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MILLÉSIME HORLOGER 2022
Les douze marques qui ont marqué l’année (première partie)

Pourquoi douze et pas vingt-quatre ou quarante-huit ? Pourquoi ces douze plutôt que ces douze autres championnes possibles ? Pourquoi cette juxtaposition baroque de carpes et de lapins et pourquoi cette addition de carottes et de poireaux ? Parce que ces marques ont su incarner ce millésime 2022 dans ses affres et dans ses contradictions. Pourquoi ? Réponse ci-dessous…


L’idée première était de créer un podium olympique, avec une médaille d’or, une d’argent et une de bronze : quelle injustice pour ceux qui n’avaient pas démérité et quelle absurdité quand il n’existe pas d’échelle de valeurs capable de jauger des vitesses, des croissances, des distances et des puissances ! L’idée suivante consistait à créer un abécédaire qui aurait permis d’égrener paisiblement les lettres de l’alphabet de ArtyA à Zenith, avec quelques manques dans les lettres rares (K, W, etc.) et quelques doubles dans les plus usuelles (C, M, etc.) : on ne va quand même pas jouer au Scrabble ce millésime 2022 déjà très compliqué. Donc, en toute subjectivité, au risque d’être parfois partial et même partisan, tantôt arbitraire et tantôt complaisant, voici une sélection de douze maisons qui ont, à leur manière, illustré par leur réussite ce millésime 2022 (par ordre alphabétique)…

❑❑❑❑ ARTYA : gardez-vous bien de ne pas prendre au sérieux Yvan Arpa, qui a su faire d’ArtyA un des nouveaux laboratoires créatifs les plus féconds de la scène horlogère suisse ! Il a toujours une idée d’avance sur tout le monde : rien de ce qui peut faire plaisir aux amateurs de montres ne lui est étranger. ArtyA aura marqué l’année par sa maîtrise quasi-alchimique des boîtiers en verre saphir : quand les « grandes marques » se vautrent dans les boîtiers vitreux surtarifés, Yvan Arpa prodigue ses oxydes magiques [ceux qui teintent les pierres précieuses] pour redonner des couleurs à cette transparence qui est devenue la nouvelle valeur forte de l’horlogerie [pas dans tous les domaines, hélas !]. Le reste n’est qu’exaltation des merveilles de la nature (il adore les ailes de papillon) et des subtilités du grand art mécanique – ni tourbillons, ni répétitions minute ne lui font peur, pas plus que l’imagination au pouvoir qui lui a fait concevoir le profondimètre chromatique d’une « plongeuse » pas comme les autres…

❑❑❑❑ BREITLING : bien plus qu’une valeur sûre revenue dans le club très fermé des « grandes marques » de référence, Breitling est aujourd’hui une trajectoire en route vers le milliard de chiffre d’affaires annuel qu’on devrait atteindre dans les deux ou trois ans. Georges Kern a réussi son pari, celui de la renaissance d’une marque que son nouvel investisseur (Partners Group, qui vient de racheter au fonds CVC la majorité du capital) valorise désormais autour des 4,5 milliards de francs suisses – cinq fois plus qu’à l’arrivée aux commandes de Georges Kern ! Il n’y a pas de secret derrière cette montée en puissance qui devrait déboucher sur une mise sur le marché, mais beaucoup de travail de la part d’une équipe soudée autour de son manager et beaucoup de savoir-faire dans la refonte du catalogue [que de produits réussis en 2022 !] comme dans la restructuration de la distribution – et, bien sûr, dans la maîtrise de la communication. Breitling, c’est beaucoup plus que Breitling : ceux qui ne l’avaient pas compris ont dû le regretter quand ils ont vu cette locomotive les doubler…

