WONDER WEEK 2013 #7 : Tout de même, on peut se poser des questions sur tout ça...
Suite de la promenade dans les salons horlogers de Genève, en picorant ici et là quelques propositions d'autant plus intéressantes qu'elles sont très représentatives des tendances de l'offre 2013 – dans tous les styles et à tous les prix... C'est aussi l'occasion de se poser des questions sur cette offre, tout de même de temps en temps assez bizarre... ◀▶ LES QUESTIONS DE CET ÉPISODE 7 DE LA WONDER WEEKDes réponses développées après …
Suite de la promenade dans les salons horlogers de Genève, en picorant ici et là quelques propositions d'autant plus intéressantes qu'elles sont très représentatives des tendances de l'offre 2013 – dans tous les styles et à tous les prix...
C'est aussi l'occasion de se poser des questions sur cette offre, tout de même de temps en temps assez bizarre...
◀▶ LES QUESTIONS DE CET ÉPISODE 7 DE LA WONDER WEEKDes réponses développées après le florilège ci-dessous...❏❏❏❏ SATIVA : qui paiera 600 000 dollars pour la Weed Watch de Richard Mille ?❏❏❏❏ FUSION : un squelette en céramique peut se piquer d'élégance ?❏❏❏❏ COMPLEXITÉ : quand il y a tout (ou presque), est-ce vraiment assez ?❏❏❏❏ LUNETTE : c'est mieux quand on ne voit pas que c'est du platine ?❏❏❏❏ FORME : les femmes sont-elles condamnées à des montres ovales ?❏❏❏❏ ZOOTROPISME : qui n'a pas lu l'Histoire naturelle du comte de Buffon ?❏❏❏❏ INDISCRÉTIONS : vous ne le répèterez pas, au moins ? Il est juste question de têtes de rat, de rayures pour les fous, de Gérard Depardieu, de cigares cubains, de spires et de sphères, de vaisseau fantôme, d'Anticythère et de tout le reste... 
- Vacheron Constantin Florilège
❏❏❏❏ AINSI, EST-CE ASSEZ ? Ce n'est pas forcément en empilant les complications qu'on crée de l'émotion... Démonstration avec la Grande Complication présentée au SIHH par A. Lange & Söhne : difficile de faire mieux que cette pièce, qui était la plus compliquée de la Wonder Week avec grande et petite sonnerie, répétition minutes, chronographe à rattrapante avec compteur des minutes et seconde foudroyante, quantième perpétuel avec affichage des phases de lune, heures et minutes. Il n'y manque (presque) rien – même si les 30 heures de réserve de marche sont un peu étriquées et réclament un écrin de remontage automatique. D'où vient, alors, l'absence d'émotion de cette montre. Sans doute de son esthétique strictement conforme à celle des montres de poche que faisait A. Lange & Söhne il y a un siècle – une esthétique strictement anti-émotionnelle, purement fonctionnelle, irréprochable dans sa qualité d'exécution (émail du cadran, finitions du mouvement), mais dénuée de toute fantaisie. Même les phases de lune sont conformistes : on a confondu tradition et ennui ! Cette tristesse est peut-être aussi une question de taille : 50 mm d'or rose plus les cornes, c'est beaucoup pour un Européen moyen et même pour un amateur de bières germanique. On sent la "montre de vitrine", plus destinée à être regardée qu'à être portée. On sent l'envie de bien faire et d'honorer sans faillir la tradition des beaux-arts de la montre, mais on aurait préféré sentir une touche de génie – cette étincelle créative qui emballe l'imagination et qui fait oublier tout le travail qui a permis son éclosion... 
