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SANS FILTRE #14 (accès libre)
« Je n’ai rien contre le connard laquais, rien de personnel »

On me demande souvent pourquoi j’ai la dent si dure comme les « journalistes » perroquets, volatiles médiatiques dont la plume copiante-collante excelle à louer les puissants qui leur abandonnent quelques miettes du festin horloger. Ne nous y trompons pas : j’aime trop nos amies les bêtes pour vouloir le moindre mal à cette basse-cour éditoriale…


Voici quelques années, peut-être un peu moins de dix ans, au grand dam des âmes simples et au risque de choquer les ravis de la crèche, nous avions déploré la calamiteuse présence sur la scène du Grand Prix d’Horlogerie de Genève de quelque « pintades » chargées de pallier les déficiences d’un présentateur aux plaisanteries de garçon de bain [c’était l’excellent pitre politique et avocat genevois Christian Lüscher, jamais en retard de « genevoiseries » à deux balles]. Ce n’était pas très gentil pour les pintades de les comparer aux animatrices du GPHG et nous présentons nos plus sincères excuses à ces volatiles, mais certains en avaient déduit que nous n’aimions les animaux. Ce qui constitue un grave contresens…

C’est toujours une « volupté de fin gourmet de passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile » : cette formule magique est empruntée au grand Georges Courteline (aphorisme 150 de sa Philosophie de Georges Courteline, datée de 1922, à télécharger ICI pour ceux que ça tenterait), auteur dont la fréquentation quotidienne devrait tenir de l’hygiène mentale obligatoire. C’est toujours un immense plaisir de se voir rapportés les propos que tiennent à mon sujet d’excellents confrères, pas forcément amis, quand ils ne savent pas que des oreilles indiscrètes les notent pour moi.

Pour rester dans ce registre animalier qui était cher au fabuliste La Fontaine, autre auteur dont il faut recommander la relecture régulière, c’est toujours le chien, « aussi puissant que beau, gras, poli », le poil luisant, qui se gausse du loup qui n’a que « les os et la peau » (Le loup et le chien). Personne n’ose faire remarquer à cet admirable mâtin, dont l’embonpoint appelle le compliment des courtisans, qu’il a le col pelé, sans doute la trace du collier dont il est attaché :

« – Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas

Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu'importe ?

– Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »

Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Dans ce bestiaire socio-comique que n’aurait pas renié le sage Ésope, on peut remarquer, pas loin de ce dogue au cou pelé, l’excellent canard qui se dandine en faisant ses génuflexions aux puissants de son monde et qui cancane si servilement qu’on peut le baptiser « canard laquais », et par extension systémique, « connard laquais » – c’est plus facile à mémoriser ! C’est un de nos volatiles préférés : à la fois cuistre et péremptoire, ce simple sachant se sent savant alors qu’il vole très bas, comme tous les anatidés. Toujours anxieux de ne jamais déplaire, il n’est jamais soucieux de devoir toujours copier-coller ses pauvres articles. Son infinie souplesse articulaire permet à ce laquais de se gondoler dans tous les azimuts de la flatterie. Cette nouvelle précieuse ridicule est verbalement dotée d’une prodigieuse capacité reptatrice. Canard foireux qui se prend pour un cygne, notre favori se retient pour ne pas exiger le prix Pulitzer de la veulerie médiatique – qu’il mérite pourtant : la vie est injuste ! Il manque à notre basse époque de submersion numérique les La Bruyère et les Molière qui auraient immortalisé ce canard, pardon ce « connard laquais ». Notre plaisir de gourmet : rigoler en petit comité avec nos amis managers, dont ces « connards laquais » croient cirer les bottes en disant du mal des oies sauvages dont ils envient secrètement la liberté d’altitude…

Comment ne pas mentionner dans cette animalerie dépourvue de grands fauves, au contact des pintades, des loups, des chiens ou des connards dont nous venons de parler, les ânes qui se prennent pour des lions sans voir les coqs qui les sautent, les requins qui se sont camouflés en blogueurs avant de se révéler comme de féroces épiciers, les faucons tout sauf fake, les grenouilles qui aimeraient tant se faire passer pour des bœufs [encore ce cher La Fontaine], les faisans qui se griment en « influenceurs » et les paonnes qui font la roue sur les médias sociaux, les moutons de la Panurgie éditoriale [ceux qui n’avouent pas à leurs lecteurs les prébendes dont ils bénéficient de la part des marques], les dindons de la farce horlogère et les veaux sous la mère, qui se prennent pour des géants parce qu’ils opèrent sous la pavillon d’un grand média. Sans parler des heureux poissons rouges, ravis de faire le tour de leur aquarium avec quelques secondes de mémoire vive, et les poissons morts qui, comme chacun le sait [est-ce un proverbe chinois ou un apophtegme israélien ?], sont les seuls à nager dans le sens du courant. Ce n’est plus un village horloger, c’est une ménagerie ! Vivement la crise qui nous débarrassera de cette faune toxique !

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les dix premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #10 ci-dessous)…

❑❑❑❑  SANS FILTRE #13 : « Peut-on encore créer de bonnes montres dans une ambiance de… merde ? » (Business Montres du 23 septembre)

❑❑❑❑  SANS FILTRE #12 : « Une étrange défaite : contribution à un soixante-cinquième anniversaire qui intéresse la montre » (Business Montres du 7 mai)

❑❑❑❑  SANS FILTRE #11 : « Mais oui, il y a bien des “gilets jaunes” dans l’horlogerie – et on devrait y faire attention » (Business Montres du 6 mars)

❑❑❑❑  SANS FILTRE #10 : « Et si c’était ça, la réalité vraie et vécue de horlogerie suisse ? » (Business Montres du 21 décembre)



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