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SALON QP : Londres est encore loin de Paris (et pas seulement sur la carte)

C'est toujours avec plaisir qu'on se rend à Londres, d'autant qu'il y a, pour cette fin d'année, au moins cinq excellents prétextes horlogers pour braver les brumes de la Tamise, l'accent cockney, le porridge au petit déjeuner et cette manie qu'ont les bus à impériale de rouler à gauche...   ◀▶ PREMIER PRÉTEXTE ◀▶Le Salon QP, principal rendez-vous horloger dans la capitale britannique...□□□ On se rend toujours à Londres, le coeur joyeux, pour …


C'est toujours avec plaisir qu'on se rend à Londres, d'autant qu'il y a, pour cette fin d'année, au moins cinq excellents prétextes horlogers pour braver les brumes de la Tamise, l'accent cockney, le porridge au petit déjeuner et cette manie qu'ont les bus à impériale de rouler à gauche...

 
 
◀▶ PREMIER PRÉTEXTE ◀▶
Le Salon QP, principal rendez-vous horloger dans la capitale britannique...
□□□ On se rend toujours à Londres, le coeur joyeux, pour y retrouver, avec le même plaisir, les pubs aux bières tièdes à déguster debout sur le trottoir, les autobus à impériale qui n'arrivent pas du bon côté quand on franchit les zebra crossings, les sandwiches aussi spongieux que délicieux, les petites Anglaises [apparemment de plus en plus élégantes], des grands magasins comme on n'en trouve nulle part ailleurs dans le monde, le charme inusable des boutiques de luxe où on s'étonne à chaque fois de trouver du personnel affable et souriant, les bobbies débonnaires et des vitrines où il se passe toujours quelque chose. Donc, pas vraiment besoin de prétexte pour aller découvrir la quatrième édition de ce salonQP qui commence à prendre de l'ampleur, ne serait-ce que parce qu'il est le seul au Royaume-Uni pour les amateurs de montres. Il se tenait cette année, comme l'année dernière, au coeur de Chelsea, à la fameuse Saatchi Gallery, sur deux étages (en haut de page)...
□□□ La matrice qui a inspiré tous ces salons dédiées aux marques "de prestige", mais pour le grand public, reste le salon Belles Montres, qui avait un an d'avance sur ses clones européens et qui reste donc leur parangon. Que donne donc une comparaison entre Belles Montres et Salon QP [QP pour "quantième perpétuel", au cas où certains l'auraient oublié] ? Même lieu de prestige (Carrousel du Louvre ou Saatchi Gallery), même si l'accessibilité urbaine de Belles Montres est plus évidente que celle de Salon QP. Même volonté d'attirer les grandes marques de référence [beaucoup de redondance entre les deux expositions, et même absence des mêmes, comme Rolex, Patek Philippe, Breitling ou les maisons du Swatch Group], en les mêlant à des jeunes marques ou à des créateurs indépendants, souvent peu distribués localement, qui servent un peu de "produit d'appel" et d'appât pour les aficionados de la montre [là encore, beaucoup de recoupements entre Paris et Londres]. À Paris, les "Petits-Suisses" [qui sont loin d'être tous Suisses] sont regroupés dans l'aile gauche ; à Londres, ils occupent aussi l'aile gauche, dans deux salles en U. La différence qui saute aux yeux, c'est le décor : Alain Faust, qui organise Belles Montres, a conçu un écrin simple (et noir) comme une petite robe noire de Chanel, reposant pour les yeux et valorisant pour le matériel de communication des marques et de leur vitrine. Cette unité chromatique ajoute à la dimension "luxe" revendiquée et mise en scène par Belles Montres. 
□□□ James Gurney, qui anime Salon QP, a laissé les murs blancs, sans imposer le moindre décor, ce qui cause un certain désordre visuel et beaucoup d'incohérence, les marques n'étant guère physiquement séparées les unes des autres, ce qui crée parfois des échos dissonants entre leurs univers. D'où une impression de confusion dans les salles "nobles" où s'ébattent les "grandes marques" : passe encore quand elles occupent un grand espace (comme TAG Heuer sur l'image ci-dessus) qui fixe le paysage, mais le chaos graphique est à son comble quand il juxtapose, le long d'un mur, plusieurs "grandes marques" qui ne lésinent généralement pas sur les images géantes et quand il faut se frayer un passage entre les colonnades de vitrines. D'une façon générale, l'étroitesse des salles – où les "stands" sont disposés face à face de part et d'autre d'une allée – étire un peu absurdement en largeur les espaces de marques, qui ne disposent d'aucune profondeur. Le plus efficace reste quand une marque occupe son emplacement avec des vitrines ultra-personnalisées [par exemple l'espace Bvlgari], sans tenter de s'imposer par ses affiches : on entre plus facilement dans son univers...
□□□ D'où, évidemment, et sans parti pris, l'aspect beaucoup sympathique, et presque plus ordonné, des salles du premier étage où sont reléguées les "petites marques" et les créateurs indépendants : peu d'impéralisme graphique, une PLV minimaliste et une grande facilité de contact, l'absence de décoration envahissante facilitant la relation personnelle entre le visiteur et l'exposant. L'homogénéité "conceptuelle" des salles qui regroupent ces "petites marques" rend également plus lisible leur offre, clairement différenciée d'une vitrine à l'autre du fait de la "force" des produits et de leur relative rareté chez les détaillants londoniens. Comme à Paris (Belles Montres), Salon QP est souvent la seule occasion dans l'année de pouvoir toucher et admirer de près des montres à contre-courant du mainstream...
□□□ Autres différences majeures : l'une dans l'éclairage [assez désastreux pour Salon QP, quoiqu'il soit également criticable, mais plus décent et plus digne à Belles Montres] ; l'autre dans la couverture médias, où Salon QP bénéficie du soutien appuyé (en papier, en ligne et en vidéo) du Telegraph britannique, support qui manque clairement à Belles Montres, en dépit des efforts du Figaro : il suffit de piger ce qui est publié ou mis en ligne côté Tamise pour comprendre la faiblesse de l'appui éditorial côté Seine. Égalité plutôt négative pour les espaces de convivialité, pas chaleureux du tout et même légèrement indigent chez nos amis anglais [ce qui est un comble au pays des pubs], mieux organisé, mais tout de même assez peu parisien chez les Français [un comble au pays des meilleurs bistrots du monde].
□□□ S'il fallait une conclusion à cette comparaison, il est clair que la route est encore longue pour Salon QP, qui semble encore chercher son identité et se chercher un style, alors que Belles Montres a trouvé son harmonie et ne demande plus aujourd'hui qu'à évoluer sur le chemin de la maturité et de l'affirmation de soi. Aussi agréable que soit le rendez-vous de la Saatchi Gallery [lieu mythique, mais finalement pas si adapté que cela à une telle exposition], il souligne à quel point Londres est encore loin de Paris, géographiquement certes, mais surtout horlogèrement. On ne dira bien sûr rien ici de la fréquentation, numériquement moins importante – et de loin - à Londres, même si, par effet proportionnel, le pourcentage des passionnés y semble supérieur...
 
