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LE SNIPER DU WEEK-END (accès libre)
Quels sont les vrais responsables de la pénurie de belles montres dans les boutiques horlogères ?

Mais aussi, en dix séquences, une information qui n’était absolument pas un poisson d’avril, les consignes secrètes du groupe Richemont à ses cadres, le clin d’œil à Will Smith, le grotesque ajouté au ridicule par le FHH et tout ce qui fait le sel d’une actualité horlogère démultipliée par la Wonder Week…


ÉDITORIAL

C’est tellement simple 

qu’il suffisait d’y penser…

Il y aurait bien une explication simple à l’actuelle pénurie des montres « iconiques » qui sont les plus demandées par les amateurs – inutile de revenir ici sur l’impossibilité de trouver une Rolex « professionnelle » en acier [même les Oyster Perpetual sont désormais sur liste d’attente], une Patek Philippe, une Laurent Ferrier, une MB&F ou une Richard Mille en boutique. On en oublie ! Cette explication est si simple, mais si évidente qu’on hésite à en faire état : tout s’est passé (depuis vingt ans) et tout se passe comme si, au lieu de gérer la puissance de la demande et donc la croissance de la production, les marques géraient d’abord leurs propres profits (ou ceux de leurs actionnaires), au détriment de l’ajustement naturel de l’offre et de la demande. Pour expliquer des pénuries ravageuses pour l’image des marques et les tensions spéculatives inhérentes à ces défaillances logistiques, difficile de trouver une argumentation plus simple, voire simpliste, que cette gestion prioritaire des profits préférée à la régulation de la croissance : ce n’est pas exactement ce qu’on enseigne dans les écoles de commerce, mais c’est bien, par consensus d’entraînement mutuel, une des nouvelles règles de base du turbo-capitalisme financiarisé…

On pourrait s’en indigner, mais, dans une économie libre, il est impossible de forcer un acteur économique comme une marque à investir dans un renforcement de son outil de production : personne n’a autorité sur les maisons de montres pour les pousser à agrandir leurs ateliers, à embaucher de nouveaux horlogers et mettre en place de nouvelles lignes de production pour satisfaire la demande. Dans une économie libre, la cupidité proverbiale des actionnaires n’est pas plus répréhensible que la rapacité phénoménale des spéculateurs : chacun peut allouer à sa guise les ressources dont il dispose, pour lui comme pour son entreprise. Dans une économie libre qui a opté pour une globalisation planétaire des marchés, tout opérateur peut considérer qu’il est préférable d’opter pour la rigidité low cost des sweat shopsdans les « ateliers du monde » plutôt que pour la réactivité plus coûteuse de sa propre supply chain. Seulement, ensuite, il ne faut pas s’étonner de voir les capacités de production courir sans jamais les rattraper derrière les effets « coup de fouet » de la demande [pour des considérations plus académiques sur ce bullwhip effect horloger, mis en lumière par Oliver R. Muller, on pourra se reporter, entre autres, à nos précédentes chroniques Business Montres du 27 octobre 2018 , Business Montres du 27 juin 2016 ou Business Montres du 2 juin 2013, le tout en accès libre comme il se doit pour nos archives)…

Sauf que… Sauf qu’on peut aussi considérer que cette préférence effrénée pour le profit plutôt que pour la régulation de la croissance est une faute économique majeure et une démonstration d’aveuglement court-termiste. Les économies administrées de type soviétique ont largement prouvé que les rigidités créent obligatoirement de la pénurie : ces rigidités artificielles faussent la perception intelligente des lois du marché (offre et demande) en ruinant les mécanismes naturels d’allocation des ressources. L’avidité préférée à la responsabilité industrielle, c’est l’assurance de créer des trous dans la raquette et de laisser se développer des poches de demandes insatisfaites, génératrices à terme, de dégâts pour l’image des marques. Quand on ajoute à cette irrationalité économique la facilité du recours paresseux à la réassurance néo-vintage, au détriment de la créativité qui fait prendre des risques aujourd’hui pour créer les icônes de demain, on voit se dessiner le paysage horloger contemporain, avec une polarisation absurde sur des marques qui n’ont plus rien à vendre [alors que les spéculateurs se goinfrent sur leur dos] et des amateurs qui n’ont plus rien acheter [hormis quelques icônes spéculatives] et qui doivent faire confiance au marché secondaire pour satisfaire leur passion [lequel marché de seconde main est en train de dépasser le marché primaire]. Quelque chose ne tourne plus rond dans cette situation suicidaire à moyen terme : la myopie stratégique conjuguée à la folie vintage de ce nouveau paysage horloger n’ont rien de rassurant. Comme on reparlera de tout cela dans les jours qui viennent, on vous laisse réfléchir là-dessus …