❑❑❑❑ CODE41 : comment émerger et se faire une place au soleil quand on est petit et indépendant, mais très ambitieux ? En allant là où personne ne va et en s’offrant même un territoire de référence : c’est ce que Code41 fait et réussit depuis plusieurs années, mais la marque a joué gros et frappé fort en « inventant » une nouvelle catégorie d’objets du temps, chaînon manquant entre la montre mécanique et la prothèse téléphonique, avec un ADN influencé par la montre de poche autant que par la pendulette de bureau. Le nouveau Mecascape est un des objet du temps les plus épatants et les plus marquants de l’année, en ce qu’il remet à plat notre vision des rouages horlogers tout en remettant à l’endroit notre nouveau rapport au temps : dans un monde qui ne supporte plus la verticalité [celle des « grandes marques » surplombantes et arrogantes], ce Mecascape est le manifeste d’une nouvelle horlogerie horizontalisée…

❑❑❑❑ DE BETHUNE : quand on a le privilège d’avoir pour inspirateur Denis Flageollet, un des deux ou trois meilleurs horlogers de son temps [ceci pour modérer l’enthousiasme qu’il suscite], et quand on est adossé à une « machine de guerre » comme Watchbox, quand on a pour atout l’entregent commercial d’un CEO aussi disert et sympathique que Pierre Jacques et quand on réussit à ne plus produire que des montres aussi séduisantes que réussies [100 % de réussite depuis plusieurs années, c’est exceptionnel], le succès finit forcément par être au rendez-vous, avec des listes d’attente d’amateurs qui bavent d’impatience et avec une cote qui s’emballe dans les enchères ou sur le marché parallèle. Dans le paysage horloger, si tout le monde a bien travaillé en 2022, De Bethune a bien mieux travaillé que tout le monde…

❑❑❑❑ GREUBEL FORSEY : on avait senti venir le succès, mais on n’imaginait que le nouvel actionnariat de cette jeune manufacture redevenue totalement indépendante [la participation de Richemont a été rachetée] pouvait réussir à se désendetter, à doubler aussi le chiffre d’affaires et à presque tripler ses volumes tout en décuplant les profits – et encore, on ne vous dit pas tout [ce qui a été rétréci, c’est la distribution !]. Une création de valeur qui s’est vérifiée dans la cote des montres Greubel Forsey, celles d’hier comme celles de l’année. Avec une équipe qui s’est étoffée une trentaine de nouveaux collaborateurs, Robert Greubel, Stephen Forsey et Antonio Calce voguent pour l’année prochaine vers la cinquantaine de millions et la mise en place d’une nouvelle manufacture riche de nouveaux métiers, ce qui permettra d’élargir l’offre à de nouveaux collectionneurs, aujourd’hui frustrés par des volumes sévèrement contenus…

❑❑❑❑ JACOB & CO : souvenez-vous ! « Mi-la-do-si-la-do-la-si » : quelques notes d’une musiquette, celle du Parrain, celle que tout le monde a en tête, dans le monde entier, une des ritournelles qui animent la montre musicale Godfather du cinquantième anniversaire du film de Francis Ford Coppola. C’est cette montre qui a permis d’opérer la mutation (définitive ?) entre « Jacob the Jeweler » et le nouveau « Jacob the Watchmaker » (Business Montres du 28 octobre). La maison Jacob & Co règne à présent sur un territoire à peu près inexpugnable : celui de la haute horlogerie mécanique hollywoodienne, avec tout ce que cela comporte de grand spectacle en cinémascope, de glamour parfois naïvement sirupeux, de paillettes sévèrement endiamantées et de générosité dans le souci d’en donner toujours plus à une communauté d’amateurs en quête d’émotions démonstratives. Enfin sacré grand horloger [ce qui était son rêve d’adolescent], Jacob Arabo s’est même offert un luxe que beaucoup de grandes maisons indépendantes échouent à mettre en place : une succession réussie dans la transmission des rênes à son fils Benjamin… 

 

❑❑❑❑  À SUIVRE : « Les douze marques qui ont marqué l’année 2022 » (seconde partie)

 

Coordination éditoriale : Eyquem Pons


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