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ROCK’N’HORL 2020 (accès libre)
Un poème lapidaire, épique et naïf, qui nous émeut par son potentiel onirique

À la périphérie créative des objets du temps, il existe des « merveilles » uniques et singulières, qui sont précisément, dans leur univers enchanté, un défi au temps et à la rationalité obtuse des hommes.


Au sens strict et scientifique du terme, ce Rocher aux merveilles créé par Van Cleef & Arpels est un hapax, une « forme », un artefact dont on connaît pas d’autre exemple, un objet unique et singulier dont on ne connaît qu’une seule occurrence dans notre univers de référence. Van Cleef & Arpels a voulu condenser dans son Rocher des merveilles à la fois son savoir-faire minéralogique [c’est pourquoi il est à l’honneur dans l’exposition « Pierres précieuses » du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, jusqu’au 14 juin prochain] et son savoir-faire haut-joaillier, tout en illustrant grâce à une faune et une flore fantastique l’imaginaire onirique qui fonde l’identité de la marque.

Le résultat est proprement confondant : « Sur un sol en quartz bleu s’élève une montagne escarpée en lapis-lazuli, comme sortie d’un songe, nous explique Nicolas Bos, le président de Van Cleef & Arpels. À ses pieds, tapie dans une forêt de cristaux de tourmaline, une chimère de pierres précieuses veille sur un trésor : une bague sertie d’une tourmaline bicolore. Autres habitantes de ce refuge merveilleux, une licorne et deux fées se reposent dans un décor de fleurs, rafraîchi par une cascade en diamants et saphirs ». Il se crée autour de ce Rocher aux merveilles une atmosphère épique et naïve de contes et légendes venues d’un autre temps. Nicolas Bos, qui est un homme de culture, précise : « C’est une épopée baroque qui pourrait évoquer l’Orlando Furioso de l’Arioste » (le Roland furieux, composé au début du XVIe siècle par le poète italien Ludovico Ariosto). C’est effectivement une bonne référence pour mieux comprendre ce véritable et précieux « support de méditation », où les pierres brutes voisinent avec les gemmes taillées et dont chaque élément sculpté, mais détachable, peut vivre sa vie avec ou sans son biotope naturel. L’harmonie des couleurs – pas forcément évidente au premier regard – participe de cette émotion renouvelée dès qu’on se rapproche du Rocher pour en percer les secrets décelables dans chaque détail. Il ne manque finalement à ce Rocher qu’une petite touche horlogère, un cadran qui serait mystérieusement caché par quelque précieux artifice, une montre qui ne se dévoilerait qu’à celui qui saurait la trouver pour passer quelques heures dans cette quatrième dimension…

On va passer rapidement sur les beaux-arts de la haute joaillerie illustrés par cette création, la multiplication des tailles et la profusion des sertis, les trésors d’ingéniosité déployés par les artisans rassemblés par Van Cleef & Arpels pour mener à bien ce grand œuvre d’alchimie joaillière, les 6400 heures de travail nécessaires pour finaliser cette pièce (plus de 4700 heures pour la seule joaillerie, plus de 1200 heures pour le sertissage et près de 500 heures pour le polissage) ou le mystère subtil des lumières dont chaque éclat ouvre une nouvelle dimension chromatique et démultiplie la féérie de l’ensemble. On se prend à rêver de la femme qui aura le bonheur de vivre avec ce Rocher aux merveilles dans son dressing et qui saura, au fil des jours, en détacher la Licorne pour la porter en clip, accrocher la tête de la Chimère à un bracelet, enfiler la très changeante bague de tourmaline ou porter en pendentif la fée Ostara et sa spessartite d’un orange de feu. À moins qu’elle ne cueille pour s’en parer un des bouquets de laurier-rose (saphirs et rubis) qu’elle rafraîchirait sous l’étincelante cascade de gouttes de diamants et de rubis…

Ce Rocher aux merveilles témoigne d’une rare maîtrise des métiers que peut déployer une maison comme Van Cleef & Arpels, mais aussi de la maturité de son approche créative et de la densité « culturelle » qu’elle sait mettre dans les univers qu’elle ne cesse de recréer. Si toutes les maisons de haute joaillerie aujourd’hui en compétition avaient la même sûreté dans l’expression de leur vision du monde, on ne pourrait être que rassuré sur l’avenir de ce marché. Si les marques d’horlogerie avaient la même fermeté dans l’art d’exprimer leur singularité créative, on serait rassuré sur le devenir des beaux-arts de la montre – mais on en est, hélas, encore loin…


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