JEUDI : Pourquoi Christie's mise si gros sur Rolex et pourquoi Christophe Claret est devenu si dur à la détente...
Le 10 / 04 / 2014 à 08:05 Par Le sniper de Business Montres - 2570 mots
Sept coups de projecteur sur différents secteurs de l'actualité des montres : on y suivra la montée en puissance de Rolex chez les collectionneurs de lots millionnaires, les tribulations d'un Chinois en Suisse, la nouvelle joaillerie masculine à prendre au pied de la lettre et la traversée du désert d'un artisan nippon...
▶▶▶ ANALYSES, IN-10-CRÉTIONS, INFORMATIONS,ENQUÊTES, RUMEURS & MURMURES EN RÉSUMÉ (développements …
Sept coups de projecteur sur différents secteurs de l'actualité des montres : on y suivra la montée en puissance de Rolex chez les collectionneurs de lots millionnaires, les tribulations d'un Chinois en Suisse, la nouvelle joaillerie masculine à prendre au pied de la lettre et la traversée du désert d'un artisan nippon...
▶▶▶ ANALYSES, IN-10-CRÉTIONS, INFORMATIONS,ENQUÊTES, RUMEURS & MURMURES EN RÉSUMÉ (développements ci-dessous)...❏❏❏❏ CHRISTIE'S (1) : Rolex ? ❏❏❏❏ CHRISTIE'S (2) : Daytona ? ❏❏❏❏ CHRISTIE'S (3) : Oman ? ❏❏❏❏ CHAISES MUSICALES : Haidian ? ❏❏❏❏ CHRISTOPHE CLARET : anti-chocs ? ❏❏❏❏ HAJIME ASAOKA : tourbillon ? ❏❏❏❏ MY OWN : en toutes lettres ?
▶▶▶ LES INDISCRÉTIONS DU JOURNotées à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... ◉◉◉◉ CHRISTIE'S (1) : le catalogue Christie's des ventes horlogères de mai était très attendu, non seulement parce qu'il était le premier composé sans Aurel Bacs, qui a quitté Christie's à la fin 2013 [et qui devrait réapparaître très prochainement sur le marché, sans doute au moment de ses ventes : on peut faire confiance à son savoir-faire marketing !], mais aussi parce qu'il devait situer les ambitions de Christie's face à son compétiteur Sotheby's. Une fois de plus, avec ce qu'on sait du catalogue Sotheby's, Christie's l'emporte haut la main et n'aura sans doute pas de mal à égaler, sous le marteau, le montant cumulé de ses concurrents genevois, voire de tenter un doublement. C'est un catalogue (consultable en ligne) qu'Aurel Bacs aurait pu signer, à quelques détails près – comme l'agaçant tourbillon Breguet du lot n° 294, vrai cheval de retour sous le marteau, plusieurs fois invendu pour cause d'éléments suspects et d'interpolation côté fond, boîtier et cadran, ce qui fait beaucoup pour un lot dont on attend un million de francs suisses [notez cependant son échappement naturel, d'un immense intérêt horloger]. La vraie gourmandise, ce sont les deux centaines de Rolex de ce catalogue ambitieux de 440 lots : à certaines pages, on se croirait dans la légendaire vente Daytona Lesson One, qui avait vu Aurel Bacs adjuger 100 000 CHF à la minute, avec une moyenne de 240 000 CHF par lot vendu (Business Montres du 10 novembre 2013). Même sans Aurel Bacs, avec une marchandise de la qualité de ce catalogue, on devrait emballer les enchères. Passons sur les séries de Rolex Day-Date dans toutes les couleurs très (trop ?) recherchées. Belle série de Cartier venues d'Italie et de Panerai. Intéressante rareté horlogère à prix accessible, la Charles Oudin du lot n° 270 (accessible à moins de 10 000 CHF : en cartouche, en haut de la page), une montre à cadran mnémonique (pour retenir l'heure ou la date d'un événement)... ◉◉◉◉ CHRISTIE'S (2) : Rarement vues, une Rolex Milgauss (lot n° 422 : autour de 100 000 CHF à prévoir), une Patek Philippe réf. 1518 (lot n° 376 : au moins 700 000 CHF pour un quantième perpétuel aussi légendaire), une Rolex triple calendrier réf. 6062 (lot n° 366 : comptez 300 000 CHF), une Rolex Submariner de la Marine nationale (lot n° 356 : 80 000 CHF, ce