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VENDREDI (accès libre) : Le Sniper pas vraiment d'accord avec les accords désaccordés...

Quelle pantalonnade, cette histoire d'« accord amiable » avec le Swatch Group, tellement mal ficelé qu'il a été remballé par la Comco qui l'avait elle-même préparé ! Et quelle couillonnade, cet « accord de libre échange » avec la Chine, qui fait de la Suisse le sas d'entrée des Chinois en Europe, sans le moindre avantage pour l'horlogerie, ni d'ailleurs pour l'économie suisse...  ▶▶▶ RICH' ARTLe Viking du bas-relief genevois...◉◉◉◉ Genevois d'adoption, …


Quelle pantalonnade, cette histoire d'« accord amiable » avec le Swatch Group, tellement mal ficelé qu'il a été remballé par la Comco qui l'avait elle-même préparé ! Et quelle couillonnade, cet « accord de libre échange » avec la Chine, qui fait de la Suisse le sas d'entrée des Chinois en Europe, sans le moindre avantage pour l'horlogerie, ni d'ailleurs pour l'économie suisse...

 
RICH' ART
Le Viking du bas-relief genevois...
◉◉ Genevois d'adoption, venu de Suède après un détour sportif par la France, Richard Lundin (ci-dessus et ci-dessous : à son poignet, un prototype mono-aiguille Badollet) a appris la gravure et la décoration horlogère (squelettage) sur le tas, en travaillant pour de grands ateliers de la place, puis, à son compte, pour des marques célèbres. Face au lac de Genève et à son Jet d'eau, il perpétue la tradition locale des cabinotiers, gravant ici, anglant là, squelettant ou lettrant ailleurs, avec des burins qu'il fabrique lui-même et des outils qu'il bricole à sa main pour mieux servir son art. À portée de regard, le bordage d'un drakkar (nom français du snekkja scandinave) viking, un bois fossilisé par son séjour millénaire dans l'eau : « Homme libre, toujours tu chériras la mer » (Baudelaire). Libre, il l'est, à portée de flèche de la rade. Viking, il l'est resté – et pas seulement à cause de son regard bleu du ciel. Même sa signature d'artiste s'inspire de l'alphabet runique : de nombreuses grandes marques – anciennes ou récentes – confient à « Rich'Art » (le nom commercial de son atelier de gravure) des pièces à décorer, à angler au burin, à squeletter ou à sculpter dans le respect des règles de la tradition horlogère. Son plaisir : l'intégration de ses micro-sculptures naturalistes dans des cadrans en trois dimensions qui fusionnent plusieurs techniques de décoration (émail grand feu, guillochage ou bas-relief, son autre spécialité). Il excelle aussi avec les frises de volutes et de feuillages dans le goût fleurisan, mais il ne faudrait pas le pousser beaucoup pour libérer son imagination vers le style de ses ancêtres scandinaves, qui sculptaient pierres et solives de motifs d'une étonnante modernité. Métier d'art ? Non, art de bien faire son métier...
 
 
 
 
« ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE »
Les Suisses n'ont rien compris à la manoeuvre...
◉◉ On se doutait que l'accord de libre-échange (ALE) signé entre la Suisse et la Chine  (Business Montres du 5 juillet et argumentation à la Radio suisse du 6 juillet). Les lecteurs de Business Montres avaient eu un avant-goût de ce « coup de bluff » dès le 28 mai dernier, dans un grand moment de solitude médiatique. On n'imaginait cependant pas que ce serait aussi nul ! Non seulement les Chinois ont ligoté les Suisses dans cet accord sans quasiment rien concéder d'essentiel, mais ils disposent à présent d'un sas commercial au coeur de l'Europe pour faciliter – du fait des accords bilatéraux – leur entrée sur les marchés de l'Union européenne : c'est bien joué de leur part, mais assez piteux du côté suisse. Le Quotidien du Peuple ne cache pas sa joie, ni l'objectif européen placé derrière cet accord anecdotique avec les Suisses, qualifié de « modèle de coopération avec le continent européen ». Il précise avec lucidité : « On s'attend généralement à ce que l'ALE entre "le coeur de l'Europe" et la deuxième économie du monde renforce la relation gagnant-gagnant entre les deux pays, mais serve également de modèle pour la coopération économique entre Beijing et Bruxelles, dans un climat de tensions anti-dumping ».
 