 
 
 
 
◀▶ DEUXIÈME PRÉTEXTE ◀▶
La renaissance d'une horlogerie anglaise digne de ce nom...
□□□ Un des intérêts de Salon QP était de mettre cette année en valeur la nouvelle montée en puissance d'une horlogerie britannique digne de ce nom. Hier, les jeunes créateurs anglais n'avaient pas d'autre destin que celui de l'exil en Suisse : c'était le cas de Peter Speake-Marin, qu'on a retrouvé à Salon QP en businessman, costume trois pièces, cravate et cheveux presque peignés [l'appui d'un fournisseur lui permet aujourd'hui de sortir de la logique de l'atelier indépendant pour s'orienter vers la création d'un vraie marque : ci-dessus, la superbe et nouvelle Resilience en or rose, 42 mm]. Ce n'est plus le cas des nouvelles marques qui ont fleuri ces dernières années : le Royaume-Uni vit un printemps de ses nouveaux horlogers. Référence lancée voici quatre ans, Brémont semble voler de succès en succès [toutes proportions gardées, bien sûr], mais Salon QP a consacré l'émergence de nouveaux noms comme Meridian° (référence 2012 signalée par Business Montres dès le 29 juin dernier, mais qui devient depuis le salon la référence #85/Génération 2012), Thomas Mercer (référence signalée par Business Montres le 12 octobre dernier, avec la publication de son extraordinaire chronomètre de marine new look : ci-dessous) ou, nouveau lapin sorti in extremis du chapeau Salon QP, Robert Loomes, maison anglaise qui se flatte – ce qui est également le cas des maisons précédentes – de tout faire en mode "Made in England", mouvement compris [avant qu'on ne l'oublie, ce sera donc la référence #86/Génération 2012 de notre nomenclature de l'année). On pourrait citer d'autres marques anglaises lancées récemment, dans tous les styles et à tous les prix : nous reviendrons d'ailleurs sur les trois dernières dans les jours qui viennent...
□□□ Il est assez symbolique que ce bouquet de nouvelles marques ait éclos quelques jours après la vente aux enchères des souvenirs de George Daniels, dont les montres et les collections horlogères ont atteint des sommets sous le marteau – le plus souvent avec des enchères de collectionneurs anglais [c'est notamment le cas de la Space Travellers', que son acquéreur chez Sotheby's avait vainement tenté d'acheter du vivant de Georges Daniels, mais celui avait refusé des offres finalement pas très éloignées des résultats de la vente]. On en déduira que l'horlogerie britannique – pour l'instant, guère de Gallois ou d'Ecossais en vue ! – vit une intense phase de réarmement moral, avec des créateurs qui tiennent à leur légitimité locale et qui en sont très fiers : même si leurs mouvement peuvent parfois suisses de naissance [c'est le cas de Meridian°], ils sont personnalisés et soigneusement britannisés ! À classer dans cette renaissance : la récente première collection de Burberry, baptisée comme il se doit "The Britain". Tout un programme...
 