Quelques autres actualités 

et les bonnes questions du week-end

❑❑❑❑ LA PRÉCISION DU WEEK-END : eh oui, cette année, et sans doute exceptionnellement, Business Montres n’a pas honoré sa tradition des poissons d’avril rédactionnels – nos lecteurs en avaient pris l’habitude depuis plus de quinze ans. C’est une manière d’admettre que l’humour ne fait plus guère recette dans un milieu horloger pourri par les pisse-vinaigres, les petits comptables et les caporaux hystériques [suivez mon regard !] qui prennent tout au premier degré. Il est de plus en plus difficile d’être compris. D’où cette précision qu’il nous faut apporter à propos de l’information concernant Bernard Arnault blacklisté à Watches & Wonders par le groupe Richemont (Business Montres du 1er avril) : ce n’était pas un poisson d’avril, comme ont pu le croire bon nombre de lecteurs qui ont eu du mal à admettre que le groupe Richemont puisse se comporter ainsi. C’était pourtant vrai et c’était même une information éminemment stratégique et très révélatrice des tensions extrêmes qui opposent à présent le groupe Richemont et le groupe LVMH, qui va tout faire avec le « groupe Rolex » pour… blacklister les « furieuses ridicules » de Palexpo 2023. Le blacklisteur blacklisté : une fable horlogère contemporaine…

❑❑❑❑ LA RIGOLADE DU WEEK-END : l’amoncellement des critiques sur la direction du groupe Richemont à propos du blacklistage de médias comme Business Montres a poussé le groupe à réagir et à proposer une nouvelle accréditation à quelques médias ostracisés – pas Business Montres, bien sûr, puisque notre éjection est pour nous une forme de Légion d’honneur, le fait d’être blacklisté nous valant par ailleurs des témoignages de sympathie et de solidarité venus de nombreux visiteurs du salon, et même d’exposants dont nous ne pouvons livrer les noms. Le rétropédalage de la FHH vaut son pesant de cacahuètes, tellement il ajoute du grotesque au ridicule de la situation : « Nous venons de réaliser, après discussion avec nos collègues de certaines marques, que votre invitation est restée bloquée dans le système. Bien conscients que ce problème a été relevé extrêmement tard, je tiens à vous présenter toutes nos excuses » (citation in extenso d’un mail adressé hier à un blacklisté). « Bloquée dans le système » : c’est pathétique et c’est à se demander qui… débloque dans cette pétaudière…

❑❑❑❑ L’INDISCRÉTION DU WEEK-END : est-il vrai qu’on a verbalement interdit aux cadres du groupe Richemont de fréquenter les stands des autres marques à Watches & Wonders ? À notre connaissance, la consigne n’a pas été écrite, mais elle nous a été confirmée par différentes sources et elle a sans doute un rapport avec la question ci-dessous

❑❑❑❑ LA QUESTION DU WEEK-END : ce n’est pas un concours, il n’y a rien à gagner, mais que trouve-t-on le plus fréquemment dans les poches des cadres supérieurs du groupe Richemont ? Ces jours-ci, on y trouve un… curriculum vitae (CV), l’ambiance se révélant tellement pourrie dans les différentes manufactures que beaucoup songent à s’exfiltrer et à proposer leurs services ailleurs. Les petits comptables et les caporaux hystériques ne cessant d’en rajouter dans le ridicule [par exemple, le blacklistage de Business Montres et d’autres médias ou la barrière érigée face à Bernard Arnault], il est devenu de plus en plus difficile d’assumer une vraie loyauté au groupe…