◉◉ Le déséquilibre est statistiquement patent : 7,8 milliards de CHF exportés de la Suisse vers la Chine, contre 10,2 milliards en sens inverse. Immédiatement, tarif zéro sur 99,7 % des produits importés de Chine vers la Suisse, mais – à terme ! – tarif zéro sur 84,2 % des produits importés de Suisse en Chine. On a oublié de rappeler aux négociateurs helvétiques la règle de base de toute discussion avec un idéologue formé au matérialisme dialectique du marxisme-léninisme : « Ce qui est à moi est à moi ; ce qui est à vous est négociable ». Du coup, la Suisse a permis à Beijing d'établir une « tête de pont chinoise en Europe » (Le Temps) : merci aux champions du Swiss Made, qui ont délibérément fermé les yeux sur les questions relatives aux droits de l'homme et refusé d'intégrer les normes sur le travail dans ces accords [heureusement pas encore ratifiés par le Parlement suisse]...
 
◉◉ Pour ce qui concerne l'horlogerie, personne – hormis le président de la FH – ne croit un instant que cette baisse homéopathique des seuls droits de douane peut relancer un marché qui vit un mini-krach (25 % à 30 % de baisse sur un an selon le périmètre retenu). Ceci alors que les activités horlogères représentent 32 % des exportations suisses vers la Chine ! On peut déjà prendre les paris que les 740 millions de CHF de produits horlogers déjà importés de Chine par la Suisse vont se multiplier [enfin, des composants Made in China encore moins chers dans les montres suisses !], alors que se réduiront les 1 600 millions exportés de Suisse vers la Chine ! À quel niveau faudra-t-il tirer la sonnette d'alarme ?
 
◉◉◉ Les branches industrielles qui représentent les deux-tiers restants semblent découvrir tardivement que les avantages économiques promis relèvent du long, très long terme. Jamais pressés, les paysans suisses ont mis du temps à remarquer que le diable était caché dans les détails et qu'ils pourraient vendre en Chine de la viande de... crocodile, mais pas leurs jambons ! « Les trois-quarts des lignes tarifaires ne nous servent à rien, parce que nous ne produisons pas cette denrée, parce que nous ne sommes pas compétitifs dans cette gamme ou parce que la logistique ou le transport empêchent toute exportation. Ces lignes tarifaires sont là pour gonfler l’accord. Exemple ? La viande de crocodile, que la Suisse pourrait exporter sans taxes. Tout comme les dindes vivantes. Certains produits sont également exclus de l’accord, comme le jambon, car la Suisse voulait éviter la réciprocité » (Le Temps)...
 
 
 
 
REVUE DE PRESSE
Les défricheurs, les tricheurs et les repompeurs...
 
◉◉ CORRECTION : à propos du caravansérail envisagé par le groupe LVMH à la Samaritaine (Paris), pour capter la cliantèle des touristes asiatiques (Business Montres du 28 juin et confirmation Business Montres du 5 juillet). Il semblerait que les 20 000 mètres carrés dont nous parlions pour la surface commerciale consacrée à l'horlogerie soient, en fait, les 22 000 mètres carrés de la surface commerciale totale : Business Montres s'est mélangé les crayons entre les pieds carrés et les mètres carrés ! Merci à nos lecteurs d'excuser cette confusion. Ce qui ramènerait la surface des boutiques horlogères gérées par DFS aux environs des 2 000-2 200 mètres carrés – pas forcément plus que Bucherer Paris (ex-Old England). Autre précision : les travaux ne sont pas ou ne sont plus « suspendus », le litige administratif ayant été réglé et les recours n'étant pas suspensifs. Ce qui confirme implicitement le fait que le projet est désormais bien avancé, le réaménagement en cours et qu'il y aura donc un second mégastore horloger parisien dans le grand caravansérail LVMH de la Samaritaine...
 
