LE SNIPER DU WEEK-END (bloc-notes en accès libre)
Quelques questions sur les trois casquettes de l’heureux président des montres Breitling
Sixième Sniper de l’année 2023 : on va donc vous parler, entre autres, d’une question de gouvernance, d’une inquiétude statistique, d’un carton plein, d’une capitale horlogère qui est toujours privée de musée et d’un coup de froid – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. Les qualités d’un bloc-notes selon l’excellent Sylvain Tesson ? « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Bloc-notons donc dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…
IN MEMORIAM…
Une pensée pleine de compassion pour la famille Beyer, celle des grands défenseurs de la belle horlogerie (Beyer Chronometrie, Zurich), et un dernier hommage à Annette (Anna) Beyer-Wild (1933-2023), mère de René Beyer et doyenne de la famille, qui vient de nous quitter après quarante années au service de la grande cause horlogère…
ENDURANCE…
Retour progressif à la normale après les violentes cyberattaques dont nous avons été victimes : pour l’instant, tous les articles récents restent en accès libre pour que chacun puisse en profiter. Les pages réservées à nos abonnés et à nos acheteurs au numéro réapparaîtront progressivement, de même que l’accès libre et gratuit à la newsletter. Beaucoup d’abonnés devront profiter de l’occasion pour rafraîchir leur mot de passe ou prolonger leur abonnement. Comme d’habitude : attaqués certes, bousculés un jour, résistants toujours – le combat continue (Business Montres du 17 janvier en accès libre)…
INCONSTANCE…
Il y a une courbe statistique à étudier parce qu’elle est autrement plus inquiétante que celle du coup d’arrêt infligé au cours de ces dernières semaines à la croissance des exportations horlogères : c’est la flèche qui traduit l’augmentation régulière du prix des montres Swiss Made – tantôt pour s’adapter aux disparités monétaires croissantes entre le franc suisse, l’euro, le dollar et le yuan, tantôt pour prendre en compte les effets de l’inflation et tantôt pour s’adapter aux coûts croissants de la main-d’œuvre et des matières premières pratiqués en Suisse. Bref, que des bonnes raisons, très rationnelles, mais d’autant plus dangereuses. Les industries concurrentes des autres nations hiorlogères n’ont pas les mêmes contraintes : elles voient s‘établir un différentiel de prix de plus en plus favorable entre les montres suisses et leurs propres collections. Comme les salaires n’ont pas forcément suivi la même pente ascendante, notamment dans les vallées suisses, ces montres Swiss Made sont de moins en moins accessibles à leur public « naturel » – d’où les problèmes grandissants de sell-out et les perspectives assez pessimistes sur le premier semestre 2023…
CONSISTANCE…
Excellent indice de santé du marché de la montre de collection, dès que la sélection des pièces dispersées en est rigoureusement menée : la maison d’enchères genevoise Phillips + Bacs & Russo aura vendu cette année 100 % des lots horlogers qu’elle mettait en vente. « Carton plein » qui est exceptionnel dans l’univers des enchères horlogères…
IMPORTANCE…
Vous aurez sans doute repéré cet acronyme dans les commentaires sur les réseaux sociaux : YOLO pour « You Only Live Once » (« On ne vit qu’une fois »), proposition épicurienne qui semble n’être que la reprise en anglais du Carpe Diem de l’ancienne sagesse romaine. On a fait de ce YOLO une série télévisée, quelques chansons, des T-shirts, une marque alimentaire et même un amusant vin de pays suisse. Question existentielle : un achat de montre est-il YOLO ? Plus pointu : certaines marques sont-elles plus YOLO que d’autres ? À vérifier auprès des ados, qui sont les clients de demain de l’industrie horlogère…
CONNIVENCE…