❏❏❏❏ L'OBLIGATION DE L'OVALE ?Alors que l'horlogerie féminine se cherche une nouvelle légitimité du côté des belles mécaniques, il apparaît clairement que le marqueur stylistique le plus évident de ces montres de femmes reste la forme ovale. On l'avait pressenti avec la Reine de Naples chez Breguet ou avec les Cat's Eye de Girard-Perregaux. On en trouvera la confirmation dans la nouvelle collection Recital Miss Alexandra lancée par Bovet. Les proportions du boîtier ovale sont quasiment parfaites (41 x 37,2 mm), avec une lunette assez fine pour laisser au cadran un belle ouverture, mais suffisante pour une sertissage quasiment obligatoire sur ce genre de pièces. Deux atouts supplémentaires pour cette Miss Alexandra : un mouvement à remontage manuel délicatement squeletté, avec un tourbillon en apesanteur dans le bas du cadran, et une indication des phases de la lune dans un ciel étoilé – sans guichet : par le jeu de deux palettes, on déchiffre l'évolution de la lune telle qu'elle apparaît vraiment dans la nuit. Le poussoir correcteur de cette fonction lunaire a été logé dans la couronne (on l'actionne par pression sur le cabochon de saphir). La réserve de marche – sept jours – a été discrètement, mais harmonieusement, intégrée au-dessus de ces phases de lune, avec une aiguille à peine visible (ci-dessous, à 12 h). Coquetterie supplémentaire : les aiguilles sont travaillées pour former, en se superposant, une fois par heure, un coeur. Double série limitée : 50 pièces en or rose et 50 pièces en or gris... 
❏❏❏❏ TITANE OU PLATINE ?Les deux, mon général, pourvu que le platine ne soit guère visible ! C'est le grand chic chez Urwerk : du platine pour la lunette (difficile à repérer à l'oeil nu, et même au poids) et du titane grande 5 pour le boîtier. Soit un bel oxymore horloger : du léger alourdi ou du lourd allégé, au choix [le qualificatif d'allégé ne s'entendant évidemment pas pour le tarif de cette UR-110PT]. C'est donc un UR-110 strictement conforme à l'original, avec ce simple détail de la lunette platinée, qui met d'autant mieux en valeur le mécanisme que la platine – au sens horloger du terme – du mouvement, en Arcap, a été retraitée dans un gris clair sablé du meilleur effet : les heures satellitaires montées sur un engrenage planétaire s'y dévoilent dans leurs moindres détails... 
❏❏❏❏ ZOONOSE OU ZOONÉVROSE ?On pourrait également de zoolâtrie, voire – si on était méchant – de zootoxocomanie... Dans tous les cas, l'année 2013 sera celle de la grande zoonose horlogère – la zoonose se définissant comme l'ensemble de maladies qui passent de l'animal à l'homme, et inversement. De très nombreuses marques ont donné dans le naturalisme, soit botanique [que de fleurs sur les cadrans et que de maniérisme dans le recours aux métiers d'art !], soit zoologique. À croire que les horlogers ont adopté l'Histoire naturelle, générale et particulière de Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, publiée par lui à partir de 1749 ! Quand cette mode zoonévrotique se conjuge avec la nouvelle obsession des "métiers d'art", les catalogues des maisons d'horlogerie se gavent d'insectes [la vraie superstar, c'est le papillon], d'oiseaux, de bouquets (en cartouche, en haut de page : le muguet par Van Cleef & Arpels) et de grands félins. Avec un risque évident : quand le décor s'impose, les codes implosent. Difficile de reconnaître la marque et de faire la différence entre deux cadrans papillonnants (ci-dessous : à gauche, Chaumet ; à droite, Van Cleef & Arpels). Et on pourrait en dire autant des grenouilles (en haut de la page), même s'il est évident que la concept des "Heures fabuleuses" de Cartier (à gauche) est bien plus abouti – la sculpture est transformable en clip et le cadran plus soigné – que celui de la montre Boucheron (à droite) : qui pourrait les différencier sans marque sur le cadran ? 