 
 
 
 
◀▶ TROISIÈME PRÉTEXTE ◀▶
Le premier anniversaire de l'Espace Montres chez Harrods...
□□□ La Watch Room a ouvert ses portes il y a un an et c'est déjà spectaculaire : il n'y avait au rez-de-chaussée d'Harrods que des biscuits au gingembre, des condiments et des thés anglais, alors qu'il n'y a plus que des montres et des bijoux. Dirigé par l'efficace Jason Broderick, l'Espace Montres ne s'impose pas grâce à ses mètres carrés [dans cette catégorie, difficile de concurrencer les Chinois], mais par la consistance de l'offre, par la sélection des marques et par la concentration de "boutiques" ("shop in shop") qui crée une sorte de village horloger chez Harrods. Tout le monde est là, à commencer par Rolex, mais aussi Richard Mille, Hublot, Audemars Piguet, Piaget, Vacheron Constantin et les autres, sans oublier une spectaculaire double boutique (horlogerie/joaillerie) pour Chanel ou une double boutique (homme/femme) pour Omega – du coup, c'est TAG Heuer qui fait petit joueur avec son corner-comptoir sans statut majeur. Bonne nouvelle, il est question d'élargir à quelques nouvelles marques indépendantes cet Espace Montres, alors que plusieurs "grandes marques" rêvent déjà d'augmenter leur surface tellement les ventes semblent suivre : ce sera difficile de pousser les murs, à moins de rogner un peu plus sur l'espace des sandwiches et des chips organic
□□□ Comble de bonheur devenu appréciable dans l'Occident horloger contemporain, les hordes sino-touristiques n'ont pas encore appris à se faire larguer par leur autobus devant Harrods, ce qui limite le nombre des comptoirs affichés en idéogrammes et de vendeuses qui ne s'expriment qu'en mandarin. S'il y a beaucoup de proche-Orientaux, on les remarque à peine : ils crachent moins par terre et ils bousculent moins les autochtones que les touristes sus-mentionnés. Les dizaines de vendeurs de cet Espace Montres sont des salariés d'Harrods (parfois des Français), recrutés pour leur passion multi-marques, et non appointés par la marque qui tient la boutique : c'est plus crédible pour faire partager cette passion ! Si on peut risquer une comparaison avec la froideur funéraire du Printemps à Paris ou avec l'entassement désordonné des corners horlogers aux Galeries Lafayette du boulevard Haussmann, on peut dire que Harrods a institué un lieu où tout n'est que luxe, calme et volupté, là où les grands magasins parisiens semblent encore marqués par l'héritage d'Aristide et Marguerite Boucicaut. Pour sa première année de succès, la Watch Room a commandé à huit marques une pièce unique "anniversaire", dont Business Montres estimait récemment que la plus réussie était celle de Hublot (31 octobre). Il serait cependant dommage de passer à côté de l'Excalibur Word Time réinventée pour l'occasion par Roger Dubuis (le fuseau de Londres est remplacé par une "Harrods time zone : ci-dessous à gauche) ou de ne pas jeter un oeil sur la Vacheron Constantin Métiers d'art "Harrods", émaillée et guillochée (ci-dessous, à droite).
 