Fallait-il parler du « réglement de comptes à OK People » qui vient d’opposer, sur fond de querelles horlogères, la chanteuse colombienne Shakira et son ex-compagnon, le footballeur espagnol Gerard Piqué ? Soit une histoire assez frivole de Rolex et de Casio (Business Montres du 18 janvier) ! Oui dans la mesure où il est question de montres et de marques horlogères : rien de ce qui touche à ces sujets ne nous est étranger – surtout quand il est question d’échanger une Rolex contre une Casio. Oui encore parce que ce réglement de comptes en forme de drama post-conjugal a créé un buzz planétaire sans précédent, avec 150 millions de vues sur YouTube pour la chanson Bzrp Music Sessionsde Shakira, qui dézingue sans pitié une rivale deux fois plus jeune qu’elle (ci-dessous). Oui enfin parce que, pour une fois, une histoire de montres et de pipoles n’est pas révélée à la faveur d’un fait divers impliquant un narco-trafiquant interpellé ou un oligarque convaincu de corruption…
INCONSÉQUENCE (1)…
À la vitesse d’une tortue [celle qui n’arrive jamais devant le lièvre], la ville de Genève avance dans son projet d’agrandissement du Musée d’art et d’histoire de la ville – celui qui doit abriter le futur musée d’horlogerie dont la « capitale internationale de l’horlogerie » (autoproclamée sans raison probante) reste privée. La ville n’en est jamais qu’au déblocage des crédits d’études, ce qui ne va pas très loin. Redisons-le une fois de plus : il est urgent pour Genève de se doter d’un musée d’horlogerie digne de ce nom, d’autant que la ville possède des collections d’un immense intérêt historique dans ce domaine ! On peut raisonnablement admettre que les amateurs d’horlogerie ne sont pas forcément passionnés par les collections artistiques et historiques de la ville : dès lors, pourquoi confiner les collections horlogères dans le même espace muséal que les autres collections de la ville ? Pourquoi ne pas utiliser, dès maintenant [sans attendre l’hypothétique réfection du Musée d’art et d’histoire, à la fin des années 2020], un plateau de présentation comme le musée Rath de la place de Neuve, aujourd’hui désaffecté et sous-employé, mais unanimement apprécié dès qu’il est affecté à un événement horloger (par exemple pour les expositions du GPHG). Cette affectation aux collections horlogères de la ville est au programme de Pierre Maudet, qui a ouvert le débat à ce sujet (Business Montres du 4 janvier en accès libre), avec des arguments pas très éloignés de ceux de Business Montres dans ce domaine et des propositions supplémentaires, comme l’aménagement piétonnisé de toute la place de Neuve pour créer un pôle d’intérêt majeur autour de ce musée horloger, du Grand-Théâtre et du parc des Bastions, dans une logique d’agrafage à la Vieille-Ville.
INCONSÉQUENCE (2)…
Business Montres défend même l’extension de cet aménagement à la rampe de la Treille, où il serait possible de créer, en plein air et en remontant vers la Vieille-Ville, un véritable « Mur des Horlogers » [dans le même style que le Walk of Fame californien] : ce monument commémoratif accessible à tous rendrait hommage aux grands hommes de l’horlogerie, qu’ils appartiennent à l’histoire (Berthoud, Breguet, Patek, Moinet, etc.) ou à notre temps (Wilsdorf, Hayek, sans oublier quelques vivants comme Dufour, Journe, Biver ou Flageollet). Il est évident que l’aménagement de cette rampe commémorative serait d’un coût dérisoire, mais d’un attrait touristique déterminant à moins d’une encablure du célèbre Mur des Réformateurs. L’inconséquence des élus genevois dans ce domaine, leur inertie et même leur indifférence à l’horlogerie [ils aiment l’argent des montres plus que les montres] ne fait que souligner l’incapacité des élus de la ville et du canton à prendre en compte les intérêts réels de l’horlogerie – on se reportera ici à nos propositions et au programme de Pierre Maudet, dont il faut bien souhaiter, pour cette seule raison, l’élection au Grand Conseil et au Conseil d’État en avril prochain (Business Montres du 4 janvier en accès libre)…
GOUVERNANCE…