qui est défensif pour la rareté), un chronographe Rolex réf. 6236 (lot n° 249 : sans doute pas moins de 200 000 CHF), une Rolex Submariner de la Navy anglaise (lot n° 174, qui se disputera autour des 100 000 CHF), le triple calendrier Rolex rebaptisé Jean-Claude Killy par les amateurs (lot n° 147 : 300 000 CHF pour un chronographe en acier) ou une Rolex Daytona Paul Newman (lot n° 409 : pas loin des 100 000) de cette qualité – il y a plein d'autres Daytona de cette trempe dans les pages de ce catalogue, dont la quasi-neuve Daytona datée de 1969 du lot n° 164 (autour de 120 000 CHF)... ◉◉◉◉ CHRISTIE'S (3) : Pour le coup, jamais vues, des montres comme la même Rolex triple calendrier réf. 6062n mais en cadran noir (lot n° 262, ci-dessus,) dont il serait indécent d'attendre un petit million), la Rolex pièce unique en émail cloisonné du lot n° 207 (ci-dessous : le million de CHF n'est pas loin, en haut de la page), la Rolex Daytona omanaise en or réf. 6265 (lot n° 205, ci-dessus, entre les deux premiers paragraphes : comptez 400 000 CHF, mais sans doute plus pour cette Khanjar), la Rolex Day-Date tout aussi omanaise réf. 1804 du lot n° 203 (on pourrait frôler les 100 000 CHF, en haut de la page, mais il y une quinzaine de raretés Rolex du même type arabo-persique dans la vente, et pas forcément de mauvais goût) ou la Rolex Daytona sertie réf. 6263 du lot n° 206, qui pourrait atteindre le million (ci-dessous). Manifestement, Christie's cherché les records du monde pour ces références et ne devrait pas avoir de peine à les décrocher : quand la marchandise est exceptionnelle, à peu près fresh to the market et garantie par une maison honorable, les amateurs cassent leur tirelire. Du coup, les Patek Philippe de cette vente semblent bien modestes, mais on peut imaginer que Christie's a prévu, pour la fin de l'année (période du 175e anniversaire de la marque) une nouveau festival, cette fois moins Rolex... ◉◉◉◉ CHRISTOPHE CLARET : inscrit au tableau d'honneur dans notre Baromontres de mars 2014, Christophe Claret sera-t-il l'horloger de l'année ? On ne reparlera pas ici de sa sublime Margot, la seule montre en quatre siècles d'horlogerie mécanique à avoir dédié aux amoureuses un effeuillage de la marguerite. C'est plutôt à sa Maestoso qu'on pense, pour son échappement à détente à force constante [dont nous avons déjà dit qu'il s'agissait plutôt, au sens académique du terme, d'un « remontoir d'égalité », formule marketing moins percutante que celle de force constante]. Seule l'expérience pourra démontrer que son dispositif « anti-tripping » (à traduire par « anti-bousculade » : schéma ci-dessous) répond bien au souci que posent les échappements à détente, naturellement sensibles aux chocs, dans les montres-bracelets : ils « sautent » de façon intempestive, avec deux impulsions par alternance, ce qui fait avancer la montre ou ce qui bloque le balancier en passant deux dents du balancier au lieu d'une. La came imaginée par Christophe Claret ne génère-t-elle pas des frottements intempestifs ? Parfaits dans les chronomètres de marine, stables et « tranquilles » [le spiral cylindrique de Christophe Claret reprend cet esprit], ces échappements de détente n'ont jamais trouvé leur place dans l'horlogerie de poignet, en dépit des multiples brevets suisses déposés dans ce sens. C'est au porter, à terme et non sur le papier, qu'on pourra décider des réelles qualités chronométriques de cette Maestoso – si dure à la détente... ◉◉◉◉ MY OWN : pas facile pour un jeune créateur de s'exprimer dans la joaillerie, a fortiori dans la joaillerie masculine, segment qu'on dit émergent depuis si longtemps qu'on se demande s'il existe