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BYE BYE 2018 #20 (accès libre)
Peut-on encore récompenser le CEO le plus nul de l’année et qui serait-il ?

C’est apparemment la séquence la plus attendue par nos lecteurs, qui ont suggéré quelques noms ! On ne va cependant pas tirer sur les pianistes, ni sur les ambulances, et encore moins sur les corbillards. Avant la fin de l’année, c’est toujours un plaisir de gourmet que de déguster sans modération ce petit jeu de chamboule-tout managérial avant de clore nos chroniques sur tout ce qu’il faudra bien retenir et oublier du millésime horloger 2018…


D’abord un mot sur la difficulté qu’il y aurait à désigner le CEO le plus nul de l’année. D’une part, se posent quelques problèmes de susceptibilité personnelle capables de déboucher sur des interrogations oiseuses devant les juges : on s’en passe ! D’autre part, on manque de critères objectifs pour cette catégorie : doit-on parler du plus désastreux sur le plan financier, de celui qui aura planté sa marque pour les dix années à venir, du plus myope, du « boulet de l’année » en termes de casse sociale, du champion des enfumages ? Faut-il distinguer le plus ravi des ravis de la crèche, le moins clairvoyant des visionnaires supposés nous diriger ou le piteux fusible d’actionnaires mal embouchés, mais de plus en plus pressants ? Si on pointe du doigt les CVEO qui ont eu des résultats « nuls » ou voisins de la « nullité », la liste s’annonce interminable ! Devrions-nous sanctionner la nullité intrinsèque des uns ou la maladresse auto-satisfaite des autres ? Quelle est la responsabilité des héritiers plantés par leurs aînés et en quoi serait-elle supérieure à celle des managers surpayés qui ont eu le tort d’accepter des missions impossibles ?

En plus d’être objectifs, soyons justes : par les temps qui courent et avec les vents mauvais qui soufflent, ce n’est pas une sinécure d’être dans un fauteuil de CEO horloger, dénigré par les uns, jalousé par les autres et menacé en permanence par l’allumage de son siège éjectable. On finit même par les aimer, tous ces CEO, à les voir s’agiter et jouer les moulins à vents, quand ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont – c’est-à-dire souvent pas grand-chose. C’est pourquoi il est difficile d’en vouloir à un François Thiébaud (Tissot), grand « visionnaire » horloger qui n’a toujours pas compris que la foudre carpo-révolutionnaire était tombée sur sa marque et qui n’a toujours pas admis que son « patron », Nick Hayek, était peut-être victime d’une inquiétante « régression vers la moyenne » [phénomène statistique et génétique bien connu] qui lui fait accumuler autant de mauvais résultats (40 % de chute de l’action Swatch Group depuis le début 2018). Ne parlons pas du naufrage de Swatch, où Carlo Giordanetti ne sait plus où il habite – qui lui offrira un billet de (re)logement ? Pourquoi s’en prendre à Marc Hayek, qui aura réussi à naufrager le pôle luxe du Swatch Group – notamment Breguet et Blancpain – alors qu’il s’agit, à l’évidence, d’une tragique erreur de casting tolérée par la direction du Swatch Group et son enfumeur de CEO ? Pour se faire une idée plus précise du désastre annoncé du côté de Bienne, chacun pourra relire notre chronique #balancetonnick (Business Montres du 18 mars)…

Dans un tout autre genre, impossible d’en vouloir à Jérôme Lambert pour la consternante affaire des 30 000 montres Richemont retrouvées au Koweït chez le plus gros client local de Cartier : non seulement il n’y est pour rien, mais les vrais responsables de cette opération foireuse sont loin, même si certains rôdent encore dans les instances dirigeantes du groupe Richemont. Il est encore trop tôt pour savoir si Catherine Rénier gère bien ou mal le redressement de Jaeger-LeCoultre ou si Geoffroy Lefebvre se désembourbe correctement du marécage où il a trouvé Baume & Mercier. Qui pourrait prétendre qu’il aurait fait mieux que la remise à zéro tendancielle opérée par Antonio Calce chez Girard-Perregaux ? Qui aurait ramé aussi fort que Julien Tornare pour tenter de faire rentrer à quai la vieille barque Zenith ? Et qui aurait été aussi patient, aussi résistant et aussi longtemps que Jérôme Biard chez Corum-Eterna ?

Pour reprendre un exemple rappelé hier, ici même, dans les « gags de l’année », à quoi bon stigmatiser Tom Ford, qui s’est une fois de plus planté avec sa montre pastiche de Cartier (Business Montres du 17 avril 2018), alors que c’est sa nature de serial killer horloger le prédispose à de telles cagades ? Des maisons indépendantes comme Maurice Lacroix, Louis Érard, Ernest Borel ou Raymond Weil [et tant d’autres] sont si chroniquement patraque qu’il serait vain d’en accabler les directions. Soyons logiques : la marque Parmigiani étant abonnée aux directions « himalayesques », qui s’étonnerait de voir s’y ébattre un Davide Traxler, homme de fortes convictions éthiques s’il en est ?

Alors, pour conclure, quel pourrait être le CEO horloger le plus nul de l’année s’il était possible d’en nommer un ? Franchement, en 2018, aucun ne mériterait ni cet excès d’honneur, ni cette indignité (pour paraphraser Racine) – hormis un ou deux noms cités ci-dessus, et encore. Tout le monde a plus ou moins travaillé correctement – plus ou moins, sans faute majeure ! Millésime médiocre, qui sera probablement considéré comme une année de transition entre la fin de la crise de 2016 et le début de la prochaine crise horlogère [anticipable pour 2019 et, en tout cas, au mieux pour 2020], l’année 2018 a également été médiocre dans les errements des autorités de l’industrie horlogère comme dans leurs supposées « gloires » managériales [pour dix marques qui tournent fort, deux centaines se traînent ou régressent]. Réservons donc le trophée du pire CEO de l’année pour l’année prochaine…

BYE BYE 2018

Retrouvez nos précédents articles sur le bilan de l’année 2018, ses splendeurs et ses misères. Les liens pour les dix premières séquences figurent dans l’épisode #10 ci-dessous…

❑❑❑❑ #19 : S’il fallait choisir parmi tous ces dessins les meilleurs détournements de l’année (Business Montres du 29 décembre)…

❑❑❑❑ #18 : Finalement, quels étaient les meilleurs gags horlogers de l’année ? (Business Montres du 28 décembre)

❑❑❑❑ #17 : Les mini-révolutions horlogères de l’année nous préparent à des macro-reformatages annoncés (Business Montres du 27 décembre)

❑❑❑❑ #16 : La plus baroque des nouvelles marques de l’année est aussi la plus inattendue (Business Montres du 26 décembre)

❑❑❑❑ #15 : Les impitoyables chaises musicales de l’année – coup d’œil rapide dans le rétroviseur (Business Montres du 23 décembre)

❑❑❑❑ #14 : Le petit détail d’habillage qui a tout changé en 2018 (Business Montres du 22 décembre)

❑❑❑❑ #13 : C’était l’année des records de vitesse, qui se décomptent désormais en « secondes commerciales » (Business Montres du 21 décembre)

❑❑❑❑ #12 : Les personnages horlogers de l’année sont des tigres de papier (Business Montres du 20 décembre)

❑❑❑❑ #11 : La montre de l’année ne l’a pas fait exprès, mais elle sait se faire attendre (Business Montres du 17 décembre)

❑❑❑❑ #10 : Le meilleur média horloger de l’année est une abomination rétrograde et impie (Business Montres du 16 décembre)


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