On peut s’interroger sur la licéité (en termes d’éthique entrepreneuriale) de ce qui se passe autour de la présidence de la marque Breitling, où le fonds d’investissement suisse Partners Group a récemment pris une position majoritaire (Business Montres du 23 décembre, accès libre). Le milliardaire zurichois Alfred « Fredy » Gantner, confondateur de Partners Group [qui gère à peu près 130 milliards d’actifs] et actuel président de Breitling, avouait, dans un message récent, qu’il était lui-même actionnaire privé de Breitling depuis 2021 et qu’il avait à nouveau participé, toujours à titre privé, au nouveau tour de table qui avait permis à Partners Group de devenir l’actionnaire majoritaire de la marque. Fredy Gantner se trouve donc tripement impliqué dans les affaires de Breitling : en tant qu’investisseur majoritaire avec Parners Group, en tant que président du conseil d’administration et en tant qu’actionnaire privé. On remarquera qu’il n’a pas fait une mauvaise affaire, ni à titre professionnel, ni à titre personnel : en 2021, lors du premier rachat opéré par Partners Group et par Fredy Gantner, Breitling avait été valorisé autour des trois milliards de francs suisses, mais, fin 2022, pour la seconde tranche de cet investissement, la valeur Breitling se trouvait portée à 4,3 milliards de francs suisses [le fonds anglo-luxembourgeois CVC avait racheté Breitling en 2017 pour environ 800 millions de francs suisses]…
INSISTANCE…
Au fait, avez-vous pensé à vous abonner (c’est libre et gratuit) à la newsletter quotidienne de Business Montres & Joaillerie, qui vous informe tous les matins de tout ce qui a été publié la veille (articles, enquêtes, chroniques, dessins et vidéos) ? Cette fonctionnalité du site devrait être rétablie sous peu ; ne prenez pas le risque d’ne manquer la reprise. Il suffit d’entrer l’adresse e-mail à laquelle vous voulez recevoir cette newsletter et de cliquer sur le cadre noir en bas de la page. Cette newsletter est le moyen le plus simple de ne rien manquer de nos avancées éditoriales, surtout si vous n’avez eu le temps de vous connecter la veille – ce que nous ne pouvons que vous recommander chaudement. Pour les plus distraits, chaque week-end, nous mettons également en ligne une « séance de rattrapage » qui rappelle toutes les informations de la semaine (dernière séance : Business Montres du 15 janvier en accès libre)…
CONVERGENCE…
Tiens, en parlant de connexions utiles, un rappel utile : est-ce que vous nous suivez sur nos différents réseaux sociaux, notamment Instagram (en général, il s’y publie un de nos dessins par jour : cliquez sur ce lien pour accéder à la page et pour vous abonner), Twitter (on y retrouve les liens pour certains de nos articles), Linkedin (fil très vivant déjà apprécié par plus de 6 000 abonnés) ou notre Best Watch Blogsur Facebook…
RÉJOUISSANCE…
Nous reprenons dans ce bloc-notes la bonne vieille habitude prise par le Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans notre dernière chronique « Horlotainment #18 » (Business Montres du 21 janvier). « Début 2023, le sérieux coup de froid sur les bons chiffres habituels de l’horlogerie semait la terreur dans les états-majors de la montre » : depuis de nombreux mois, Business Montresmettait en garde les élites de la montre contre un optimisme ridicule alors que les signaux faibles de ralentissement commençaient à s’allumer un peu partout. On y est ! Même si les statistiques horlogères se maintiennent sur un « plateau » apparent, les ventes réelles sur le terrain reculent sur la plupart des marchés et les incertitudes ne cessent de croître concernant la croissance annoncée un peu naïvement pour 2023…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (1) : « Vous préférez le lapin très fin ou le lapin crétin ? » (Business Montres du 7 janvier, accès libre)…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (2) : on relira aussi notre mise en perspective de 2023, avec « Les dix croyances absurdes qui risquent de plomber gravement 2023 (première partie en accès libre : Business Montres du 5 janvier – deuxième partie en accès libre : Business Montres du 11 janvier)…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (3) : on peut également apprécier nos « Sept leçons de 2022 qu’il ne faudra surtout pas oublier en 2023 » (« Bonnes résolutions 2023 » en accès libre : Business Montres du 3 janvier)
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (4) : nos « Dix coups de projecteur sur l’actualité des faits, des hommes et des marques » en décembre (« Baromontres » en accès libre : Business Montres du 31 décembre, avec un récapitulatif de tous les coups de projecteur de l’année)…
Coordination éditoriale : Eyquem Pons