❏❏❏❏ JUSQU'OÙ PEUT-ON ALLER TROP LOIN ?Blake is black ? Pas du tout, Blake is... bizarre ! La dernière Richard Mille dédiée au sprinter jamaïcain Johan Blake (RM 059-01 selon la nouvelle nomenclature de la marque) ne ressemble pas vraiment aux autres Richard Mille, ne serait-ce que par sa couleur un peu bizarre de son boîtier asymétrique (tonneau avec dilatation vers la droite), réalisé dans un composite translucide truffé de nanotubes de carbone [pas des fibres !] qui rend le port de la montre à peu près imperceptible au poignet. La couleur verdâtre tient au vert/jaune emblématique des Jamaïcains (symbolique rappelée par la décoration du cadran), mais son association aux nanotubes évoque beaucoup plus le sachet en plastique dans lequel on commercialise cette herbe qu'il ne faut pas consommer – mais dont les Jamaïcains font une grand consommation – que la haute horlogerie. Pas sûr que cette évocation cannabique soit fortuitement subliminale ! Pour 600 000 dollars, on aura donc un drôle d'engin au poignet, mais, tout de même, un sacré tourbillon de haute technologie mécanique : platine en titane, ponts en aluminium anticorodal Pb109 (alliage d’aluminium, de magnésium, de silicium et de plomb), cage du tourbillon optimisée pour être portée par un sprinter en plein effort quand il porte sa montre au bras droit. "Le rapport performance/régularité/réserve de marche est optimal grâce à la rigidité de la combinaison titane grade 5/aluminium anticorodal Pb109, aux trains d’engrenage optimisés et au balancier à inertie variable", nous précise Richard Mille. Les insolites ponts en "griffes" évoquent le surnom de Johan Blake ("la Bête") : on les retrouve au verso du mouvement et on se demande – toujours aussi subliminalement – si ce n'est pas une stylisation graphique de la feuille de cannabis (cinq pointes, la cinquième étant ici la couronne). 600 000 dollars ? Même en admettant que le montant de l'étiquette est désormais un des éléments du storytelling de la montre et tout en sachant que la précédente montre en nanotubes [celle de Rafael Nadal], facturée au même prix et limitée à 50 exemplaires [celle de Blake l'est aussi, dans la même quantité], s'est arrachée en quelques semaines, on se demande quels milliardaires capricieux vont craquer pour cette Weed Watch... 
❏❏❏❏ VOUS NE LE RÉPÈTEREZ PAS, AU MOINS ?Des indiscrétions notées à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... ❍❍❍❍ CHAISES MUSICALES : ça ne bouleversera pas l'industrie, mais Dennis W. Perry, le président des montres Bulova depuis janvier 2008, à été appelé à développer ailleurs des projets personnels. Il avait tenté de refaire de Bulova une marque de référence dans le Swiss Made et les montres mécaniques. Avec un succès qu'on peut poliment estimer inégal... 
❍❍❍❍ ZODIAQUE CHINOIS (DE BETHUNE) : quand les uns se préparent à fêter, sur leurs cadrans, l'année du Serpent, De Bethune assomme la compétition en lançant – à la demande d'un grand réseau asiatique – une série de douze montres, dont chaque cadran affichera, au centre de la montre, en bas-relief et avec un décor émaillé en couleurs, un des douze signes du zodiaque chinois, avec un affichage des heures chinoises et une frise de micro-sculptures reprenant tous les autres signes. Les douze figures principales sont inspirées des douze têtes de bronze (ci-contre) qui ornaient la fontaine horlogère construite dans l'ancien Palais d'Eté, au XVIIIe siècle, par le missionnaire français Michel Benoist, sur une commande de l'empereur Qianlong (horloge à eau sauvagement pillée lors du sac du Palais d'été, en 1860, par la soldatesque franco-britannique). Quatre ensembles de douze montres sont prévus [et donc prévendus, avec un prix public dans le million et demi de dollars], en plus d'une série non limitée de montres dédiées à un seul signe et réalisées à la demande... ❍❍❍❍ BACKES & STRAUSS : la marque londonienne (alliée du groupe Franck Muller, qui tenait salon au WPHH de Genthod avec Backes & Strauss) ne se contente pas de parrainer un musicien. Elle fait créer des pièces musicales, spécialement pour elle, par un pianiste contemporain : Hayk Melikyan a ainsi dédié au "plus ancien diamantaire du monde" (maison fondée en 1789 !) une série de pièces pour piano, qui habillent d'une jolie sonate l'atmosphère des dernières collections et du Londres qui célébrait récemment le Jubilé de diamants de sa reine. On y reconnaît au passage des accents de Lizt et de Scriabine, mais aussi de Diamonds are a girls best friend ! À écouter sur le site de la marque... ❍❍❍❍ TAG HEUER : ceux qui n'auraient pas eu le temps de se rendre à l'exposition TAG Heuer de l'espace Sécheron pendant la Wonder Week peuvent toujours se faire une idée du décor et de l'ambiance grâce au blog Calibre 11... ❍❍❍❍ ANTICYTHÈRE : pour réviser nos connaissances sur le plus ancien calculateur mécanique de l'humanité, et en attendant les nouveautés de la collection Anticythère qui pourraient être présentées à Bâle par Hublot, un jeu-test en dix questions (pas très difficiles, mais les réponses ne sont pas entachées d'erreurs) sur ce qu'il faut savoir de la "machine"... 