◉◉ REPOMPAGE : comme d'habitude, les as du copié-collé ont repris nos informations sur la Rebellion Predator de François Fillon, parfois au mot près. L'original : c'est dans Business Montres le 8 juillet, avec un intéressant complément d'information le 9 juillet et un relais rédactionnel en accès libre sur Atlantico le 10 juillet (au matin, détail qui a son importance) ainsi que sur les réseaux sociaux. Le photoco-pillage : c'est dans Le Point le 10 juillet (après-midi) – évidemment sans citation de Business Montres, mais avec une image de la mauvaise Rebellion Predator ! – et dans dans une chronique du Nouvel Observateur le 12 juillet (sans citation de Business Montres, mais avec un savoureux « Cette semaine, les gazettes ont révélé que... », la moindre des politesses étant de citer « la » gazette en question). Même opération avec BFMTV le 11 juillet et sur quelques sites de cloneurs qui clonent les autres sites. Et ce n'est sans doute pas fini...
 
◉◉ FRANÇOIS FILLON : en revanche, en dépit de nos questions précises en haut lieu, toujours pas de réponse à nos questions concernant cette montre... 1) Où a-t-elle achetée, puisque la marque n'est pas distribuée en France, et, si elle n'a pas été achetée en France, dans quelles conditions a-t-elle été déclarée aux douanes françaises ? On comprendra que ces questions ont de l'importance pour un candidat à l'élection présidentielle française... 2) Puisqu'il paraît que cette montre a été achetée à son prix public, et depuis plusieurs mois, comment se fait-il qu'elle n'ait pas été intégrée dans la déclaration de patrimoine de l'ex-Premier ministre, alors qu'il a tenu à y faire état de deux voitures de plus de dix ans, et comme telles non cotées à l'Argus ? Là encore, c'est sa sincérité qui nous importe. Dommage que la presse politique ne se pose pas les bonnes questions...
 
◉◉ JEAN-CLAUDE BIVER (HUBLOT) : on se demande ce qui a pu pousser Paris-Match (France) à publier cette semaine un article manifestement daté [pas loin d'un an], dépourvu de toute actualité et bourré d'âneries rédactionnelles qui étaient pourtant facilement évitables ! Le titre est, en soi, annonciateur du désastre éditorial : « L'horloger-fromager superstar ». Le sous-titre pose le débat à un niveau définitif d'originalité : « Un visionnaire humaniste » [et vice versa ?]. C'est signé Emmanuel Tresmontant, que nous ne connaissons pas personnellement, mais dont les lecteurs se souviendront qu'il était le glorieux signataire, toujours dans Paris-Match, d'un article sur Didier Leibundgut (Péquignet) : « Le renaissance de la haute horlogerie française ». Un « article » dont la flagornerie et l'imbécillité touchaient au sublime, puisque le génie des alpages mortuaciens aller se faire virer de l'entreprise dans les jours qui suivaient (Business Montres du 1er avril dernier). L'article avait fait tousser la rédaction de Paris-Match, un peu surprise par un publi-rédactionnel aussi porté sur la brosse à reluire. Ce qui n'a pas empêché ces quatre pages consacrées à Jean-Claude Biver [belle opération de RP, encore qu'elle ne corresponde pas forcément aux actuels impératifs de communication de la marque !] : on n'y compte pas moins d'une vingtaine de bêtises, d'erreurs, de contresens et d'absurdités écrites en 120 lignes de texte : un joli score, qui tranche avec l'habituel professionnalisme de Paris-Match pour les questions horlogères...
 
◉◉ RICHEMONT : en revanche, intéressantes questions posées par Reuters (Silke Koltrowitz, du bureau de Zürich) à propos de l'année sabbatique prise par Johann Rupert (actionnaire de référence du groupe Richemont), au moment même où semblent s'aiguiser des appétits successoraux chez trois de ses principaux managers (Stanislas de Quercize, 56 ans, Jérôme Lambert, 43 ans, et Georges Kern, 48 ans). Business Montres est cité dans l'analyse plutôt fine de ce triumvirat à la manoeuvre, chacun usant de ses atout et palliant ses handicaps. Officiellement, Johann Rupert a coupé son téléphone portable pour une bonne année. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent...
 