❑❑❑❑ L’INSTAGRAM DU WEEK-END : « Eh, Will Smith, tu n’as pas entendu ce que Jérôme Lambert a dit sur ta femme ? » (page Instagram de Business Montres – n’hésitez pas à vous abonner, à liker, à commenter et à partager si vous aimez, ou même si vous n’aimez pas). Encore une intolérable provocation à la violence et à la haine de Business Montres, qui fait ici une non moins intolérable apologie de ce qui s’est passé lors de la récente cérémonie des Oscars…

❑❑❑❑ L’INDIGESTION DU WEEK-END : quand deux marques utilisent les services de restauration d’un même chef, aussi étoilé soit-il, les invités de ces deux marques ont toutes les chances de subir deux fois le même menu dans les salles à manger privées de Watches & Wonders. Deux fois les mêmes plats en deux jours, c’est assez nul pour l’image créative de la haute gastronomie suisse, et ce n'est pas mieux pour l'image des marques en question – mais, rassurez-vous, personne n’a osé en faire la réflexion aux puissances invitantes…

❑❑❑❑ LES MACARONS DU WEEK-END : tiens, en parlant de gastronomie, quelle était la meilleure table de cette Wonder Week, toutes expositions et toutes marques confondues ? De toute évidence et de l’avis des habitués qui ont fréquenté les différentes cantines du rendez-vous genevois : la table de Zenith, où officiait, au cœur de Genève, l’excellent Matthieu Dupuis Baumal, le chef du Château de la Gaude, près d’Aix-en-Provence. On lui décernera tous les macarons disponibles, cum summa laude. Lieu béni de ces agapes, qui seront malheureusement terminées ce dimanche soir : La Corne à vin et les sortilèges de ses voûtes peut-être doublement millénaires…

❑❑❑❑ LE DÉNONCIATEUR DU WEEK-END : un jour où on sera vraiment de mauvaise humeur, on vous donnera le nom du cafardeur qui a écrit à la Fondation Moulinsart pour se plaindre des détournements par Business Montres de certains dessins de Tintin ! Rappelons que c’est cette Fondation Moulinsart qui gère l’héritage d’Hergé et des créations de ses studios. Manque de chance pour le dénonciateur, qui n’était même anonyme, Moulinsart était au courant de ce situationnisme horloger et s’en amusait plutôt…

❑❑❑❑ LE BON RÉFLEXE DU WEEK-END : avez-vous déjà demandé à recevoir la newsletter quotidienne de Business Montres (inscription gratuite en bas de chaque page de nos informations) ? Tous les matins, à l’aube, cette newsletter vous informe des articles publiés la veille, avec le lien pour y accéder. Au bureau comme en déplacement, c’est le meilleur moyen de ne rien manquer d’important dans l’actualité horlogère et dans la vie de la communauté internationale des montres. 

❑❑❑❑ LE COUP D’ACCÉLÉRATEUR DU WEEK-END : compte tenu de l’actualité de la Wonder Week et des centaines de nouvelles montres qui y seront lancées, nous avons renforcé nos interventions éditoriales en passant de trois à quatre chroniques « Repérages » par semaine – c’est là que nous présentons les nouveautés du printemps, dans la jamais trop fleurie « langue de boîte » qui est la langue de bois des marques horlogères…

❑❑❑❑ LA BELLE IMAGE DU WEEK-END : « La Fondation de la haute horlogerie était une grande et sublime idée, mais il n’aurait pas fallu laisser les gougnafiers et les gâte-sauces s’en emparer… Ils ont tout gâché ! » (« Watch Comedy Club » #199 : Business Montres du 2 avril). Reviens, Franco, ils sont devenus fous ! Depuis qu’ils ont compris qu’ils vivaient leur dernière année aux crochets des marques exposantes et qu’ils n’auront sans doute plus leur confortable place au chaud pendant la Wonder Week 2023, les gougnafiers en question nous semblent de plus en plus nerveux…


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