❍❍❍❍ JAEGER-LECOULTRE : précision pour les lecteurs pressés à propos de notre étonnement sur le spiral sphérique du Gyrotourbillon 3 (Business Montres du 24 janvier). Nous n'avons pas écrit que c'était une invention de Jaeger-LeCoultre [le premier spiral sphérique a été attribué à Houriet, mais on parle aussi d'Arnold]. On connaît au moins une montre qui l'utilise pour un mouvement à force constante : celle du Loclois Louis Richard, datée de 1840 (ci-contre). Ce Gyrotourbillon 3 de Jaeger-LeCoultre est probablement (sous réserve d'inventaire) la première montre-bracelet à en proposer un... ❍❍❍❍ FRANCK MULLER : qui était l'invité surprise de la marque à la veille de la Wonder Week ? Ni plus ni moins que Son Excellence M. l'Ambassadeur culturel de la République de Mordovie, le comédien français Gérard Depardieu en personne, qui a passé une journée à Genthod pendant un rapide séjour à Genève. Le comédien français, exilé mental russo-belge depuis quelques semaines, a toujours aimé les belles montres. C'est aussi un copain personnel de Franck Muller (l'horloger)... ❍❍❍❍ DEWITT : la manufacture de Viviane et Jérôme De Witt, qui avait tenu à honorer quelques rendez-vous commerciaux pendant la Wonder Week, vient d'annuler sa participation à Baselworld – faute de budgets suffisants et faute de nouveautés à présenter. La grande manufacture de Meyrin résonne de la solitude des équipiers qui lui restent. On est passé du bateau ivre au vaisseau fantôme... ❍❍❍❍ BASELWORLD : à propos de Baselworld, on déplore, en plus de DeWitt, plusieurs autres annulations de taille, à tel point que la direction du salon relance quelques clients potentiels pour le premier étage ! À trois mois de l'ouverture, difficile de concevoir et de réaliser un stand original, surtout en tenant des directives très strictes du salon concernant la décoration extérieure et l'homogénisation visuelle des allées – ce qui bloque toute expression créative un peu différente ! ❍❍❍❍ CUERVO Y SOBRINOS : faute d'avoir pu s'entendre avec Baselworld sur l'esthétique cubaine de son stand [on se souvient de sa façade d'une maison traditionnelle de La Havane], Marzio Villa avait décidé de renoncer à Bâle. Il a finalement trouvé un très grand espace dans le nouveau Hall 2.0, pile à la sortie de Patek Philippe en empruntant le nouveau tunnel : comme il était trop tard pour reconstruire un stand original, ce sera un lounge à la cubaine, totalement ouvert, canapés, chaises longues, mojitos mais pas cigares, avec une vieille américaine garée à proximité [on parle de ces voitures des années cinquante comme il n'en circule plus qu'à La Havane]. Il n'y manquerait qu'une vraie lumière cubaine, aussi réaliste que la lumière des plages dans les Hamptons telle qu'on pouvait l'admirer au SIHH sur le stand de Baume & Mercier... ❍❍❍❍ RICHARD MILLE : l'avantage des salons comme la Wonder Week, c'est qu'on y découvre des séries limitées jamais vues, comme cette RM 016 réservée au Proche-Orient et réalisée pour le groupe qatari Ali Bin Ali (ci-dessous). Elle a beaucoup fait rire les Chinois : chez eux, les rayures bleues et blanches sont réservées aux... fous, dont elles signalent le dérangement. Et elle a laissé songeurs les diamantaires de Jérusalem tellement elle leur rappelle les bandes bleues et blanches du drapeau israélien. Un comble pour son commanditaire qatari...
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