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CULTURE MONTRES (accès libre)
« Le secret du succès » #3 (une recommandation publicitaire quasi-officielle pour les horlogers qui opéraient en 1943 : troisième et dernière partie)

« Insérer, oui – mais où quand comment » : le vocabulaire est un peu désuet, mais cet article de 1943 sur les contraintes de la publicité horlogère n’en est pas moins savoureux et, surtout, d’une remarquable actualité. Trois-quarts de siècle plus tard, l’industrie des montres aurait intérêt à se poser les mêmes questions (illustrations : quelques « annonces », comme on disait à l’époque, proposées par les marques suisses à l’époque de l’article)…


 ••• À RELIRE : la première partie de cette recommandation publicitaire de la Fédération horlogère suisse (Business Montres du 7 mai : le choix des journaux)et la seconde partie (Business Montres du 8 mai : le choix du moment)…

 (…) Dans la plupart des cas, cet élément attractif est  constitué par le dessin. Lors même qu'il ne cherche
 pas essentiellement à fixer l'attention, l'élément graphique, dessin, image, illustration, constitue un des 
moyens les plus efficaces et les plus fréquemment 
utilisés dans la pratique publicitaire. S'il est vrai que 
toute chose, celle qui tombe sous les sens et aussi bien 
l'abstrait, peut s'exprimer par le truchement des mots,
s'il est non moins vrai que l'image ne peut donner qu'une impression visuelle et momentanée, il existe
 dans cette image, dans cette reproduction, un pouvoir d'indication et de suggestion qu'aucune description verbale ne saurait remplacer. L'attention, cette 
disposition maîtresse de l'esprit, est captée plus sûrement par l'image que par les mots les plus expressifs : le contenu de l'image est aussitôt compris et retenu, toute sa substance se lie plus fermement à d'autres représentations mentales que tous les assemblages de mots.

 A ces avantages, qui sautent aux yeux, s'opposent certaines limitations d’ordre technique auxquelles les expressions verbales ne sont pas sujettes. Supposez une annonce qui porte « à vendre de belles pommes gravenstein ». Le lecteur sait immédiatement ce qu'on lui offre. A ses yeux apparaissent aussitôt des pommes d'une variété déterminée, les « gravenstein » qu'il connaît et apprécie. Que l'annonceur tente de remplacer le mot par une image : ce sont bien des pommes que verra le lecteur, mais, ni à son œil, ni à sa mémoire, ni à son goût, ce ne sont des « gravenstein » qu'elles représenteront. La saveur particulière d'une « gravenstein » ne lui viendra pas à la bouche.

 S'il ne s'agit pas d'une forme, d'un dessin qui ne saurait prêter à aucune confusion, les mots, complétés dans les cas favorables par une image, exprimeront seuls le sens exact de l'offre. À propos d'illustration, remarquons que la presse rotative des journaux a pour raison d'être son extrême rapidité, une exigence du public bien plus que de l'éditeur lui-même. Survient un événement sensationnel : le public entend en retrouver l'image, l'heure d'après, dans un journal qui se tire à des dizaines et des dizaines de milliers d'exemplaires. lmagine-t-on l'effort inouï qu'il y faut, en technique, en organisation, en célérité ? Cette exigence inéluctable, la rapidité, porte tout naturellement son effet sur la technique des annonces ; sans exagération, on peut bien parler d'une technique de l'annonce de journal. Une réalité à laquelle se sont adaptés aussi bien les arts graphiques que les annonceurs, commerçants et industriels. Ainsi, les clicheurs sont parvenus à produire des clichés spéciaux pour la rotative, dans la reproduction des sujets « demi-ton » (photos, etc.), avec des résultats entièrement satisfaisants. En adoptant les procédés de reproduction adaptés au tirage dans les journaux, on n’éprouvera aucun motif de mécontentement ; on ne s’y exposerait qu’en posant certaines exigences incompatibles avec les tirages massifs d’une rotative. Tout cela devait être dit ici. Mais rien de cela n’est incompatible avec l’intérêt réel de l’annonceur, et toutes les objections tombent devant cette réalité d’évidence, que tous les usagers de la page d’annonces se trouveront devant les mêmes problèmes et difficultés dans la reproduction d’une illustration. Chacun court sa chance, mais la chance est la même pour tous. C’est là ce qui compte et chaque annonceur fera de son mieux pour tirer l'effet maximum, en clarté et efficacité, de ses annonces de journaux.

 Il est bien rare qu'une annonce consiste simplement en une image ; il y faut encore un texte. Classiquement, il y faut un texte qui décrive la marchandise, en souligne les avantages et la fasse désirer. II ne suffit donc pas de la montrer. Ainsi attire-t-on à soi la clientèle sérieuse. Faire voir, et faire savoir. Cette vérité élémentaire conduit certains annonceurs à décrire simplement, en renonçant, sans nécessité, à toute illustration. Cette utilisation de l'espace choisi α certes ses avantages. Mais il y faut une science particulière de l'expression, un rare talent de rédaction publicitaire, puisque, dans celte formule, le texte sera seul à dire ce qu'exprimeraient ensemble, dans une disposition normale, texte et illustration. En tout cas, il ne suffira pas que le texte dise l'essentiel du produit et de ses avantages ; encore faudra-t-il qu'il l'exprime de façon convaincante et qui s'imprime dans la mémoire des lecteurs. Un bon texte publicitaire possédera une véritable densité ; dans un espace forcément restreint, les mots ne se comptent pas : ils se pèsent. Établie sur les règles d'un langage exact et vivant, votre annonce éveillera, puis retiendra l'attention du lecteur, ranimant dans son esprit la sensation d’un produit et d'un service plus ou moins longuement souhaité. En un mot, elle éveillera, dans le double sens du terme, son intérêt. Il commencera, devant une annonce bien faite, par songer sérieusement à l'achat ; Ia répétition aidant,  il achètera. À lui seul, le prix de la publicité-presse vous oblige à rechercher immédiatement l'effet de vente ; une simple curiosité, un intérêt passager « paieraient » mal.

 Mais Ia double nécessité qui se pose à vous, d'attirer de votre mieux l'attention du lecteur en suscitant, par le jeu de l'intérêt bien entendu, son désir d'achat, cette double nécessité pose Ie problème capital du style publicitaire : la brièveté obligée. Votre texte sera bref, non seulement parce qu'il absorbe un espace forcément coûteux, mais encore parce que, dans sa nette brièveté, il stimule et accentue l'impatience du lecteur, qui est avant tout votre futur acheteur. Pourtant, il s'agit d'un sujet familier à l'un des interlocuteurs, tandis que Ie second – le lecteur – le jugera bien souvent indifférent ou à peine intéressant. Or, l'intérêt que vous prenez à parler de votre affaire, il faut que le lecteur le retrouve en vous lisant. L'effet maximum, vous Ie rencontrez toujours dans Ia forme la plus dense de votre idée, dans un « concentré » d'une mûre réflexion. Evitez tout mot creux. Pour le juste éloge de votre produit et de ses avantages, il convient que s'unissent l'à-propos, l'esprit et la clarté. Votre tour d'esprit sera personnel, original, incisif, sans recherche inopportune. La platitude ne convient pas au langage de l’annonce, pas plus que les superlatifs prétentieux et les exagérations que certains confondent avec des arguments. L'argument, mais cela ne consiste pas dans des affirmations, mais dans des preuves. Un annonceur croirait-il convaincre un seul de ses lecteurs en écrivant à peu près : « Achetez mon article, c'est le meilleur ! » II dirait tout aussi bien – ou tout aussi mal – « apportez-moi votre argent, au lieu de Ie donner à mes concurrents ». N'affirmez pas que votre produit est bon ; dites pourquoi et par quoi il l'est. Faites connaître à vos lecteurs les supériorités et les mérites particuliers de votre produit, faisant « mousser » à leurs yeux ce qu'il présente de particulièrement avantageux, par comparaison avec ceux de la concurrence, sans citations ni comparaisons indiscrètes. Là, vous vous bornerez à des affirmations générales, vous plaçant toujours au point de vue de l'acheteur, le seul qui compte en publicité. Usant d'autant de diplomatie que de loyauté commerciale, vous mettrez en valeur les mérites essentiels de votre article. Sans doute, vous les connaissez mieux que personne, puisque vous en êtes Ie fabricant et Ie vendeur. Pourtant, rappelez-vous bien que ce n'est pas pour vous- même que votre annonce est écrite, mais pour un grand public très divers et qui, bien souvent, ne comprend pas grand-chose au sujet. Evitez les termes techniques que vous serez seul à comprendre ; votre argumentation et votre façon de dire, mettez- les au niveau de l'entendement moyen des lecteurs, mais dans la classe d'esprits que vous cherchez à atteindre. À l'étage supérieur comme aux étages moyens, c'est là tout le problème de la convenance : à une clientèle de musiciens, vous ne parlerez pas d'un piano « ultra-chic » ; à un public de ménagères, vous ne vanterez pas un aspirateur à poussière pourvu de « turbines-rotor » et d'un bon marché « épatant ». Tout compté, votre annonce s'imposera par les vertus essentielles d'une bonne publicité ; elle sera frappante ; tous les éléments en seront clairs, loyaux et originaux et, Iast but not Ieast, dernière exigence qui les résume toutes, elle saura se faire retenir.


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