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WONDER WEEK 2023 #04
À ne manquer sous aucun prétexte : sept merveilles du monde de la mécanique d’art et de l’extase joaillière

L’horlogerie, ce ne sont pas forcément les icônes inusables qui masquent la dramatique panne de créativité des grandes marques – à quelques exceptions près. Ce sont, en revanche, des propositions qui décalent, parfois avec violence, le regard que nous portons sur le temps qui passe.


Le cœur du réacteur nucléaire de cette Wonder Week, ce ne sont pas forcément les marques qui trustent les colonnes des grands médias qu’elles subventionnent, mais le grouillement obscur des marques de niche qui s’ébattent un peu partout dans Genève, dans des espaces qui vont de la luxueuse double suite dans un grand palace des bords du lac au guéridon de bistrot squatté dans un bar d’hôtel. Premier repérage de quelques merveilles à ne pas manquer pendant la Wonder Week qui vient de s’ouvrir…

❑❑❑ BIVER : ce sera pour l'instant sans bone image, puisque la version sertie du Carillon Tourbillon que viennent de dévoiler Jean-Claude Biver et son fils Pierre n’existe encore qu’à l’état de prototype, mais le raffinement joaillier est inédit : on a poussé le sertissage jusqu’à garnir de diamants le dessous [à peu près invisible et en tout cas jamais regardé] du verrou d’armage de la répétition minutes – on voit ci-dessous les diamants sertis dans le logement de ce verrou quand il est poussé. Ceci avec des diamants taillés en « Biver Cut » – ne cherchez pas, c’est nouveau, ça vient de sortir ! Et c’est une world première dans la joaillerie horlogère…

❑❑❑ MIKI ELETA : l’horloger venu des Balkans pour exercer son art en Suisse [encore un « septuagénaire bondissant » : Business Montres du 24 mars !] nous régale cette année d’une pièce unique absolument époustouflante, qu’il faut absolument aller admirer à l’espace de l’AHCI (Académie horlogère des horlogers indépendants) de la place des Bergues. Après la Wonder Week, cette horloge complètement hors normes ira disparaître pour toujours (ou presque) dans les collections d’un palais proche-oriental ! Il s’agit d’un château-fort totalement onirique, qui donne l’heure et qui s’anime d’une course de chevaux [passion arabe s’il en est !] dont les résultats sont totalement aléatoires. Pendant que les sept chevaux galopent (grâce à de subtils engrenages d’automates) sur le perron du château (54 cm de largeur, 26 cm de profondeur, 46 cm de hauteur), on peut lire l’heure sur la façade : le grand cercle affiche ces heures en chiffres à graphie indo-arabe, avec une indication figurative du jour et de la nuit (cheval ou étoile stylisée), ainsi qu’une phase de lune au centre de ce disque des heures. Le disque des minutes est logé dans la petite tour (flèche verte), avec un rappel sur le donjon. C’est sans doute l’objet du temps le plus monumental de cette Wonder Week genevoise…

❑❑❑ JOHN-MIKAËL FLAUX : le jeune horloger indépendant français nous propose une pièce unique qui pourrait très bien ne pas le rester tellement elle est amusante et, surtout, porteuse, de développements te d’animations. C’est la première fois qu’une abeille d’argent nous l’heure, son dard pointant sur un socle autour duquel elle tourne et son corps abritant les rouages (entièrement manufacturés dans l’atelier de John-Mikaël Flaux) d’une mécanique qui bat à 18 000 A/h avec une réserve de marche de 40 heures (le remontage se fait par une clé). Cette horlogerie hyménoptérique est une première mondiale : sur l’image ci-dessous, il est à peu près 7 heures…

❑❑❑ HYT : on revient là dans un registre d’apparence plus « classique », puisqu’il s’agit d’une montre-bracelet, mais la démesure technique et esthétique de ce tourbillon conique le rend totalement exceptionnel. Pour les détails techniques, on se reportera à notre présentation d’avant la Wonder Week (Business Montres du 26 mars), mais il faut avoir passé au poignet cette « bulle » d’animations mécaniques sur trois axes pour bien comprendre la portée avant-gardiste d’une telle dynamique horlogère. Bravo à Éric Coudray pour la mise en scène de ce grand cirque fluido-mécanique : ce tourbillon conique restera sans doute comme une des plus « importantes » montres de cette Wonder Week – son prix est évidemment indécent [pas loin de 400 000 euros TTC !], mais est-ce bien déraisonnable quand on compare cette compilation d’art mécanique à celui des pièces plus industrielles qui se facturent à sept chiffres ?

