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ENCHÈRES @2013 : Les Allemands donnent une leçon de culture horlogère aux Suisses !

Alors que la session genevoise de mai s'annonce plutôt terne et sans pièces marquantes, même chez Christie's, le catalogue d'Auktionen Dr. Crott constitue une alternative radicalement orientée vers les montres anciennes et la culture horlogère. Un segment de marché désormais ultra-minoritaire dans les catalogues genevois (vente samedi 11 mai, 12 h, à Francfort)...    ▶  En bref...❏❏❏❏ Rolex qui s'installe dans les catalogues pour compenser l'absence de …


Alors que la session genevoise de mai s'annonce plutôt terne et sans pièces marquantes, même chez Christie's, le catalogue d'Auktionen Dr. Crott constitue une alternative radicalement orientée vers les montres anciennes et la culture horlogère. Un segment de marché désormais ultra-minoritaire dans les catalogues genevois (vente samedi 11 mai, 12 h, à Francfort)... 

 
 
▶  En bref...
❏❏❏❏ Rolex qui s'installe dans les catalogues pour compenser l'absence de Patek Philippe... ❏❏❏❏ Une culture horlogère délaissée par les maisons genevoises... ❏❏❏❏ Une sélection qui constitue un vrai cours d'horlogerie ancienne... ❏❏❏❏ Une pièce émaillée copiée sur celle du musée Patek Philippe... ❏❏❏❏ Des pièces historiques dispersées au prix d'une montre de série contemporaine... ❏❏❏❏ Une des premières montres-bracelets automatiques de l'histoire du Xe siècle... ❏❏❏❏ Des pendules du XVIIe siècle et des montres ottomanes... ❏❏❏❏ Une dague émaillée de qualité musée... ❏❏❏❏ Une Patek Philippe dont personne ne sait à quoi elle servait... ❏❏❏❏ Un triple chronographe avec cinq aiguilles sur le même axe central...
 
 CATALOGUE N° 87 (AUKTIONEN DR. CROTT)
La culture Montres comme nouvel enjeu commercial...
 
◉◉ Le téléscopage de Baselworld et des ventes aux enchères de Genève n'a pas favorisé des analyses en profondeur sur les principaux catalogues qui seront dispersés le week-end prochain. Est-ce vraiment si regrettable ? Ni Christie's, ni Sotheby's ne présentent ce printemps de pièces exceptionnelles, ni non plus Antiquorum : tout se passe comme si le 175e anniversaire de la fondation de Patek Philippe, en 2014, anesthésiait les catalogues de 2013 – on stocke la bonne marchandise pour la présenter l'année prochaine aux amateurs ! Deux conséquences  sensibles : tout le monde (marchands, investisseurs, collectionneurs et amateurs) se rabat sur Rolex – même si les pièces fortes sont encore rares et le marché encore peu expert – et la maison allemande Auktionen Dr. Crott, que dirige Stefan Muser, en profite pour verrouiller à son profit le marché de l'horlogerie ancienne et de la culture horlogère, avec des lots qui sortent de l'ordinaire.
 
◉◉ Cette évolution vers les pièces anciennes était sensible depuis quelques sessions chez Auktionen Dr. Crott, avec une réduction manifeste du pourcentage des montres-bracelets (actuellement guère plus de 25 % des lots), et la quasi-disparition des montres neuves ou pratiquement neuves (déstockage des montres « portées un jour »). Place, donc, aux montres de poche, devenues ultra-minoritaires dans les catalogues genevois (guère plus de 10 % des lots), aux horloges anciennes et aux témoignages d'une histoire des objets du temps qui se perd. On peut se demander ici s'il est bien intelligent de la part des maisons genevoises de se désinvestir de ce terrain pour en laisser le bénéfice à leur concurrent allemand : d'une part, le marché n'est pas immunisé contre un retournement de tendances, qui verrait les amateurs européens s'intéresser à nouveau à des pièces historiques largement sous-cotées en dépit de leur immense intérêt mécanique et de leur rareté ; d'autre part, il est du devoir des maisons d'enchères leaders du marché de renouveler en permanence leur base de clientèle et de piquer leur curiosité en (ré)inventant sans cesse de nouveaux domaines de passion et de collection. Quand on sait la passion des nouveaux amateurs chinois pour tout ce qui témoigne de la culture des objets du temps et de l'héritage mécanique, on se demande si les maisons genevoises ne passent pas à côté d'un avenir possible : il n'y a pas que les montres neuves dans la vie et il n'y a pas que Patek Philippe pour animer les enchères...
 