 
 
 
 
◀▶QUATRIÈME PRÉTEXTE ◀▶
Le non-conformisme so british de quelques détaillants londoniens...
□□□ À un saut de taxi d'Harrods [on ne résiste pas aux taxis londoniens],  on passe dans Mayfair et on débouche sur les boutiques de luxe de Mout Street, qui mélangent la mode et les fusils (Purdey), les bagages (Goyard) et les montres (William & Son) : les deux marques citées précédemment situent bien le type de luxe de cette rue vouée à l'exclusivité et à certains principes de l'art de vivre européen. Pas très étonnant, donc, que les marques sélectionnées par William & Son relèvent de cet univers, puisque c'est la seule boutique britannique pour Laurent Ferrier ou Romain Gautier, FP Journe ou H. Moser & Cie, De Bethune ou Charles Oudin – ce qui n'exclut pas quelques grandes marques, dont on a picoré les catalogues pour n'en retenir que quelques modèles assortis à l'esprit de la maison : Hublot, Audemars Piguet, Breguet, etc. comme quoi, quand elles veulent, les marques savent ne pas imposer aux détaillants des stocks délirants !). Même rigueur dans la sélection des bijoux, des cuirs, des accessoires masculins, des instruments d'écriture ou des jeux de société : beaucoup de British Artisans, de signatures exclusives et de créations qui font de William & Son une sorte de "petit Colette" du grand luxe tel qu'on le concevait avant les délires des années-fric et la banalisation du masstige
□□□ Grande classe : William & Son doit être la seule boutique au monde où un client peut, pour s'amuser [c'est fait !], juxtaposer un micro-rotor Laurent Ferrier et une H. Moser & Cie pour en apprécier les différents. Si on aime les heures décentrées, on peut librement comparer les finitions d'une Romain Gauthier et d'une FP Journe. Sur un même plateau, une De Bethune et une Hublot, avec un duel de dames – une Piaget et une Jaeger-LeCoultre – pour pimenter l'expérience : une vraie leçon d'horlogerie créative et de design contemporain en quelques minutes, avec d'inlassables sourires et la compétence de vendeurs qui connaissent leur métier. C'est là, chez William Asprey ("le" Asprey d'Asprey, qui n'appartient plus à sa famille) qu'on se prend à rêver d'une nouvelle distribution, dont les détaillants aimeraient les montres plus que les marques et sauraient expliquer à leurs clients les menus détails qui font la différence entre deux offres. Des détaillants qui ne se contenterait pas de proposer des produits trop marketés pour être honnêtes à des clients trop friqués pour l'être [honnêtes !]. Des détaillants à qui on n'imposerait pas des "kits" annuels préparés à l'avance et des volumes irréalistes qu'on retrouvera inévitablement sur les marchés parallèles. Bref, des détaillants qui feraient vraiment leur métier, sans se contenter de "pousser les cartons" livrés par les marques. Si vous avez des doutes, allez donc faire un tour dans Mount Street (W1K 2TY)...
 
 
 
 
 
◀▶ CINQUIÈME PRÉTEXTE ◀▶
L'exposition "The Mastery of Time" montée par la Fondation de la haute horlogerie...
□□□ Une excellente leçon d'horlogerie à boucler en une demi-heure maximum : pas trop de pièces en vitrine, juste assez pour faire comprendre d'où vient l'horlogerie, avec des présentations pédagogiques courtes et sans excès didactiques, un cadrage historique plutôt serré (quatre siècles à balayer) et un regard d'historiens (au pluriel parce qu'ils sont deux) sans oeillères, ni préjugés diplomatiques pour la "splendeur" des marques. "The mastery of time", qui deviendra "La conquête du temps" lors de son retour sur le continent, était en soi une bonne raison d'aller au Salon QP : on retrouvera l'exposition à Paris (salon Belles Montres), puis au SIHH à Genève. Même un amateur très éclairé trouvera là de quoi satisfaire sa curiosité et sa passion pour les mécaniques du temps, ce qui n'exclut pas la présence de deux (!) horloges atomiques (ci-dessous) et de quelques montres à quartz – qui n'ont finalement pas la moindre honte à éprouver en se frottant ainsi  à des montres de l'école de Blois ou à des montres à complications de la vallée de Joux. C'est le sens de la perspective tracée par cette exposition, à l'occasion de laquelle un livre a été édité : s'il ne remplace pas l'ouvrage de Dominique Fléchon (La Conquête du temps), il le complète en le synthétisant...
 
 
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