◉◉ CONFIRMATION : validation de nos informations sur l'organisation d'un WPHH (World Presentation of Haute Horlogerie) par le groupe Franck Muller, du 24 au 27 septembre, à Hong Kong, soit pendant la semaine de l'exposition Watches & Wonders – une sorte de SIHH grand public organisée par la Fondation de la haute horlogerie (révélation Business Montres du 10 juin). Un autre WPHH asiatique devrait se tenir fin octobre à Kyoto. En revanche, il n'y aura pas cette année de WPHH à Monaco. Ce qui tendrait à confirmer la repolarisation du groupe Franck Muller autour de ses principaux marchés asiatiques...
 
◉◉ STRIATUM VENTRAL : « Comment les marques agissent-elles au niveau de notre cerveau ? ». Une bonne question, posée par Pierre Maillard pour explorer les arcanes du neuromarketing (Worldtempus). « Comment des informations erronées sur les marques en question peuvent-elles altérer notre perception jusque dans les plus intimes replis de notre espace neuronal?, se sont demandés les chercheurs Simone Kühn et Jürgen Galllinat. (...)  Le striatum ventral, responsable du sentiment de récompense et de plaisir, devient actif à la seule évocation de la marque connue – alors qu'il reste totalement "éteint" s'agissant de marques inconnues. Les marques détiennent donc un pouvoir d'évocation tel qu'il va jusqu'à titiller préventivement nos neurones en charge du plaisir, de la récompense et de la satisfaction à venir. (...) On imagine que la seule évocation de la prochaine découverte d'un tout nouveau modèle Rolex ferait s'allumer une guirlande de neurones ! Surtout chez les bloggers (chez qui on recenserait des danses ventrales du striatum). Pauvres de nous ! Nous pensions que seul notre sacro-saint "libre arbitre" régissait nos choix et nos désirs intimes, mais tel n'est apparemment pas le cas. Un peu comme le chien de Pavlov qui se mettait à saliver et baver rien qu'en entendant la clochette précédant la gamelle – et même si cette gamelle ne venait plus jamais – nous vibrons et nous nous allumons inconsciemment à la seule évocation de plaisirs promis qui pour la plupart d'entre nous resteront à jamais hors de prix »... 
 
 
 
 
 « ACCORD AMIABLE »
Un pas de clerc un peu ridicule et vaguement humiliant...
◉◉ Cet « accord amiable » avait déjà été refait une première fois, sans doute parce que nos révélations de l'été dernier (Business Montres du 9 juillet 2012 et analyse critique du 16 juillet 2012) avaient permis à la communauté horlogère de se mobiliser contre un document que nous avions été les seuls à publier dans son intégralité. Il a reformulé et présenté à nouveau à la profession au printemps, dans une version qui appelait également de nombreuses critiques (Business Montres du 17 mai dernier, avec le nouveau texte intégral et l'analyse qu'on pouvait en faire). Il était évident – et nous en avons parlé à différentes reprises – que la plupart des dispositions de cette nouvelle mouture étaient inacceptables, dans les faits comme en droit : une telle Lex Anti-Sellita n'avait aucune chance dans un juge fédéral tellement elle consacrait d'abus de position dominante, à rebours de toutes les dispositions des lois anti-cartels suisses. Très sagement, la Comco a pris en compte les avis des professionnels consultés et préféré retirer un texte [son propre texte, préparé par son propre secrétariat] plutôt que de prendre le risque d'être désavouée par un tribunal fédéral : c'est un peu ridicule et vaguement humiliant, mais comment ne pas se féliciter d'un triomphe du bon sens ?
 
◉◉ La question des livraisons progressivement de mouvements et d'assortiments par le Swatch Group n'en reste pas moins pendante. Pour les assortiments, les mesures provisionnelles (livraison de 95 % des quantités de référence) restent valables jusqu'à la fin de l'année et le Swatch Group devra livrer en 2014 ces mêmes quantités de référence (celles d'avant l'annonce de la cessation progressive, en 2010). Pour les mouvements, une réduction de 10 % des quantités sera admise pour 2014 – ce qui donnera à peu près 75 % des livraisons de 2010. Pas de quoi bouleverser la profession, les concurrents du Swatch Group (Sellita, Soprod, La Joux-Perret, Concepto, Technotime, Dubois Dépraz et les autres) ayant suffisamment poussé leurs investissements industriels pour compenser cette très relative pénurie de mouvements mécaniques. La crise horlogère s'installant et réduisant les commandes internationales, il n'est plus évident qu'il y ait même de pénurie en 2014 ou en 2015 : il est même probable que ETA sollicitera ses anciens clients au lieu de les abandonner à ses concurrents...
 
