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Xavier Comtesse : « Avec le guochao, la menace chinoise peut devenir dévastatrice pour l’horlogerie suisse »
Alors que le marché chinois capte à présent plus de 80 % de l’activité commerciale de l’horlogerie suisse, il serait temps de se poser des questions sur cette dépendance. Xavier Comtesse fait le point pour « L’Agefi » (Suisse) sur la nouvelle tendance « guochao »...
Le marché chinois est généralement perçu comme le premier débouché pour la haute horlogerie suisse. Aujourd’hui, personne ne voit la Chine comme son principal concurrent et surtout pas comme son futur ennemi mortel (ci-dessus : dessin publié par Business Montres en janvier 2020). Pourtant à regarder les statistiques, on s’aperçoit que les Chinois produisent plus de 600 millions de montres chaque année pour seulement 20 millions par les Suisses.
(dessin publié par Business Montres en janvier 2020)
Certes, ce sont des breloques bon marché, extrêmement bon marché, mais pas que… Depuis au moins cinquante ans, il existe de petites marques locales – telles que Fiyta, Peacock, Qin Gan, etc. – qui font leur chemin et qui sont prêtes à faire le saut à l’international. Durant cette pandémie, quelque chose d’inattendu s’est produit en Chine et qui va changer la donne pour toujours : le Chinois s’est mis à consommer du luxe local. Un article du Financial Times (FT 6.10.2020) décrit assez clairement ce changement de comportement du consommateur chinois face aux produits occidentaux et notamment de la montre de luxe.
(dessin publié par Business Montres en décembre 2020)
Ce changement, comme toujours en Chine, porte un nom : guochao. Ce terme désigne l’idée de produire et de consommer en Chine – le « Made in China for Chinese ». Il est le concept symétrique de produire et consommer local que l’on trouve aussi de plus en plus chez nous. La critique occidentale envers la responsabilité chinoise dans la pandémie du covid-19 a renforcé un esprit anti-occidental exacerbé parmi la population. L'esprit anti-étranger s’est renforcé forçant un repli vers la consommation Made in China. De plus, une « fatigue » par rapport aux produits occidentaux avait déjà été observée, notamment chez les jeunes consommateurs, avant la pandémie. Elle a gagné l’adhésion de nouvelles couches de la population en particulier chez les plus aisés. La vente du luxe à l’européenne va en souffrir, en tous les cas chez les plus jeunes déjà très branchés sur les montres connectées.
(dessin publié par Business Montres en juin 2020)
Pour l’industrie horlogère suisse cela peut être dévastateur. Pas par un changement à court terme mais par une inversion de tendance à moyen terme. Cela signifie une concurrence chinoise nouvelle aussi sur les marchés à l'exportation. Ce n’est pas du tout irréaliste. Souvenez-vous de la montre japonaise dans les années 1970-1980. Elle avait représenté un sérieux danger pour les suisses. Mais, pour ce faire, il faudrait que l’industrie horlogère chinoise de luxe puisse dépasser son rôle marginal actuel. Et ce n’est pas le savoir-faire qui lui manque mais le faire-savoir. C’est donc un problème de marketing. Avec l’esprit guochao, les choses vont peut-être changer pour toujours. Attention : danger pour les Suisses !
(dessin publié par Business Montres en octobre 2019)
❑❑❑❑ TEXTE ORIGINAL : « L’horlogerie suisse face à la menace chinoise » (L’Agéfi, 11 janvier 2020)
(dessin publié par Business Montres en décembre 2020)