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LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD #30 (accès libre)
Nos dix espoirs pour la réussite de Baselworld en 2020 (et après)

Dernière séquence pour le Franc-tireur de Baselworld, ce qui va permettre à « Business Montres » de retrouver son rythme éditorial traditionnel et ses chroniques habituelles. Les regards se tournent maintenant vers l’édition 2020 – nous saurons alors si le « soldat Baselworld » a été définitivement sauvé…


❑❑❑❑ LE NOUVEAU WATCH INCUBATOR : alors qu’il avait été monté « à l’arrache », sans prétention stratégique précise, le Watch Incubator 2019 a pu regrouper 10 % des exposants horlogers de Baselworld (une vingtaine de marques) et vu passer quelques centaines de journalistes et de détaillants ? Cette réussite va permettre à Baselworld de doubler la mise (au moins) en 2020 et de regrouper dans un espace homogène, plus facile à dénicher (sans doute dans les halles), convivial, générationnelle et encore plus cohérent, toutes les marques qui tiennent à honorer le rendez-vous bâlois de leur présence et sans vouloir y dépenser des sommes fastueuses. Conçu comme une ruche horlogère, cet Incubateur a vocation à mettre en scène des jeunes (ou moins jeunes) marques en quête de visibilité, même si elles n’ont que quelques montres à présenter [voire à ne pas présenter quand il s’agit de préparer un lancement]

❑❑❑❑ LES NOUVEAUX ESPACES : la réouverture du Hall 2 pour les maisons joaillières (au sens large) est un signal positif qui marque la renaissance dynamique de Baselworld. Le Hall 3 – et peut-être même le Hall 4, voire le Hall 5 – se trouve ainsi libéré pour accueillir des espaces de vente ou d’exposition hors des espaces officiels occupés par les marques. Le regroupement de toutes les marques de montres dans le Hall 1 (sur trois niveaux) est aussi une évolution positive de l’offre horlogère. L’idéal serait que certaines des marques les plus « mûres » des Ateliers – les plus créatives et les plus notoires – trouvent un espace dans le Hall 1.0 nord, aux côtés des marques qui reviendront à Baselworld en 2020 : entre les restaurants à placer ailleurs et la réoccupation par les marques de ce qui était en 2019 le Centre de presse, il y a encore des friches locatives à cultiver…

❑❑❑❑ LES NOUVEAUX PRIX : on nous promet de 10 % à 30 % de baisse du prix moyen selon les espaces et les zones du salon. Et si c’était vrai ? Pourvu que ça dure et que la direction de Baselworld, qui n’a pas encore forcément renoncé à toutes ses mauvaises habitudes du passé [une rechute est toujours possible], ne tente pas de reprendre dans une main ce qu’elle veut donner dans l’autre. Toutes les marques n’ont pas besoin de tous les services de Baselworld, qui doit se faire à sa nouvelle identité de « plateforme de services » [un peu comme une conciergerie de luxe] et se défaire de sa culture de « vendeur de mètres carrés ». 

❑❑❑❑ LE NOUVEAU STYLE DES HALLES : si certains sont tentés de regretter la fumée des saucisses qui avait chassé les marques de Richemont vers Genève, la prolifération des restaurants à proximité des marques n’est pas forcément idéale – même s’il faut encourager Baselworld non seulement à multiplier les buvettes aux principaux carrefours des allées, mais aussi à baisser ses prix pour que les concessionnaires de ces buvettes cessent de pratiquer la chasse aux pigeons péniblement commentée sur les réseaux sociaux, où toutes les additions sont à présent reprises et tournées en dérision. Ce que les visiteurs veulent : des fleurs, des arbres, des allées qui donnent une impression d’espace, des rendez-vous de convivialité à l’intérieur comme à l’extérieur (devant le Hall 2 et à la sortie du Hall 1.0 nord, pour la traditionnelle bière de fin de journée), une signalétique intelligente [ce qui était loin d’être le cas en 2019], avec un balisage plus précis des espaces. Ce que dont les marques ont besoin : des regroupements affinitaires plus précis et plus logiques entre « niches » horlogères, pour éviter que les marchands de torchons cohabitent de trop près avec les marques de serviettes. Même en crise, l’horlogerie reste d’une grande susceptibilité statutaire…

❑❑❑❑ LA NOUVELLE DISSOCIATION FONCTIONNELLE : il aura fallu attendre 2019 pour que les exposants comprennent qu’il était absurde de mélanger dans un même espace les vitrines d’exposition, les salons de vente, les lieux de réception des médias et les salles de conférence. Toutes ces fonctions peuvent être séparées et délocalisées dans des espaces nettement moins coûteux que le Hall 1, où les mètres carrés sont rares et chers. Avec la contraction générale du nombre des exposants, ce ne sont pas les espaces disponibles qui manquent dans les halles officielles : encore une fois, la nouvelle logique de « plateforme de services » admise par Baselworld devrait prendre le pas sur le réflexe de « vente de mètres carrés » à tout prix et au détriment de toute efficacité. En 2020, la nouvelle « dissociation fonctionnelle » sera d’autant plus indispensable que le grand virage communautaire, numérique, événementiel et relationnel va conduire à une dispersion de l’agenda et à une explosion du nombre des manifestations par nature hétérogènes.

