faire bouger les lignes... 
 
◉◉◉◉ « Les temps sont mûrs pour une mutation », répète souvent Felix Baumgartner qui tire cette conviction de ses contacts avec la communauté des amateurs et des collectionneurs. Il ressent l'évolution des mentalités face à l'électronique, qui n'est plus une force hostile, mais une compagne des séquences les plus personnelles (repérage urbain, conversations sociales ou amoureuses, consommation culturelle, etc.) de chaque vie. La modernité a fini par apprivoiser l'électronique en même temps qu'elle s'en protégeait par une blindage à la nostalgie rétro-mécanique. Un rééquilibrage du rapport de forces peut s'opérer : Urwerk aura eu le mérite d'anticiper et d'assumer une évolution devenue irrépressible. Ensuite, à nous les nouvelles idées, à nous les nouvelles fonctions et à nous les plaisirs savoureux d'un nouveau rapport au temps (ci-dessous : le schéma fonctionnel de la montre EMC qui sera dévoilée fin août)...
 
◉◉◉◉ « Ce qu'il faut comprendre du nouveau concept EMC d'Urwerk » : des explications techniques détaillées pour comprendre la portée et l'intérêt de ce système de contrôle électro-mécanique de la précision de la montre (Business Montres du 6 juin)...
 
 
 
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