SANS FILTRE #08 (accès libre)
Ras-le-poignet des montres bidon dédiées aux super-flics !
Bientôt, les policiers et les gendarmes français n’auront plus besoin de gilets pare-balles tellement ils seront bardés de montres qui leur rendent hommage…
La montre dédiée aux super-gendarmes et aux super-flics a toujours été l’exercice favori des marques horlogères, qu’elles soient suisses ou françaises : Business Montres n’a jamais été avare d’articles et de révélations à ce sujet. Parmi les plus célèbres créations dans ce domaine, nous avions ainsi informés nos lecteurs de l’existence d’une Rolex Submariner devenue légendaire : celle des super-gendarmes français du GIGN (Business Montres du 15 juillet 2014) ou, plus récemment, nous avions dévoilé qu’Omega allait dédier une Speedmaster aux superflics français du RAID (Business Montres du 6 septembre).
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité », écrivit un jour Antoine Houdar de la Motte dans ses Fables nouvelles (1719). Tant de montres en « uniforme » ennuie : qui n’a pas sa montre griffée d’un des logos des unités qui assurent le maintien de l’ordre ? La liste des marques impliquées dans ce culte de l’unité d’élite militaro-policière est impressionnante : en plus des deux maisons mentionnées ci-dessus, il évoquer, par ordre alphabétique : Arthus Bertrand (GIGN), Bell & Ross (GIGN et RAID), Breitling (GIGN), BRM (RAID), Casio (RAID), Ebel (GIGN), MAT watches (RAID, GSPR, GIPN et d’autres unités), Lip (GIGN), Oris (GIGN), Ralf Tech (GIGN), ST Dupont (RAID) et Zenith (projet pour le GIGN) – sans oublier de multiples autres marques (par exemple, TOT pour le GIGN) qui relèvent plutôt du private label. Bref, tant de marques peuvent affirmer qu’elles détiennent la « montre du RAID » ou la « montre du GIGN » que cette mention finit par devenir contre-productrice, tant pour la collection [à part la Rolex, qui n’a guère que la frappe du logo sur le fond, aucune de ces montres ne devrait devenir une star des enchères] que pour l’image des marques…
La énième montre « policiers d’élite » proposée ces jours-ci par MAT Watches (ci-dessus) provoque une sorte de haut-le-cœur, prélude à une indigestion. Surtout quand elle débarque quelques jours après une série pratiquement identique chez Bell & Ross. Souvenez-vous, voici quelques jours, Business Montres (19 septembre) ironisait sur cette montre sur la montre portée par Alexandre Benalla lors de son audition devant les sénateurs français : une Bell & Ross identique, à un logo près, aux montres que Bell & Ross a récemment créées pour rendre hommage aux super-flics qui assurent la sécurité des dirigeants de la République française (Business Montres du 21 septembre) – une illustration parfaite de ces montres pour « ceux qui voudraient bien mais qui peuvent point » (en anglais, wanabees ou me-too).
Si on peut comprendre que ces « fétiches de poignet » théoriquement dédiés aux super-poulets tricolores produisent, sur les jeunes adultes immatures, les effets lénifiants et transactionnels des doudous de leur enfance, trop c’est trop et ça ne veut plus rien dire. Le message est brouillé, définitivement. Autant des montres authentiquement opérationnelles créent un contenu affectif puissant et valorisant, autant des montres purement commémoratives – qui ne sont guère que des produits dérivés d’amicales régimentaires, et non des montres « réglementaires » – créent une impression de malaise à propos de ceux qui les portent [voir la dérive assez pitoyable du cas Benalla évoqué ci-dessus]. La prolifération sidérante de cette horlogerie politico-militaire [qui relève le plus souvent de l’arnaque marketing] a quelque chose de pathologique, qui en dit long sur la demande inavouée d’affects autoritaires et l’angoissante vacance des références viriles de référence au sein du corps social. On n’a jamais fait plus mobilisateur d’émotions qu’une montre, qui reste le meilleur sismographe de l’inconscient collectif d’une communauté : quand l’horlogerie ne cesse d’appeler les flics, ce n’est jamais bon signe…
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Des pages pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont…
❑❑❑❑ SANS FILTRE #07 « La Bourse ou la vie ? Le hold-up de l’Apple Watch » (Business Montres du 17 septembre + vidéo)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #06 : « Un aveu tragique de Pierre Maudet : n’importe quelle marque de montres peut marquer « Genève » sur ses cadrans » (Business Montres du 22 juin)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #05 : « Il faut sauver le soldat Baselworld » (Business Montres du 25 mars)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #04 : « Alors, ça se présente comment, Baselworld 2018 ? » (Business Montres du 18 mars)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #03 : « Alors, comment va l'horlogerie à la veille de Baselworld 2018 ? » (Business Montres du 11 mars)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #02 : « La bonne information horlogère a un coût, et même des coucous » (Business Montres du 25 février)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #01 : « Au lieu de gaspiller des milliards, investissez-les là où ils sont utiles ! » (Business Montres du 16 février)