❑❑❑❑ LES NOUVELLES MARQUES : on ne va pas les lister un an avant, mais Business Montres a déjà fait le pari (risqué, mais réaliste) du retour à Baselworld d’une centaine de marques horlogères (de toutes les tailles et de toutes les origines), soit une vraie dynamique de reconquête de la singularité du rendez-vous de Bâle. Ceci dans le Watch Incubator comme dans les Ateliers ou même dans le Hall 1.0 ! Avec une seule table et quatre chaises comme dans le Watch Incubator ou dans les nouveaux stands « grand public » et « relationnels » sur lesquels travaillent déjà quelques marques, Baselworld reste irremplaçable : le salon se doit de recueillir dans les trois étages de sa grande halle horlogère tous les « dissidents » des éditions précédentes – notamment ceux qui squattent les suites et les espaces des hôtels voisins. Si la direction commerciale de Baselworld fait bien son travail et s’efforce d’adapter ses prix et ses propositions, il n’y aura plus de raison de payer plus cher pour des résultats moindres hors des halles officielles…

❑❑❑❑ LES NOUVEAUX REVENANTS POST-BALEXIT : entre gens rationnels, on arrive toujours à se parler et à s’entendre. C’était difficile avec l’égo légèrement boursouflé d’un René Kamm (l’ex-CEO de Baselworld) qui pensait connaître mieux que les horlogers les demandes de la communauté horlogère. C’était problématique avec Nick Hayek, qui a préféré habiller de considérations économiques biaisées son capricieux « Balexit » de l’été 2018 : le bide sidéral de son exposition à Zurich devrait l’inciter à replacer quelques marques à Baselworld, mais ce ne sera sans doute pas pour 2020. Si on était resté entre personnes rationnelles, Baselworld n’aura pas perdu les deux-tiers de ses exposants en quatre ans ! En revanche, bon nombre des groupes et des marques qui ont abandonné Baselworld n’ont plus aujourd’hui que d’excellentes raisons d’y revenir : la direction a changé, l’ambiance a changé, la mentalité commerciale a changé, la politique tarifaire a changé. D’autant que des groupes comme Movado, Festina, Timex et les autres peuvent ne plus venir avec toutes leurs marques, mais les disséminer au gré des espaces en fonction de leurs besoins précis de communication. On peut d’ores et déjà estimer que, le SIHH ne procédant pas à sa mue avant 2021, Baselworld 2020 sera « the place to be » pour la communauté horlogère, avec une focalisation des médias internationaux sur le « nouveau Baselworld » et un détour indispensable par Bâle pour ceux qui auront préféré Genève et d’autres places dans un premier temps. On peut là aussi parier que Baselworld bénéficiera en 2020 d’un effet de curiosité sans précédent depuis 2013 [date de l’installation dans les nouvelles halles] : ce n’est donc pas le moment de remâcher des vieilles rancunes.

❑❑❑❑ LA NOUVELLE MOBILISATION « COMMUNAUTAIRE » : même les contempteurs de Baselworld, ceux qui sont prêts à jurer que « Bâle est mort », ne peuvent pas s’empêcher de prêter attention à ce qui s’y passe. Qu’on l’accepte ou non, qu’on s’en félicite ou qu’on s’en désole, c’est vraiment à Bâle que bat, pendant une semaine, le pouls de l’horlogerie internationale. C’est pendant Baselworld que les médias du monde entier – sociaux ou traditionnels – se focalisent sur l’actualité des montres. Il revient à chaque marque d’organiser, en 2020, ses propres rencontres sur place, ses « dîners de cons » avec les collectionneurs, ses expositions thématiques et sa communication orientée vers le « grand public ». Si Baselworld joue le jeu, il pourrait y avoir également l‘embryon local d’une « cérémonie des Oscars » [pourquoi pas décentraliser sur les bords du Rhin un Grand Prix d’Horlogerie x Baselworld ?], voire des ventes aux enchères et des bourses aux montres [il faut que l’événement soit complet et mobilise toute la communauté au grand complet, du plus humble blogueur aux grands forums de référence]. Deux souhaits : ne plus voir autant de « tapineuses des réseaux sociaux » se répandre dans les halles, de bac à fleurs en bac à fleurs, pour y prendre des poses de divas dans le style des parodies pour classes maternelles. On rêve aussi d’un ou plusieurs TGV spéciaux quittant Paris, Londres, Milan ou Munich pour déverser à Bâle des flots d’amateurs énamourés, après quelques heures de voyage pendant lesquelles on pourrait fait de l’agit-prop pour les marques – ce qui donne un poids supplémentaire à notre proposition de scinder la semaine en deux : les premiers jours exclusivement professionnels ; les derniers pour le « grand public » des amateurs (Business Montres du 27 mars). On peut rêver, non ?