vraiment. Alexandre Hodor a choisi de reprendre la question... au pied de la lettre, en surfant à la fois sur la tendance à l'ultra-personnalisation du luxe et sur une mode bling-bling devenue au fil des ans plus intime et moins démonstrative. Style « Parce que je le vaux bien ». D'où My Own (site ouvert dès ce week-end), une collection de pièces plutôt masculines (bagues, pendentifs, bracelets et boutons de manchettes : ci-contre) qui reprend des dessins de lettres de l'alphabet, munies de tous les sertissages possibles, pour dessiner un nouvel environnement sémantique avec cette joaillerie purement suisse. À chacun ses lettres de vie, à chacun son espace d'expression littérale (ci-dessous, une composition de bagues), à chacun d'éclairer les initiales ou les mots de son choix avec ses couleurs de pierres préférées. Pratique qui n'est évidemment pas interdite aux dames, pour porter les armoiries alphabétiques de leur preux chevalier... ◉◉◉◉ CHAISES MUSICALES : un CEO arrive, un autre s'en va ! Leur point commun, le groupe chinois d'investisseurs connu en Suisse sous le nom de China Haidian (même si la réalité de cette entité est plus complexe). Chez Raymond Weil, Elie Bernheim, qui était jusqu'ici directeur marketing et du développement de la marque, assure le passage aux commandes de la troisième génération (après son père, Olivier Bernheim, et son grand-père, Raymond Weil, le fondateur éponyme de la marque). Chez Corum, le départ d'Antonio Calce – qui n'a pas voulu signer, faute de garanties sur les investissements consentis, le contrat de cinq ans que lui proposait son actionnaire chinois – pose aujourd'hui plus de problèmes qu'il en résoud, alors que l'actionnaire chinois, Hon Kwok Lung, a relancé à Baselworld les discussions pour tenter (en vain) d'intéresser un grand groupe international au sort de Corum et qu'il en a également profité pour reprendre avec Olivier Bernheim de longues et intéressantes conversations à propos de Raymond Weil, marque qui le tentait déjà voici deux ans, avant que China Haidian ne se jette un peu inconsidérément dans l'aventure Corum. Les décennies passent, le plafond de verre culturel reste plus épais que jamais entre l'idée qu'on se fait en Suisse d'une marque et celle qu'on peut s'en faire en Chine : en 2013, à Baselworld, le tout nouvel actionnaire Hon Kwok Lung nous avait assuré qu'il était là, avec Corum, pour démentir la longue tradition des plantages sino-helvétiques dans l'horlogerie, parce qu'il avait choisi de faire confiance à des hommes et à un « style de management ». Une fois de plus, la malédiction a joué... ◉◉◉◉ HAJIME ASAOKA : c'était un des plus sympathiques ludions de Baselworld et il virevoltait, sans parler un mot d'anglais ni de français, mais toujours avec un formidable sourire, dans son stand de l'AHCI, pour nous présenter un tourbillon totalement in-house (image ci-dessous), ce qui prouve que ce jeune créateur japonais ne manque pas d'air, ni de courage. Venu à la montre par passion mais en passant par la mécanique générale. Hajime Asaoka (ci-contre) est un de ces artistes de la montre qui font honneur à la tradition horlogère et il a d'autant plus de mérite qu'il est prophète dans un immense désert horloger – non qu'il n'y ait pas de haute horlogerie au Japon [ce que la Grand Seiko démentirait immédiatement], mais cette horlogerie est très industrielle, sans la moindre vocation artisanale, sans ce tissu de fournisseurs, de concepteurs et de constructeurs qui constituent le plus fertile des terreaux pour l'horlogerie suisse. D'où la facture très classique de son tourbillon, dont nous reparlerons... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...