❑❑❑ JACOB & CO. : les vénérables institutions de la place Vendôme peuvent aller se rhabiller tellement ils jouent petit bras à côté de cette carpo-joaillerie uperlative ! Jacob & Co. leur inflige le camouflet d’une montre en diamants jaunes qui sera facturée dans les 20 millions de dollars et qui a toutes les chances de se vendre en l’état à un vrai client [contrairement à d’autres propositions du même type imaginées par d’autres marques : Business Montres du 27 mars]. L’extravagance est dans le choix de la rareté par les diamants jaunes autant que dans leur fluidité géométriquement maîtrisée : pour le clin d’œil horloger, on a rajouté à ce coffre-fort de poignet un tourbillon mécanique, mais cette Billlionaire Timeless Treasure pourrait très bien s’en passer. Par sa complexité lapidaire, mais aussi par l’harmonie de l’éclat de ces diamants (calculée pour les rendre encore plus scintillants), cette montre est un défi joaillier – l’exécution est purement genevoise ! – autant qu’une provocation face aux frilosités de l’établissement horlo-joaillier : c’est là qu’on reconnaît bien la « patte » de Jacob Arabov – des diamants comme s’il en pleuvait, d’accord, mais jamais sans un zeste d’insolence…

❑❑❑ REUGE : voici donc le retour des « horloges de vestibule », celles qu’on suspendait au plafond pour y lire l’heure par-dessous. Il s’agissait très souvent de « cages à oiseaux chanteurs », qui célébraient chaque passage d’heure avec un concert de sifflement. Récemment reprise par la manufacture De Bethune, qui compte bien en faire son bras armé « musical », la maison Reuge revient à cette tradition, en nous donnant une version contemporaine et comme stylisée de ce que pourraient être, aujourd’hui, ces « cages à oiseaux ». On va donc supprimer la cage, ramenée ici à un branchage forgé à la main par Denis Flageollet, qui maîtrise les beaux-arts du feu avec autant d’ingéniosité que les beaux-arts du temps. Les oiseaux bleus sifflent à la demande, pendant que les heures défilent dans le guichet latéral du fond de ce perchoir, tout en s’affichant avec des aiguilles classiques sous le perchoir, de façon à être lues par-dessous. Pour une fois, on peut parler sans mentir d’une horlogerie… tridimensionnelle, dont la réalité est ici augmentée par le sifflement de ces oiseaux emplumés de bleu. Sacrément bluffant comme démonstration…

❑❑❑ ALAIN SILBERSTEIN : la signature Silberstein est évidente, tant dans le style de ce très singulier objet du temps que dans sa désignation – ce sera une « horlogette nomade » et elle s’appelle « iZman », avec un « i » pour signifier sa prétention à la modernité électronique [vous savez, iPhone, iPad, etc] et un Zman qui signifie « temps » en hébreu. À prononcer « aïzeman » ! Si les officiers emportaient encore des pendules dans leurs cantines, ce serait la « pendule d’officier du XXIe siècle, format smartphone (144 mm x 74 mm) avec chevalet repliable intégré, mais toujours avec une impressionnante clé de remontage, très astucieusement logé dans la carrure de l’horlogette. Pour ce qui est du respect des traditions horlogères, il s’agit d’une adaptation du tourbillon mécanique huit jours d’Olivier Mory, avec heures, minutes, date, jour par smiledays, réserve de marche, double fuseau horaire (le second sur vingt-quatre heures) et réveil. Le boîtier est en titane, avec un fond saphir pour apprécier ce mouvement. Le mouvement étant en phase de test, l’horlogette iZman est en souscription dès le mois de mai (le prix devrait logiquement respecter les canons de la haute horlogerie) pour une livraison à l’automne. Cette iZman est bien la preuve que les « septuagénaires bondissants » ont du ressort et qu’ils restent paradoxalement le meilleur recours de l’horlogerie en 2023 (voir notre article Business Montres du 24 mars)…

Comme d’habitude, les montres les plus intéressantes n’étaient pas forcément celles qui étaient sur les plateaux de présentation de cette Wonder Week, mais celles qui restaient dans les poches des managers et dont le lancement est prévu pour le début de l’été, l’automne ou la fin de l’année. Nous en reparlerons donc plus tard…


Coordination éditoriale : Eyquem Pons



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