❑❑❑❑ LE NOUVEAU LOGICIEL MENTAL : le tout, pour la nouvelle direction de Baselworld, est de se placer définitivement dans une posture d’humilité pour animer ce qui sera un nouveau Baselworld post-Balexit. Ne plus penser aux mètres carrés à rentabiliser et au remboursement des emprunts démentiels signés pour la reconstruction des halles. Imaginer des bouquets de service à des prix décents et des facilités qui répondent vraiment aux nouveaux besoins d’exposition, d’expression et de communication des marques. Accepter la biodiversité de l’écosystème horloger et comprendre que les « petites marques » sont les abeilles qui pollinisent les arbres géants des grandes marques : tout le monde a sa place à Baselworld, les marques milliardaires comme les start-ups horlogères, les horlogers suisses comme les horlogers du monde entier, les maisons mainstream comme les agitateurs néo-conceptuels – le tout est leur proposer un habillage communautaire à leur taille. Si on se place dans cette disposition d’esprit et si on se décide à vraiment rompre avec l’ancien monde, les autres éléments de langage (numérique, communautaire, relationnel, affinitaire, etc.) trouveront vite leur traduction naturelle dans un nouveau monde. Tant qu’à refomater le logiciel mental du salon, profitons-en aussi pour se poser une question topographique : aujourd’hui à Bâle, pourquoi pas demain à Zurich, à Genève ou ailleurs ?

❑❑❑❑ LE NOUVEAU RÉALISME CALENDAIRE : la date d’un salon très tardif dans le printemps fera l’unanimité contre elle tant que Baselworld restera – du fait des grandes marques qui le contrôlent – un salon plus « B to B » (commercial) que « B to C » (relationnel). Autant en prendre acte et maintenir le principe d’une translation, dès que possible, vers le mois de janvier, avec ou sans accord passé pour caler cette période avec le SIHH, dont on ne connaît pas encore les évolutions programmées. Par principe, même si ce n’est pas la saison la plus agréable sur place [et en attendant que la profession s’accorde un jour sur une date plus tardive, avec une météo plus clémente et plus propice aux épanchements d’une vraie « fête communautaire sir les bords du Rhin], c’est néanmoins en début d’année que doivent se passer les prochaines éditions de Baselworld. Autre marque de réalisme calendaire : la bipolarité de la manifestation elle-même, avec une première partie de la semaine réservée aux professionnels, qui viennent de toute façon de moins en moins longtemps, et une seconde partie dédiée aux amateurs, qui ne peuvent pas non plus passer trop de temps sur place (Business Montres du 27 mars). Le mélange de ces deux publics est contre-performant. Un jour, peut-être, Bâle redeviendra la Mecque incontestable de la religion horlogère…

BASELWORLD 2019  

Nos précédents articles pour préparer, comprendre et anticiper les tendances de Baselworld 2019 (les liens pour les vingt premières séquences se trouvent dans l’épisode #20 ci-dessous)…

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 29 : « Baselworld en long, en large et parfois en travers : nos meilleurs et nos pires souvenirs de cette édition 2019 » (Business Montres du 28 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 28 : « Comment les douaniers suisses ont planté un couteau dans le dos de Baselworld » (Business Montres du 28 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 27 : « Il y a de toute façon un énorme problème de calendrier à régler, dans le choix de la date comme dans l'organisation de la semaine du salon » (Business Montres du 27 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 26 : « Pourquoi le concept de « communauté » rassemblée à Baselworld est illusoire et comment la mutation du salon va prendre beaucoup de temps » (Business Montres du 27 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 25 : « Le dos au mur, la direction de Baselworld effectue un impressionnant virage communautaire » (Business Montres du 26 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 24 : « Les dix rumeurs les plus bêtes de de Baselworld 2019 » (Business Montres du 23 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 23 : « Les vingt marques qui ont bien fait d’aller à Bâle cette année – seconde partie » (Business Montres du 25 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 22 : « Les vingt marques qui ont bien fait d’aller à Bâle cette année – première partie » (Business Montres du 24 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 21 : « Dix choses à dire (ou qu’on préfèrerait ne pas dire) à propos de Baselworld 2019 » (Business Montres du 21 mars)

❑❑❑❑   LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD # 20 : « Une veillée d’armes avant l’ouverture du Baselworld le plus décisif de ces deux dernières décennies » (Business Montres du 20 mars)


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