LE SNIPER DU LUNDI (bloc-notes en accès libre)
Comment la cunniculture zodiacale peut déboucher sur une horlogerie transformiste et pleine de complications
Sixième Sniper de l’année 2023 : on va donc vous parler, entre autres, des effets pervers d’une cyberattaque, de pierres qui ne tiennent pas leurs promesses, de lapins malins et de lapins crétins – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. Les qualités d’un bloc-notes selon l’excellent Sylvain Tesson ? « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Bloc-notons donc dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…
IN MEMORIAM…
Ayons une dernière pensée pour Reinhard Meis, qui vient de nous quitter à l’âge de 83 ans (1940-2023) : il avait été avec Günther Blümlein et Walter Lange un des artisans de la renaissance de la manufacture A. Lange & Söhne, qu lui doit quelques-unes de ses plus fameuses icônes contemporaines. À la fois designer, ingénieur horloger, développeur de projets, constructeur de mouvements et concepteur de montres, mais aussi rédacteur de livres réputés sur l’horlogerie, il n’avait aucune formation professionnelle dans ces domaines précis, son immense passion pour les objets du temps, son expertise, son expérience, sa personnalité et son intelligence ont fait la différence pour le faire entrer dans le grand livre d’histoire de l’horlogerie – il s’y est taillé une place dont nous garderons la mémoire…
IMPATIENCE…
Plus que quelques jours, sinon quelques heures, avant que le site de Business Montres & Joaillerie recommence à fonctionner normalement ! La nouvelle architecture en est au stade des derniers tests, avec des protections durcies contre les cyberattaques et des fonctionnalités améliorées en matière d’accès (vitesse, identification, gestion des abonnements, etc.) et de circulation entre les pages. Nous vous tiendrons au courant pour tout ce qui va concerner le retour des pages payantes et des mots de passe nécessaires…
AGENDA…
Au programme de cette semaine, alors que les travaux de mise en place de Watches & Wonders ne devraient plus tarder à commencer, tandis que les manufactures s’échinent à finaliser leurs nouveautés de l’année, Business Montres poursuit son programme éditorial provisoirement en accès libre, avec une rétrospective sur le prodigieux et imprévisible succès de la MoonSwatch [nous avons été de ceux qui y ont cru avant même le lancement officiel] et la fin de notre série sur « Les dix croyances absurdes qui risquent de plomber gravement 2023 » si on continue à y croire comme en 2022 (précédente chronique : Business Montres du 11 janvier). Et, bien entendu, nos habituelles séquences « Horlotainment » et « Répérages », sans parler des bonnes surprises que peut nous réserver une actualité des montres pour l’instant engourdie dans la vague de froid qui a saisi les vallées…
LECTURE…
On aurait aimé adorer ce livre, ne serait-ce que pour la belle idée de son titre : Homo Lapidibus – La passion des pierres (il est signé par la gemmologue Anne de Jouvenel-Tugny, aux éditions EdiSens). Homo Lapidibus nous en dit beaucoup sur les pierres, mais en se contentant de compiler quelques fiches de travail, mais sans rien nous livrer d’un tant soit peu probant ou nouveau sur cette « passion » des pierres qu’on nous annonçait. Une compilation d’ailleurs pas très rationnelle, plutôt scolaire et, pour tout dire, légèrement foutraque, où surnagent parfois quelques îlots d’informations inédites, historiques ou techniques – le tout mélangé avec des considérations un peu étranges sur les croyances à la guérison par les pierres, à l’astrologie gemmologique ou à la symbolique de leurs couleurs, quand ce n’est pas une revue parfois surréaliste des épées serties de pierres des académiciens français. On n’évitera même pas le détour par les mégalithes [puisque ce sont des « pierres levées »] et les roches lunaires rapportées de la Lune par les équipages américains. Bref, quand on compile, c’est comme quand on aime, on ne compte pas et on en fait toujours un peu trop ! Comme cet Homo Lapidibus se lit en quelques dizaines de minutes et qu’il faut bien de temps en temps recaler ses connaissances de base dans ce domaine, on ne perdra tout de même pas trop son nom avec Anne de Jouvenel-Tugny, qui a manqué là d’un éditeur capable de faire son métier d’éditeur : on versera à son crédit son plaidoyer contre les « cailloux de synthèse » et contre les abus de morale environnementale qui pourrissent le débat autour des pierres précieuses…
CONSISTANCE (bis)…
Retour sur une des informations de notre récent Sniper du week-end à propos des 100 % de lots vendus par la maison d’enchères Phillips + Bacs & Russo en 2022 (Business Montres du 21 janvier) : en fait, ce « carton plein », qualifié par nous d’« exceptionnel dans l’univers des enchères horlogères » n’était pas si exceptionnel que ça, puisque c’était déjà le cas en 2021…
CUNNICULTURE (1)…