◉◉ Passons donc aux choses sérieuses, avec le dernier catalogue d'Auktionen Dr. Crott (n° 87) : 604 lots, qui seront dispersés samedi 11 mai à partir de 12 heures, ce qui ne va pas simplifier la vie des enchérisseurs, puisque, cette année, Sotheby's a décidé de renoncer à ses ventes du mardi (qui n'ont pas donné les résultats escomptés, après l'abandon des ventes du dimanche soir) pour tenir ses deux sessions genevoises (403 lots) pendant toute la journée du samedi. Il est vrai qu'il n'y aurait guère de conflits d'intérêt à prévoir chez les collectionneurs tellement l'offre est différente d'une maison à l'autre. Examinons quelques lots, parmi les plus intéressants d'un catalogue qui est sans doute le meilleur de la maison allemande depuis plusieurs années : on ne lui reprochera que quelques pièces douteuses [même si un sérieux effort a été consenti pour faire le ménage dans les montres pour le moins improbables] et des procédures d'enchères tout aussi inhabituelles [quand on n'atteint pas le prix de réserve, l'enchère est attribuée, mais non confirmée dans l'attente d'un marchandage ultérieur avec le vendeur !]...
 
◉◉ Quelques Panerai historiques (dont le superbe lot n° 4, daté de 1953) pour se faire les dents, avant de passer à une rareté sous le marteau : une réguleur d'hyper-précision astronomique Fedchenko (lot n° 8, estimé 25-40 000 euros), qui reste la seule « montre » mécanique capable d'égaler la précision d'une montre à quartz (2 à 3 millisecondes par jour, soit 10 puissance 9 !). Suivent quelques montres militaires du XXe siècle [les amateurs allemands adorent !], des chronomètres de marine tout ce qu'il y a de plus vénérables (dont un curieux double face Bienaymé à Dieppe : lot n° 43), une paire de Lemania de la marine italienne (lot n° 38 et n° 39) et des régulateurs de parquet avant d'arriver à la dispersion d'une intéressante série de boîtes émaillées réalisées au XIXe siècle pour le marché ottoman...
 
◉◉ Suivent quelques montres de poche, dont quelques Bovet tardives, et une curieuse « montre-bateau » vénitienne pas forcément authentique (en tout cas très interpolée : lot n° 71, ci-dessus) avant d'attaquer une pendule impériale chinoise (lot n° 72), qui devrait logiquement atteindre les 300 000 euros si les collectionneurs chinois sont attentifs à la beauté d'une pièce genevoise datée de 1775-1795 et signée Cox. Suit une autre belle série de montres et de boîtes émaillées (dont une Ilbery, une rare Vaucher ou une Jean Fazy, ainsi qu'une tabatière de Jean-Georges Rémond), des oiseaux-chanteurs et des boîtes à musique de haute volée avant d'arriver au lot n° 117, une montre de poche à répétition des quarts Piguet & Meylan qui s'annonce à 80-120 000  euros, mais il serait douteux qu'elle les atteigne tellement elle semble copiée [une inspiration contemporaine des émailleurs russes ?] sur une montre quasiment identique – au talent près – à une montre de poche « chinoise » du musée Patek Philippe, où elle est décrite comme représentant la baie et le fort de Canton (ci-dessous). Même le mouvement – assez sommaire – est douteux dans le cas d'une attribution à Piguet & Meylan...
 