◉◉ On pourrait s'étonner de voir le Swatch Group s'accomoder de cette décision de la Comco et se contenter de la « regretter ». Ce serait oublier deux données fondamentales du dossier. D'une part, cette asphyxie programmée avait initialement pour cible principale TAG Heuer, dont il s'agissait de paralyser la croissance au moment où Longines et Omega prenaient en étau leur concurrent le plus dangereux : la capacité de réaction rapide de Jean-Christophe Babin, qui a immédiatement mis en place les capacités industrielles nécessaires et trouvé un allié chez Seiko, a déjoué la manoeuvre. Bilan de l'opération : un coup d'épée dans l'eau côté Swatch Group [qui avait pris la précaution d'avertir ses autres grands clients indépendants – Breitling, Tudor, Richemont, etc. – qu'ils n'étaient pas concernés par cette réduction des approvisionnements], un ressourcement industriel pour TAG Heuer [qui y perdra au passage quelques points de marge] et pour les autres donneurs d'ordre du groupe LVMH (notamment Bvlgari), ainsi qu'une stimulation de la concurrence, qui a fini par comprendre que le boulet n'était pas passé loin et qui a fait feu de tout bois [y compris avec quelques tricheries pour ce qui concerne le Swiss Made]. Tout ça pour en arriver là...
 
◉◉ D'autre part, pour ce qui concerne les assortiments, rappelons que la pénurie planifiée par le Swatch Group – dont on ne répètera jamais assez qu'elle est de sa propre responsabilité managériale et de sa liberté d'entrepreneur (« Mais foutez-donc la paix à Nick Hayek ! » : Business Montres du 8 juin 2011) – ne concernait que l'ancienne génération des spiraux métalliques, alors que le vrai enjeu industriel concerne les spiraux de nouvelle génération au silicium, offre totalement verrouillée par le Swatch Group (avec l'appui partiel de Rolex et Patek Philippe). Nick Hayek peut donc se contenter de « regretter » la décision de la Comco : il va continuer à livrer ses concurrents en spiraux démodés, tout en réservant à ses propres marques les spiraux d'avant-garde. Là est sa victoire – les entreprises concurrentes de Nivarox investissant actuellement sur ces spiraux démodés ! S'il y a une défaite en matière de spiraux, c'est bien celle du Swiss Made. L'effet pervers est patent : l'épouvantail d'asphyxie agité par le Swatch Group a permis à différentes marques de s'approvisionner – sans le moindre chahut médiatique – chez les Japonais, tandis que d'autres Japonais (Citizen) s'installaient à La Chaux-de-Fonds, chez La Joux-Perret, avec la possibilité d'y créer à tout moment un atelier local de spiraux. Bis : tout ça pour en arriver là... 
 
 
 