Finalement, pour fêter la délicate Année du lapin dans le zodiaque chinois, ce qui fait la différence entre les « bonnes » idées horlogères et les propositions loupées ou bêtement trop « nunuches » et premier degré, c’est probablement le fait de ne pas prendre trop au sérieux l’allégorie zoologique. Parti-pris esquissé ici même en début d’année (« Vous préférez le lapin malin ou le lapin crétin ? » : Business Montres du 7 janvier en accès libre) et vérifié avec des propositions mécaniques de très haute horlogerie comme le calendrier sino-zodiacal de Parmigiani comme avec les kitchissimes chinoiseries de Breguet ou de Piaget. Au fait, vous avez remarqué ? Quand une marque a un peu honte de sa soumission à cette cunniculture dont personne en Occident ne sait vraiment si elle est motivante pour les larges masses asiatiques, soit la maison « oublie » de nous en proposer un communiqué de presse en français (Hublot : Business Montres du 23 janvier), soit elle nous parle soudain de l’Année du… Lièvre, ce qui est un tantinet plus chic (Arnold & Son : Business Montres du 23 janvier). Variante de cette pudeur zodiaco-médiatique : ne plus parler que du « nouvel an lunaire » [le « chinois » ne ferait-il plus recette ?] ou, pire, ne plus évoquer que le « CNY » – Chinese New Year pour les initiés…
CUNNICULTURE (2)…
D’où les félicitations du jury que nous décernons au consultant horloger Pascal Brandt (ex-journaliste horloger d’ailleurs talentueux, ex-Panerai, ex-Vacheron Constantin, ex-Bvlgari, ex-Parmigiani, où il opère toujours en indépendant) : dans un récent message sur sa page Linkedin, également repris sur sa page WeChat en chinois, il s’interrogeait avec une certaine franchise. « Nouvel an chinois : les consommateurs chinois sont-ils stupides ? Le nouvel an chinois voit chaque année les marques horlogères suisses lancer une édition dédiée et dite « spéciale » affichant sur le cadran l'animal de référence du calendrier chinois. Aucune créativité, juste l'animal comme s'il s'agissait d'un hommage exceptionnel. Franchement, n'est-ce pas considérer les clients chinois comme des acheteurs stupides ? » On n’est pas loin du « lapin malin-lapin crétin » dont nous parlions : quand va-t-on cesser de prendre les amateurs chinois pour des consommateurs décérébrés et jusqu’à quand les médias perroquets applaudiront sans le moindre recul critique ces lapineries occidentales qui consternent le public asiatique [c’est-à-dire une bonne moitié de l’humanité] ?
CUNNICULTURE (3)…
Nous n’en serons que plus heureux de décerner à notre ami russe Konstantin Chaykin la palme de la créativité zodiacale 2023. D’abord parce qu’il s’est souvenu que, dans la tradition culturelle européenne enracinée, le lapin tient une place non négligeable, notamment comme symbole mythologique de fertilité : au lieu de plaquer une lapinade d’un goût douteux sur une de ses montres, il s’est ainsi souvenu de lapin blanc d’Alice au Pays des merveilles – celui-là même qui sort de son gilet une… montre de poche ! Ensuite, parce que Konstantin Chaykin a fait son métier d’horloger, en modulant sur cette ambiance cunniculturelle [la « cunniculture » étant, académiquement parlant, l’élevage du lapin domestique] ses propres concepts horlogers, à savoir une amusante tête de lapin, très Chaykin d’esprit, sur une montre en titane double face et double usage (poche et poignet) de 42 mm de diamètre. Un vrai collector, qui ne sera édité qu’en quatre exemplaires, et une vraie avancée mécanique, puisque le génial horloger indépendant russe ne nous annonce pas moins de douze complications différentes dans cette pièce, dont un calendrier perpétuel, un indicateur de longueur du jour et de la nuit, un indicateur des heures de lever et de coucher du soleil, en plus d’une fonction unique, qui reste jusqu’à présent secrète : le « temps des merveilles » (voir sa page Linkedin) ! Le lapin blanc, c’est lui qu’il faut suivre…
SÉLECTION…
Nous reprenons dans ce bloc-notes la bonne vieille habitude prise par le Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans notre dernière chronique « Horlotainment #18 » (Business Montres du 21 janvier). Nos lecteurs se piquent au jeu pour commenter en images détournées l’actualité horlogère : à piratage, piratage et demi, fiers chevaliers de la cyberattaque anonyme, grâce à vous, les contenus de Business Montres sont (provisoirement) en accès libre…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (1) : « Vous préférez le lapin très fin ou le lapin crétin ? » (Business Montres du 7 janvier)…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (2) : on relira aussi notre mise en perspective de 2023, avec « Les dix croyances absurdes qui risquent de plomber gravement 2023 (première partie : Business Montres du 5 janvier – deuxième partie : Business Montres du 11 janvier)…
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (3) : on peut également apprécier nos « Sept leçons de 2022 qu’il ne faudra surtout pas oublier en 2023 » (« Bonnes résolutions 2023 » : Business Montres du 3 janvier)
❑❑❑❑ SANS OUBLIER (4) : nos « Dix coups de projecteur sur l’actualité des faits, des hommes et des marques » en décembre (« Baromontres » : Business Montres du 31 décembre, avec un récapitulatif de tous les coups de projecteur de l’année)…
Coordination éditoriale : Eyquem Pons