> 

« AMBIANCE DE MERDE » (accès libre)
90 % du personnel estime que le climat de travail a empiré au sein de cette manufacture

Une réunion se tient en ce moment dans une brasserie de la périphérie chic de Genève, pas très loin d’un gisement de grandes manufactures, pour amorcer ce qui pourrait devenir un vrai conflit social. Lequel ne serait que la surinfection d’une maladie antérieure : le stress au boulot et les pressions devenues insupportables de la direction, comme en témoigne un sondage explosif. On vous raconte tout – et ce n’est pas qu’une histoire d’un peu plus de cent francs suisses…


L’imminence de plus en plus évidente d’une crise horlogère ne lénifie pas les rapports sociaux dans les entreprises horlogères. Comme le racontait récemment Business Montres (23 septembre), il devient de plus en plus difficile de « créer des bonnes montres dans une ambiance de merde ». À tel point que le puissant syndicat UNIA (Genève) a dû intervenir en lançant, de son propre gré et sans en référer à la hiérarchie de l’entreprise, un sondage auprès du personnel de l’entreprise pour évaluer cette « ambiance délétère » et le « niveau des pressions incessantes subies » par le personnel. Pour ne pas risquer d’envenimer un climat social aussi consternant et au nom d’une certaine élégance éthique, Business Montres avait pris soin de ne pas révéler le nom de l’entreprise, mais notre article avait donné un coup de pied dans la fourmilière, en poussant la direction des ressources humaines de la manufacture à organiser à la hâte des réunions d’information – à vrai dire pas très convaincantes (révélation Baromontres du 5 octobre). Entre « directions déboussolées » et « équipes désemparées », on en était là jusqu’à ces jours. Sauf que, entretemps, la direction du groupe à laquelle cette marque est rattachée avait découvert l’ampleur du désastre et tenté de se préparer au pire, sans soutenir outre mesure et seulement du bout des doigts la direction en question…

Comme très souvent, quand on montre la lune du doigt, l’imbécile regarde le doigt ! Cette histoire d’enquête privée lancée par un syndicat relevait donc, selon les habituels pisse-vinaigre de l’horlogerie, d’une manœuvre de déstabilisation, voire d’une opération de désinformation ou tout simplement de ce « style Business Montres » – horresco referens – qui permet de botter en touche et de balayer sous le tapis à la seule évocation exécratoire de ce média. Sauf que, bien sûr, toujours sans citer la manufacture visée et pour ne pas ajouter notre clou à la crucifixion qu’endure sa direction, nous avons quelques preuves de ce que nous avançons, à commencer par les questions du sondage lui-même (ci-dessus). Comme ce sondage a beaucoup circulé sous le manteau, en interne, et que les exemplaires vierges ont été dûment remplis et aussitôt retournés au syndicat UNIA, nous avons quand même pu en sauver un exemplaire [toujours par courtoisie, nous avons masqué le nom de l’entreprise, en ne laissant que les questions, qui sont, dans leur genre très consensuel, d’un haut niveau d’expressivité]

Il y a tout de même mieux : c’est le résultat du sondage ! Comme nous n’avons pas non plus souhaité plomber l’ambiance de la réunion syndicale qui se tient à 16 heures (aujourd’hui, 8 octobre) dans une brasserie de la périphérie horlogère de Genève et comme des révélations intempestives auraient pu faire croire à des manœuvres obliques pour forcer ou retenir la main des uns ou des autres, nous avons retardé la diffusion de ces résultats jusqu’à cet après-midi. Ce sondage est accablant pour l’actuelle direction de la marque, avec 90 % d’indice de non-satisfaction et de dégradation des conditions de travail : on voit rarement une telle unanimité négative dans les entreprises horlogères suisses, plutôt portées sur l’apaisement consensuel.

Serait-ce un indice du réveil des luttes sociales dans l’industrie des montres ? Quand on sait que le Swatch Group s’est interdit par principe de licencier les cinq ou six centaines de personnes qui devraient l’être dans ses équipes suisses [elles le seront un jour ou l’autre, quand elles en auront assez de repeindre les ateliers et que la crise frappera encore plus fort !] et quand on découvre que le groupe Richemont a décidé de geler toutes les embauches pour ses marques, à l’exception de Cartier (mais qui ne peut recruter qu'à l’intérieur du groupe), on se prend à imaginer un prochain printemps social plutôt chaud…


Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter