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CULTURE MONTRES (accès libre)
« Le secret du succès » #2 (une recommandation publicitaire quasi-officielle pour les horlogers qui opéraient en 1943 : deuxième partie)

« Insérer, oui – mais où quand comment » : le vocabulaire est un peu désuet, mais la deuxième partie de cet article de 1943 sur les contraintes de la publicité horlogère n’en est pas moins savoureux et, surtout, d’une remarquable actualité. Trois-quarts de siècle plus tard, l’industrie des montres aurait intérêt à se poser les mêmes questions (illustrations : quelques « annonces », comme on disait à l’époque, proposées par les marques suisses à l’époque de l’article)…



(suite de la première partie de cet article : Business Montres du 7 mai)

 ••• Choisir Ie bon moment 

Faire toute chose à temps, selon la saison, la température et les circonstances qui commandent l'attention. Donne-t-on en août, d'émouvants reportages de ski les particularités, celles du visage, de l'allure et du sportif, et en janvier de poétiques reportages sur la navigation à voile ? De même, la publicité d'un frigidaire ou d'un chasse-mouches se lancera en plein été, tandis que l'équipement de ski se proposera dès l'hiver. Deux dates conviennent particulièrement aux articles nouvelle rencontre, l'envie vous vient d'en connaître pour cadeaux : Noël et Pâques. Vérités élémentaires, qu'il suffisait de rappeler.


Autre considération plus délicate : l'état des affaires. Est-ce parce que les affaires ne marchent pas suffisamment, ou, au contraire, alors qu'elles sont assez brillantes, qu'il s'agit de faire de la publicité ? Une erreur trop répandue conduit trop de commerçants à ne faire leur publicité que dans les périodes de fléchissement, lorsque les affaires ont besoin d'un « coup de fouet ». En temps normal, ils pensent économiser sur leur budget de publicité. Grave erreur : le public les oubliera rapidement, et ce sont leurs concurrents, plus avisés, qui bénéficieront de leur silence. Peut-être le dommage n'apparaîtra-t-il pas tout de suite. Mais il ne se passera pas très longtemps avant qu'il soit irrémédiable. Un concurrent, bon publicitaire, aura pris Ia place libre. Au reste, regardez-y bien : un commerçant n'a-t-il pas toujours quelque chose à rappeler à sa clientèle, actuelle ou future ? Une nouveauté, un avantage inédit. Et pensez-y bien : pas plus en affaires qu'à la « météo », le beau fixe ne dure jamais longtemps. S'il fait beau vendredi, il pleuvra dimanche... Encore une vérité à considérer : Ia publicité porte en elle-même une vertu dynamique ; Ia négliger, c'est se condamner à demeurer sur place. Qui n'avance pas recule ; le commerçant qui pense pouvoir y renoncer ne reste pas debout, comme il le croit tout d'abord. Il se met à descendre tout doucement la pente savonnée qui conduit à la chute, et de la chute, à la ruine finale. Au contraire, le commerçant avisé découvre dans les heureuses conjonctures du moment les chances d'un développement futur. Tout client nouveau que la publicité lui apportera ne représente pas pour lui un avantage présent ; cette publicité qu'il engage, ces annonces qu'il publie, ce n'est pas pour le moment présent qu'il les consent ; en accroissant sa clientèle, elles lui procurent une hypothèque sur l'avenir.

 ••• Une bonne disposition de l’annonce

Comment l'annonce doit-elle se présenter pour être assurée du succès ? Une question à laquelle nous répondrons avec toute la nuance indispensable puis- que aucune formule stricte ne s'impose dans tous les cas imaginables. Certes, l'expérience a dicté certaines règles utiles dans Ia pratique ; elles enseigneront au commerçant ce qu'il doit faire et ce qu'il doit éviter. Mais là encore interviennent les exceptions qui confirment la règle. Il en est de ces directives comme des premiers soins à donner aux blessés ; si le cas paraît sérieux, appelez le docteur ! Le docteur, ici encore, c'est le spécialiste. Un commerçant n'arrive-t-il pas à se tirer d'une annonce ou d'une série d'annonces, qu'il s'adresse à un publicitaire compétent, et qu'il ne redoute pas ce supplément de frais, qui sera largement compensé par les meilleurs résultats de l'annonce ou de la campagne. Ce qui vaut mieux, avouons, que disperser son bon argent dans une action insuffisamment préparée et mal conduite.

Toujours est-il que certaines règles générales s'appliquent à la bonne présentation d'une annonce. Nous avons montré que l'actualité du journal dispose tout lecteur à une curiosité bienveillante. Il aborde son journal avec le ferme propos d'y découvrir du nouveau. A cette recherche, à cette lecture, il consacrera le temps nécessaire, soucieux d'abord de n'être point dérangé. Bien entendu, cette favorable disposition de l'esprit profite aussi aux annonces, donc à chaque annonceur. Si l'annonce est rédigée et présentée avec le souci d'éveiller chez le lecteur la sensation de la nouveauté, son auteur peut être certain que son avis sera entendu. Il importe donc que l'annonce soit intéressante. Suffit-il d'avoir quelque chose à dire ? Pas du tout : il sera indispensable de se faire écouter.

Le commerçant qui va donner ses annonces n'oubliera jamais une chose, c'est qu'il n'est pas seul : la page de publicité ne contiendra pas simplement son annonce à lui, mais une foule d'autres, parmi lesquelles celles de la concurrence. Partant de ce point de départ que toute annonce est donnée pour être remarquée, vous vous imprégnerez de cette réalité que votre publicité doit d'abord attirer l'attention, qu'elle doit, dans le sens raisonnable et légitime du terme, « taper dans l'œil », comme disait une revue de publicité étrangère qui avait fait du « pan dans l'œil » le slogan de ses succès et de sa doctrine publicitaire. Plus votre annonce différera de ses voisines, et mieux elle se fera remarquer. Dans une page d'annonces comme entre maisons concurrentes, il existe une rivalité qui sera toujours l'âme, ou, si l'on veut, le nerf du commerce. Examinez attentivement une seule page d'annonces d'un de nos quotidiens. En même temps que vous apparaîtra cette concurrence, cette nécessité de faire votre trouée, vous discernerez l'effort indispensable pour y tenir votre place. Qualité d'abord : la formule ne s'applique pas simplement à votre produit, mais à votre publicité. Une belle ordonnance du texte, des titres, sous-titres et des formules où le brillant s'allie au précis, sans affirmations creuses et sans superlatifs faciles, une illustration frappante, tout cela y concourt, jusqu'à certaines tournures facétieuses ou à demi énigmatiques dont il ne conviendrait pas d'abuser : certaines « attrapes » froissent le lecteur plus qu'elles ne l'attirent.

Une imagination toujours réaliste, un tour d'esprit toujours axé sur le produit, ses avantages et l'intérêt du lecteur, un ordre sans rigueur, une netteté sans sécheresse, voilà des dons précieux à mettre en videur dans votre publicité. Un petit conseil en passant : faites « mousser » votre marchandise, mais non votre esprit, évitez toute recherche du sensationnel, tout grossissement qui seraient tenus pour des fautes de goût. Certes, toute publicité bien moderne aura pour premier objectif d'attirer l'attention. Dans l'ordre des affaires, elle constitue une offre et doit se présenter comme telle. Elle s'adresse à l'intérêt bien entendu du lecteur, non à une certaine soif de sensation qui n'a rien à voir ici. Première exigence de l'annonce : qu'elle dise ce que vous avez à offrir, et que, dans sa rédaction loyale, habile cl engageante, elle inspire cette confiance que vous attendez pour votre marchandise même. Une règle traditionnelle, à observer attentivement, consiste à bien aérer l'annonce, en la détachant de ses voisines par des « blancs » et des interlignes qui lui vaudront une présentation aisée et un attrait particulier. Deux annonces bourrées de texte jusqu'aux marges, seront, le plus souvent, inefficaces, du moins, peu attirantes ; des deux, si une seule est véritablement surchargée, l'autre, par contraste, sera d'une lecture plus attrayante et plus facile; ce sera sa voisine, par un étrange paradoxe, qui la fera valoir.

Un autre moyen d'attirer l'attention, ce sera la  bonne optique de l'annonce. Comme l'opticien, dirigé par l'oculiste, redresse une vue défectueuse, une bonne annonce possédera son angle de vision, qui permettra de capter et de retenir, sur un point donné, l'attention du lecteur. C'est le « Blickfang », si apprécié des bons publicitaires de la Suisse allemande. Une notion, une nécessité plus aisée à saisir qu'à expliquer, et encore
moins facile à réaliser. On croit volontiers qu'il suffit, pour y parvenir, d'un élément verbal ou graphique mis fortement en vedette. C'est une erreur. Certes, le « Blickfang » consiste bien à saisir, à capter, à retenir le regard. Mais évitez que le regard dévie, comme il le ferait à travers un verre défectueux. C'est
le contenu, le sens général de l'annonce qui doit apparaître dans ce « foyer », et non un de ses éléments
de détail. Il faut donc que la distance de ce « foyer »
attractif au sens général de l'annonce soit la plus courte possible. Dans une description strictement objective du produit, ce « foyer », angle de vision pour
le lecteur, et le contenu même de l'annonce se recouvrent, ou plutôt, ils sont identiques. Mais cette identité n'est nullement une nécessité. Au contraire, le
chemin indirect est bien souvent préférable. Ce qui
importe, c'est que l'angle de vision offert au lecteur et Ia substance même de l'annonce se rejoignent aussitôt, par un chemin qui les relie immédiatement, par une nécessité à la fois visuelle et intellectuelle. Il ne convient pas que cet attrait offert au regard le saisisse en le contentant, sans le conduire immédiatement à la connaissance de l'« offre » qui est l'essentiel de votre annonce. Sinon, cet attrait deviendrait une vaine amusette. Or, il s'agit de faire connaître, et de vendre. Ce qui est tout de même, avouez, l'essentiel !

 (à suivre : la fin de cet article – commencé dans nos archives « Culture Montres » : Business Montres du 7 mai)

••• TEXTE ORIGINAL : journal de la Fédération horlogère suisse (28 octobre 1943)



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