 
ET MAINTENANT ?
La victoire en déchantant...
◉◉ Le premier grand perdant de cette pantalonnade Swatch Group contre Comco est, sur le plan des principes, la plus élémentaire liberté d'entreprendre. Manufacturier de mouvements et d'assortiments parvenu à une situation d'oligopole sans l'avoir voulu, par les aléas de l'histoire et l'incurie des opérateurs de l'époque, le Swatch Group devrait avoir le droit de choisir ses clients et sa stratégie industrielle, donc le droit de livrer qui il veut comme il veut. Que ses compétiteurs  aient pu se reposer aveuglément, pour leur approvisionnement logistique, sur un acteur industriel concurrent était à la fois un acte de paresse intellectuelle, un signe d'incurie industrielle et une absence de clairvoyance stratégique. D'autant que Nicolas Hayek multipliait les avertissements depuis une décennie. En intervenant comme une bureaucratie soviétique dans le champ d'une économie libre, la Comco n'encourage pas les réflexes entrepreneuriaux de la communauté horlogère : immanquablement, le Swatch Group tentera à nouveau de se libérer de ce boulet et les imprévoyants tenteront de recourir à la puissance publique pour compenser leur absence de vision stratégique. Les seuls bénéficiaires risquent d'être soit les industriels non-suisses qui auront flairé la faiblesse de l'offre face à la force de la demande [et qui y apporteront une réponse adaptée], soit les nouvelles puissances émergentes de l'amont industriel suisse ((Sellita, Soprod, La Joux-Perret, Concepto, Technotime, Dubois Dépraz et les autres), dont rien ne permet de penser qu'ils seront plus accommodants pour les « petites marques » que les anciennes puissances dominantes (ETA, Nivarox). Ni qu'ils seront plus « visionnaires » dans leur stratégie capacitaire.
 
◉◉ Le second grand perdant sera immanquablement ce Swiss Made dont tout le monde parle et que tout le monde prétend défendre. Un Swiss Made qui serait – s'il était honnête, transparent et légitimement revendiqué – la principale force de frappe marketing des marques suisses. On était déjà loin du compte avant le mimodrame swatchco-comcoïdal, en particulier pour les boîtiers, les bracelets, les cadrans et les composants d'habillage, mais également pour les composants élémentaires de mouvements. Depuis, Seiko a passé de discrets accords pour les spiraux avec plusieurs marques suisses [donc pas seulement avec TAG Heuer], d'autres marques trouvant plus ou moins clandestinement leur bonheur chez d'autres fournisseurs internationaux. L'installation dans le Tessin – loin des yeux de la FH, loin du coeur ? – de nouvelles capacités au sourcing improbable n'est sans doute pas une bonne nouvelle. De nouveaux opérateurs se profilent, pour des centaines de milliers de mouvements mécaniques dont il serait miraculeux que les composants de base soient légitimement suisses.
 
◉◉ Au final, on reste admiratif devant la suissitude magnifique de la position adoptée par la Comco, qui s'auto-désavoue tout en permettant une réduction des livraisons (de mouvements) tout en refusant la réduction des livraisons (d'assortiments) tout en gagnant du temps (sans trop en perdre) tout en ne faisant pas trop de peine au Swatch Group tout en écoutant les parties indépendantes concernées. En fait, selon la bonne vieille tradition suisse du consensus, la Comco procrastine en se gardant de trancher et en confiant à l'évolution du rapport de forces horloger le soin de trancher : d'ici à quelques années, le problème se sera réglé de lui-même, par l'apparition de nouvelles capacités manufacturières, tant pour les mouvements que pour les assortiments. Le supermarché Swatch Group pourra livrer ce qu'il veut à qui il veut sans risquer les « foudres » – pas bien méchantes – de Berne, les marques tierces disposant de sources d'approvisionnement annexes. Un chef-d'oeuvre de non-diplomatie effective. Avec un dégât collatéral imprévu en termes d'image : à force de crier haro sur les mouvements de Swatch Group et de valoriser les mouvements « manufacture » autonomes, on a laissé s'implanter l'idée que les mouvements ETA relèveraient d'un second choix légèrement péjoratif – alors qu'ils restent les meilleurs du monde... 
 
 
 
 
LES INDISCRÉTIONS DU JOUR
Notées à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... 
 
◉◉ CHAISES MUSICALES (1) : Christie's vient d'annoncer l'arrivée de John Reardon comme vice-président et responsable du département montres pour le marché américain (New York). Ce qui ne sera pas une surprise pour les lecteurs de Business Montres, qui avaient bénéficié de cette révélation dès la dernière rentrée (chaises musicales Business Montres du 7 septembre 2012). Une recrue de poids pour Christie's, qui verrouille ainsi sa prééminence sur le marché américain, reléguant un peu plus loin ses concurrents dans le domaine des « grandes » montres de collection (John Reardon est un spécialiste de Patek Philippe, dont il a dirigé quelques services aux Etats-Unis) : à la veille du 175e anniversaire de la manufacture genevoise, ce n'est évidemment pas anodin. Autre renfort notable pour l'équipe américaine de Christie's : le recrutement de l'expert horloger Reginald Brack comme vice-président chargé des transactions privées pour les montres...
 