 
◉◉ Une des pièces-phare de la vente reste le lot n° 121 une dague émaillée historiquement très bien tracée depuis sa réalisation, vers 1800. Ce spectaculaire travail français (ci-dessous) était destinée au marché proche-oriental. Bref retour aux montres-bracelets avec quelques Rolex vintage – on peut douter de l'authenticité de la patine  des plus brunies (28 lots) – avant de replonger dans la culture horlogère avec une série de ces cadrans solaires portatifs qui étaient déjà des « montres » (objets du temps qui donnaient l'heure avec précision) à l'époque des Romains de l'Antiquité. Suivent quelques montres de poche du XVIIe, pièces sous-évaluées par les collectionneurs alors qu'elles sont presque toujours uniques et valent beaucoup moins cher qu'une montre contemporaine qualifiée de « haute horlogerie » par ceux qui assurent son marketing.
 
 
◉◉ Notez la belle montre Renaissance (tardive) du lot n° 184 ou des pendules de table comme le lot n° 190, le lot n° 192 (Ulrich Marquart), le lot n° 194 ou le lot n° 195 (ci-dessous), signée Jeremias Metzger et estimée 150-200 000 euros. Un chef-d'oeuvre d'une immense rareté, daté de 1580 et parfaitement conservé. Le retour au calme s'opèrera avec les montres de poche suivantes (très belle grande complication A. Lange & Söhne du lot n° 216, estimée 160-220 000  euros), qui ouvrent la voie à une série de pendulettes de bureau, où on remarque une jolie « pendule d'audience » d'Antide janvier (lot n° 241) et un très curieux négrillon qui roule des yeux en ouvrant la bouche quand il sonne les heures (lot n° 248 : en cartouche en haut de la page). Beaucoup de belles pièces d'horlogerie anciennes (horloges et pendules) dans les pages suivantes : moins de 10 000 euros sous le marteau pour des pendules du XVIIe siècle dont rêveraient beaucoup de musées ou même 50 000 euros pour une pendule de table baroque de 7770 signée William Creak (lot n° 282), ça reste un beau placement...
 
 
◉◉ Autre pièce majeure de cette dispersion : le lot n° 283, un tourbillon triple axe signé Knesebeck (en haut de la page), avec une lecture circulaire des heures et des minutes, le tout dans une taille (22 cm) qui permet d'admirer le moindre rouage. Encore des montres de poche, souvent très intéressantes, et quelques montres-bracelets, dont une étonnante Driva Watch (lot n° 354), qui est une des premières montres-bracelets automatiques, mises sur le marché deux ans avant les premières Rolex (ci-dessous). On retrouve au passage une des montres des ventes Only Watch, la Louis Vuitton de 2009 (lot n° 400), qui était déjà proposée voici quelques sessions aux enchères à Genève, mais on ne compte guère qu'une poignée de montres neuves...
 
 
◉◉ Pour les amateurs de raretés, un chronographe P.L. Droz daté de 1890 propose un dispositif rarissime : cinq aiguilles sur un seul axe, avec la possibilité d'un triple chronométrage très astucieux [des marques comme Roger Dubuis ou De Bethune travaillent à mettre au point un tel chronographe « central »] : estimé 14-20 000  euros, cette montre de poche (lot n° 436) fera le bonheur d'un vrai amateur de mécanique, qui aurait tout juste, pour le même prix, une Hublot de base ou une Rolex en or. Un peu de Breguet, dont une contrefaçon de l'époque (lot n° 467), quelques belles montres en or, une Paul Méroz dont les index du cadran porte les paroles du « Notre Père » en caractères microscopiques (lot n° 513 : en haut de la page), une belle série de tourbillons Frodsham qui sont autant de leçons de haute horlogerie traditionnelle (lot n° 524, lot n° 525 – le plus beau – et lot n° 526) et quelques montres-bracelets, dont quelques Patek Philippe, pour terminer cette séquence...
 
 
◉◉ On terminera ce catalogue avec une autre insigne rareté : un chronographe métronome Patek Philippe (lot n° 551), dont on ne connaît que quatre ou cinq autres exemplaires (dont les numéros de série se suivent). On ne sait d'ailleurs ni quelle est la partition représentée sur le cadran (ci-dessous), ni quel était l'usage précis de cet objet du temps : s'agissait-il d'une série limitée pour une société musicale ? L'estimation à 23-30 000 euros reste raisonnable pour une montre de poche en argent de 51 mm : sera-t-elle enfoncée ?
 
 
 
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