◉◉ CHAISES MUSICALES (2) : Buccellati (horlogerie-joaillerie) a un nouveau CEO, Thierry Andretta, qui opérait récemment comme CEO che Lanvin après un passage chez Alexander McQueen et Stella McCartney au sein du groupe Gucci (Kering). Aujourd'hui propriété du fonds d'investissement italien Clessidra, Buccellati reste une des dernières références internationales encore indépendantes sur le marché de la joaillerie...
 
◉◉ CADILLAC : amusant hommage du constructeur américain à l'horlogerie suisse, considérée comme un modèle créatif et une inspiration pour faire évoluer l'esthétique intérieure des automobiles (ci-dessous)...
 
 
◉◉ LVMH : après la Belgique, l'Italie ? Curieux regain d'intérêt de l'état-major du groupe pour l'Italie, et pas forcément pour donner un coup de main à Francesco Trapani, l'ancien patron de Bvlgari, toujours empêtré dans un épineux contentieux avec l'administration fiscale de la péninsule. En y regardant de plus près, la réglementation italienne concernant les transmissions d'entreprise sont bien plus favorables qu'en France : ce souci est bien une des préoccupations majeures de Bernard Arnault, qui multiplie par ailleurs les investissements en Italie. Même pour les dividendes, il apparaît que la fiscalité italienne est plus câline que la française : quelques administrateurs du groupe y réfléchissent, l'un d'entre eux ayant déjà sauté le pas...
 
◉◉ KERING (ex-PPR) : autre émigré du luxe en puissance, Jean-François Palus (c'est le premier lieutenant de Jean-François François-Henri Pinault, patron du groupe Kering), qui vient d'annoncer son intention de s'installer à Londres – bien entendu pour des « raisons professionnelles » et non fiscales. Une décision certainement motivée par des marques de son portefeuille aussi stratégiques que Stella McCartney, Alexander McQueen ou Christopher Kane...
 
◉◉ ROLEX : on savait que, lors de son interception mortelle en Bolivie (9 octobre 1967), la Rolex Submariner personnelle de Che Guevara avait été volée par un des officiers chargés de son exécution. Juventud Rebelde (Cuba) révèle que quatre montres Rolex ont été récupérés sur les hommes de la colonne guévariste mise hors de combat, le cadavre du Comandante étant par ailleurs profané. Des informations tirées du livre El asesinato del Che en Bolivia. Revelaciones, qui vient de paraître.
 
◉◉ CHOPARD : c'est finalement la maison Chopard qui a été choisie pour parer la princesse Diana (interprétée par la comédienne Naomi Watts) dans Diana, le film biographique qui lui est consacrée (sortie sur les écrans à la rentrée).
 
◉◉ AMERICA'S CUP : la 34e édition (en cours) est un tel bide – un seul concurrent qui fait tout seul des ronds dans l'eau, l'autre régatant sur tapis vert et le troisième achevant à peine son bateau – que Louis Vuitton, organisateur et chronométreur officiel de la Louis Vuitton Cup (éliminatoires de l'America's Cup) pourrait soit s'en retirer, soit prendre quelques millions de dollars d'indemnités en raison du manque de challengers (source : Le Monde). Une défaite morale de l'America's Cup du fric et des juges, alors que le monde entier attendait une America's Cup de la voile et du sport...
 
◉◉ SALONS HORLOGERS : la reprise de Belles Montres par Le Point suscitant quelques interrogations sur la pérennité de l'événement (révélation Business Montres du 26 juin), les appétits s'aiguisent pour capter une possible clientèle. Montres en Seine lance ainsi l'idée d'un salon horloger sur un péniche, pour créer une « rencontre exclusive entre les passionnés, les collectionneurs, les néophytes et les marques et manufactures horlogères », avec des images de montres qui laissent penser que les marques en question (MB&F, Jeanrichard, Glashütte Original, Breguet, Vulcain,) exposeront – ce qui est tout sauf avéré. Prétexte charitable : 50 % du montant des entrées à l'opération Polio Watch. Les partenaires médias semblent recruter sur le web...
 
◉◉ CHRISTOPHE CLARET : en chinois, ce sera désormais 柯籁天音, à prononcer kē lài tiān yīn. Explication : kē lài pour quelque chose comme « Cla », ce qui annonce la marque dans sa dénomination occidentale tout en formant un idéogramme réputé harmonieux. Le reste est facilement prononçable : en pinyin, les mot évoquent le ciel bleu, le Tibet, la sérénité d'un lac et l'harmonie avec la nature. Du Claret dans le texte, donc... 
 
 
◉◉ CHINE : cet été, il ne faudra pas perdre de vue les annonces discrètes du nouveau Politburo. C'est généralement pendant la démobilisation des mois chauds que les gouvernants prennent des initiatives plus difficiles à gérer quand tout le monde est sur les dents. Dans la ligne de mire : le troisième plenum du XVIIIe Congrès du Parti communiste, en novembre, et la consolidation de la nouvelle « ligne de masse » pour reconquérir la confiance de l'opinion en remoralisant la société. L'été risque donc d'être meurtrier pour les riches et pour les symboles de la corruption des « années fric » [celles de l'équipe précédente], ce qui ne va pas améliorer les performances des montres suisses en Chine. Surtout avec la nouvelle politique économique et de restrictions monétaires décidée par le chef du parti, Xi jinping, et le chef de l'Etat, Li Keqiang : ne pas oublier que la pharamineuse demande horlogère chinoise des années 2008-2012 n'était que le fruit d'une bulle du crédit autorisée par une création monétaire débridée...
 
◉◉ JULIEN COUDRAY : belle exposition de montres rares signées Julien Coudray, cet été, chez Harrods (Londres, 1er juillet-31 août), dont la pièce unique « L'Aigle royal » en platine (en cartouche en haut de la page : émail grand feu multi-pièces et mouvement manufacture en platine, avec ses aiguilles bleuies dans dépôt chimique et la goutte d'huile qui apparaît sur le cadran au bout de quatre ans, quand la pièce doit être révisée) et la « Chambord » (ci-contre) en or, avec son décor en émail grand feu (13 pièces pour le seul cadran partiellement guilloché) et sa lunette sertie...
 
◉◉ PATEK PHILIPPE : une nouvelle adresse dont on parle beaucoup à New York pour son assortiment de Patek Philippe de collection, c'est Madison Time, boutique tenue par un passionné, Michael Safdie, une figure des ventes horlogères genevoises qui s'est spécialisée dans ces montres vintage et qui se fait fort de trouver pour ses clients les pièces les plus rares (source : Watchonista)...
 
◉◉ MELLERIO : troisième volet de la série que Jean-Jacques Richard consacre au quatrième centenaire de la maison de joaillerie parisienne Mellerio (Bijoux et pierres précieuses), avec une époque « à risques » – la fin des années 1930 et le début des années 1940 – pour l'image de marque de grandes maisons joaillières qui n'ont pas toujours été à la pointe de la résistance à l'occupant allemand, mais qui ont fait ce qu'elles ont pu... Bien dans son temps, Mellerio avait, dès 1939, réalisé l'épée d'académicien de Charles Maurras (sculpture de Maxime Real del Sarte, artiste patriote), mais personne ne lui en voudra. Maison catholique, Mellerio a continué ses activités dans le Paris de l'Occupation, en devenant ensuite sans encombre – et dans la même lignée créative – le fournisseur du tout-Paris de l'après-guerre, toujours au 16 de la rue de la Paix...
 
◉◉ BOUCHERON : la boutique Boucheron de Hong Kong (qui est, par son loyer, une des plus chères du monde pour la marque) ne bénéficie pas d'une visibilité optimale, ses vitrines étant partiellement « bouchées » par un kiosque à journaux mitoyen. Qu'à cela ne tienne : Boucheron a posé sa marque sur le kiosque à journaux préfabriqué ! Vous avez dit « haute joaillerie » ? Et pourquoi pas un kiosque à journaux au 26 de la place Vendôme ?
 
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D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTES
DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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